Vraiment, le président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), Pierre Craig, en a fumé du bon, comme on dit. Récemment, il s'est fendu d'une déclaration des plus hilarantes en affirmant le plus sérieusement du monde que «la presse québécoise est libre». Plus loin, il affirme tout aussi pompeusement: «Comme dirait l'autre, s'il y avait un problème d'influence indue sur l'ensemble des médias du Québec... on le saurait!»
On se demande sur quelle planète il vit, ce radio-canadien. N'est-il pas au courant que la famille Desmarais, «grand patron de La Presse et de six autres quotidiens majeurs» du Québec, a déjà affirmé que La Presse est là, dans le paysage médiatique du Québec, pour lutter contre la souveraineté du Québec. La majorité des éditorialistes et chroniqueurs, à part Pierre Foglia, sont fédéralistes et n'ont pas le droit de critiquer la main qui les nourrit. Pas besoin, pour les Desmarais, de se faire élire à l'Assemblée nationale, ils sont déjà bien présents à travers le parti au pouvoir, le PLQ, qu'ils contrôlent comme cela a déjà été démontré maintes fois. «La famille Desmarais, qui dirige l'empire Power Corporation, contribue avec force au bien-être financier du Parti libéral du Québec. Depuis 1998, les membres ont versé un peu plus de 300 000 $ au parti de Jean Charest.» (Kathleen Lévesque, Le Devoir, 2011). Derrière des portes closes, la famille Desmarais fait et défait les gouvernements depuis belle lurette, cela est documenté, M. Craig.
Dans de telles conditions, parler d'«une presse libre au Québec» relève de l'aveuglement volontaire et ce n'est pas très glorieux pour un président de la FPJQ. Demandez à Pierre Allard, cet ex-éditorialiste au journal Le Droit, qui s'est fait montrer la porte récemment, il vous dira le contraire.
Yves Michaud, à travers le MÉDAC, a déjà tenté, sans succès, de consulter les états financiers de ce groupe de presse farouchement anti-souverainiste. En tant qu'actionnaire de Power Corporation et en vertu de la loi canadienne sur les sociétés cotées en bourse, il a droit de savoir si cette entreprise est rentable ou si, au contraire, elle accepte de perdre de l'argent pour promouvoir la cause fédéraliste, ce qui nuirait aux intérêts de ses actionnaires. «À supposer - c'est une hypothèse -, affirme Michaud, qu'ils perdent de l'argent, un actionnaire pourrait demander, avec raison, pourquoi ils gardent leurs journaux.» Même si la cour d'appel du Québec a donné raison à Michaud, Power Corporation a refusé d'obtempérer et s'est adressée à la Cour suprême du Canada. Power prétextait que si elle divulguait ses résultats, cela la «placerait dans une situation désavantageuse par rapport à quiconque, notamment son principal concurrent». Archi faux puisque Québecor média, son principal rival, publie ses résultats financiers tous les trois mois.
Si Pierre Karl Péladeau défend les éditeurs en condamnant la diminution des crédits d'impôts qui les affectent dramatiquement, on va l'accuser de conflits d'intérêts parce que Québecor possède plusieurs maisons d'édition et que sa défense ne vise en premier lieu que ses compagnies. S'il encourage au contraire le gouvernement à aller de l'avant dans cette politique lamentable, on va AUSSI l'accuser. Mais cette fois-ci, ce sera pour ne pas tenir compte des intérêts des petits éditeurs qui, eux, n'ont pas de gros moyens comme les maisons d'édition du Groupe livre de Québecor média.
Si Pierre Karl Péladeau défend les auteurs-compositeurs de chansons, les maisons et producteurs de disques et autres intervenants du showbiz, on va encore l'accuser de défendre ses intérêts puisque Québecor possède des entreprises dans ce domaine. S'il applaudit aux coupures du gouvernement Couillard, on va l'accuser de favoriser son «empire», qui s'en sort mieux que les petits.
Si Pierre Karl Péladeau défend Radio-Canada comme il l'a fait récemment, en déplorant les coupures qui affectent la société d'État, il ne défendrait, en fait, que ses intérêts encore une fois puisqu'il possède le concurrent TVA?... C'est une question que je pose.
Cela vaut pour à peu près toutes les activités culturelles et je dirais même pour toutes les activités humaines. On appelle cela du «double bind» ou double contrainte. Vous ne trouvez pas cela injuste?
Pourquoi ne pas enquêter plutôt sur la collusion entre le ministre Martin Coiteux et Jean-Guy Lemieux qui conseillait le gouvernement pour ses achats informatiques, ou celle qui concerne le ministre Fournier avec Louis-Pierre Lafortune, accusé de gangstérisme? Pourquoi ne pas dénoncer le premier ministre Couillard et son ministre de la santé Gaétan Barrette, qui subventionnent à tour de bras les cliniques médicales privées où ils ont de gros intérêts? Pourquoi ne pas se questionner sur les pratiques généralisées de collusion au PLQ comme cela a été amplement démontré à la Commission Charbonneau? «Selon toutes les preuves dont on dispose, c'est le Parti libéral du Québec qui est le plus touché par toutes ces affaires-là, qu'on aime ça ou pas. Les faits sont là. Les chiffres sont forts», a dit le professeur en éthique Denis Saint-Martin.
L'un n'empêche pas l'autre, me direz-vous. Justement, oui. Pendant qu'on fait un show de boucane autour de Pierre Karl Péladeau, on ne parle pas de la corruption qui gangrène la parti au pouvoir, ce «véhicule préféré des gens corrompus», comme le dit si bien la députée Agnès Maltais. C'est grave.
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