Les peuples européens ont perdu le pari des Lumières : celui faisant reposer la souveraineté populaire sur la conduite du citoyen «libre et raisonnable». À l’aube du 21e siècle, la politique est devenue le jeu exclusif d’intérêts technocratiques, présidé par le gouvernement des juges. Les peuples en sont exclus. Les États ne jouissent pratiquement plus de l’autonomie politique en Occident et les gouvernements souffrent pour la plupart d’«impuissance systémique». Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale en effet, l’action politique est soumise à une véritable tutelle juridique qui lui retire toute marge de manœuvre.
Tenus par la dette, nos gouvernements ont graduellement abdiqué le pouvoir politique en signant un long chapelet d’accords, de conventions, de lois et de traités contraignants, bradant la souveraineté populaire dont ils étaient les dépositaires; cédant aux juges, corporations et panels technocratiques l’auctoritas du pouvoir exécutif.
La crise des clandestins haïtiens l’a bien illustré : les conventions internationales signées par le Canada l’ont forcé à accueillir ces «réfugiés», chaussures Nike aux pieds et iPhone dernière génération en main. Nous avons été légalement contraints d’émettre de généreux chèques de sécurité sociale et fournir des logements gratuits, indépendamment de l’irrecevabilité patente de la demande. Car Haïti n’est pas en guerre! Le peuple, lui, assiste impuissant à cette spoliation, certifiée par le Barreau, des finances publiques du Québec.
Le Québec ne contrôle d’ailleurs plus le nombre d’immigrants qu’il reçoit sur son territoire depuis 1991. Un Accord avec le Canada en fixe automatiquement le nombre — toujours à la hausse — indépendamment des besoins réels du Québec. Qu’est-ce à dire? Que le droit étouffe aujourd’hui le peuple qu’il est censé protéger. Tôt ou tard, il deviendra impératif de remettre à sa place ce droit de moins en moins légitime, qui se substitue sournoisement au politique. C’est-à-dire le replacer en aval de la volonté populaire. Non l’inverse.
Sous le régime actuel, le Bien commun et les consensus démocratiques reculent constamment devant les revendications de minorités blindées juridiquement. On se rappellera l’affaire du kirpan dans le cadre de laquelle le port du poignard rituel sikh avait été, de façon ignoble, autorisé à l’école par les tribunaux canadiens, contre la volonté presque unanime et clairement exprimée du peuple québécois. Que dire aussi de l’abrogation de sections entières de la loi 101 par ces mêmes tribunaux. L’UE constitue un autre exemple de dépossession des peuples, placés sous tutelle de tribunaux et de commissaires non élus.
Le politique est aujourd’hui subsumé sous le juridique dans la plupart des pays de la zone atlantique. La volonté populaire, trop instable et irrationnelle au gout de certains, s’exerce dans le cadre de processus «démocratiques» restreints et surveillés de près par les légistes. Or, cette camisole de force qui caractérise l’impotence politique en hypermodernité est précisément ce contre quoi se sont insurgés les mouvements populistes qui ont défrayé la manchette en 2016. Serions-nous à l’aube d’une prise de conscience mondiale du coup de force technocratique porté contre les nations au profit d’intérêts qui ne disent pas leur nom? À quoi bon la souveraineté du Québec si elle reconduit sous un autre drapeau les conditions de notre servitude juridique et l’impuissance systémique que nous subissons au Canada?
De quoi le 21e siècle est-il le nom? Il est à ce jour le nom de la subordination des peuples par le droit et le signe de l’abdication croissante de l’humanité face à la dépersonnalisation technocratique.
Alexis Cossette-Trudel, Ph.D, M.A.
Twitter: @Alexis_Cossette
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