Revoilà la rentrée parlementaire à Québec. Celle-ci pourrait néanmoins offrir un peu plus de piquant, avec la présence d’un gouvernement minoritaire. La cession précédente, plutôt courte, n’a pas vraiment permis à la population d’apprécier ce contexte politique rarissime. Celle qui débute devrait toutefois être en mesure de le faire.
C’est le retour de Pauline Marois au Salon bleu. La nouvelle chef du Parti québécois a établi les priorités de sa formation politique pour les prochaines semaines. Ainsi donc, ses troupes se battront particulièrement pour les travailleurs de la forêt. L’industrie des pâtes et papiers aurait perdu des milliers d’emplois ces dernières années. Le PQ harcèlera donc le gouvernement Charest afin qu’il légifère de manière à ce que les exportations québécoises de papier comportent un pourcentage accru de fibre produite au Québec.
Après avoir fait de la fibre nationaliste l’élément central sur lequel toute la stratégie indépendantiste s’articulait, voilà que le Parti québécois en cible dorénavant une autre pour se refaire une santé politique. Il est vrai que la prochaine bataille électorale se fera dans les circonscriptions francophones, là où l’Action démocratique a arraché plusieurs victoires. Celles qui composent les régions du Saguenay-Lac-Saint-Jean, de l’Abitibi et de la Côte Nord, sont surtout demeurées péquistes. La bande à Pauline Marois se doit en conséquence de montrer qu’elle n’oublie pas ces électeurs qui ne les ont pas abandonnés au dernier scrutin.
Reste que les entreprises papetières ne sont pas sorties du Bois! La force du huard nuit aux exportations. La vétusté de nombreuses installations compromet leur compétitivité. Quant à la ressource qui se fait de plus en plus rare, les Québécois veulent la préserver davantage, au risque de donner le coup de grâce à ce secteur d’activité économique. La mission de sauvetage des péquistes est louable. Sauf que le succès escompté est loin d’être à portée de main. On ne peut qu’éprouver de la tristesse pour nos compatriotes de ces régions, où le chômage endémique menace maintenant de mort certains villages.
Reste qu’il est impossible, face à ce curieux « recyclage » de la fibre nationaliste, de ne pas ressentir un peu de scepticisme. Voler de la sorte au secours des travailleurs de la forêt, francophones pour la plupart, vise sûrement à déclencher aussi un sentiment de solidarité chez les autres qui habitent en milieu urbain. Une solidarité qui pourrait évidemment se traduire en votes… Du moins le souhaite-t-on au Parti québécois qui en a bien besoin.
En délaissant l’option souverainiste momentanément au profit du développement économique, en établissant des politiques de soutien pour les gens des régions, le PQ place doucement ses pions en vue du prochain rendez-vous électoral. Néanmoins, il est loin d’être certain qu’en faisant vibrer la fibre papetière, le Parti québécois parvienne à reprendre le haut du pavé sur l’ADQ.
La possibilité de vivre une élection fédérale automnale est réelle. Le Bloc québécois, orphelin d’appuis sur la scène québécoise puisque le PQ ne compte plus offrir l’option souverainiste aux électeurs prochainement, pourrait pâtir de cette malheureuse décision. Pas étonnant d’ailleurs que Gilles Duceppe n’ait eu aucune difficulté à être reconduit dans ses fonctions de chef, lors du vote de confiance qu’il a subi à Trois-Rivières la fin de semaine dernière. Qui veut en effet lui chiper son poste et se placer en première ligne durant la prochaine campagne électorale?
Enterrer le projet indépendantiste n’est pas une bonne stratégie. Cette tactique fragilise les formations qui en font (?) la promotion. D’autres partis profitent alors de cette position de faiblesse et tentent de combler le vide nationaliste à l’aide de concepts nébuleux. Le mirage autonomiste de Mario Dumont ainsi que cette reconnaissance cosmétique de la nation québécoise par Stephen Harper en sont des preuves!
Le Parti québécoise se trompe s’il pense que son «méandre économique » peut raviver la fibre nationaliste et du même coup l’option souverainiste. Un Québec pleinement maître de ses revenus et de ses pouvoirs constitue le meilleur gage de prospérité collective. Cet État québécois devra néanmoins faire face à des réalités économiques difficiles qu’il ne pourra ignorer, compte tenu de la vigueur de la devise qu’il utilise. Certains secteurs d’activités vont en effet continuer de souffrir. Le domaine manufacturier en est un. Celui des papetières en constitue malheureusement un autre qui sera difficile de soutenir. Il serait malheureux d’ajouter à cette liste l’entreprise indépendantiste. Surtout que celle-ci dispose de tous les ingrédients pour réussir.
Patrice Boileau
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1 commentaire
Archives de Vigile Répondre
17 octobre 2007D'accord avec vous sauf quand vous écrivez : «Enterrer le projet indépendantiste n’est pas une bonne stratégie.»
Je n'ai jamais entendu Mme Marois dire qu'elle enterrait le projet indépendantiste. Elle a dit qu'elle va commencer par placer les efforts du PQ sur la promotion de la souveraineté avant de penser tenir un référendum ce qui plus que logique. La promotion d'une idée pour mieux la faire passer n'est aucunement un enterrement. C'est simplement ne pas mettre la charrue devant les boeufs.