Chefs d'État non grata

XIème Sommet de la Francophonie à Bucarest


par Boivin, Simon
Bucarest - Tous les chefs d'État membres de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) sont invités aux sommets. Mais certains sont plus bienvenus que d'autres.
Lorsque Québec a accueilli le rendez-vous francophone, en 1987, la présence de leaders de pays où les droits de l'homme sont bafoués a choqué. Des manifestations dénonçant leur venue ont été tenues.
Rien n'indique que cela se produira à Bucarest. Mais la Roumanie a quand même fait comprendre au président du Liban, Émile Lahoud, qu'il est persona non grata. Il n'a pas reçu de carton d'invitation. Ça ne lui a pas fait plaisir.
Un affront que deux théories expliquent. "On dit que ses positions prosyriennes se rapprochent d'un support au terrorisme et que la France a demandé à la Roumanie de ne pas l'inviter, explique la journaliste Ruxandra Radoslavescu, du Bucarest Hebdo. Mais ça ne sera jamais confirmé officiellement."
L'autre explication veut que le président, dont le mandat serait terminé, s'accroche au pouvoir. Comme sa légitimité est contestée, l'invitation a été adressée au premier ministre libanais.
Quoi qu'il en soit, la ville hôtesse d'un Sommet, comme ce sera le cas pour Québec en 2008, n'a pas le choix. Tous les pays de l'OIF doivent être invités, sans exception. Pas le droit de chipoter pour des questions d'élections douteuses ou de prisonniers politiques, sauf si l'OIF en décide autrement. Des suspensions sont alors possibles.
"Le Québec et le Canada vont s'assurer que leurs invités de 2008 répondent aux critères fixés par la Francophonie, a dit au Soleil Monique Gagnon-Tremblay, ministre des Relations internationales du Québec. Et si un chef d'État ne mérite pas tous les égards, il s'agit d'une bonne occasion pour les autres de lui dire ce qu'ils pensent et de passer leur message."
Des invitations peuvent faire des remous. Il est délicat pour un politicien de se faire croquer le portrait serrant la main d'un invité controversé. "À ce moment-là, les gens ne courent pas pour des photos", convient Mme Gagnon-Tremblay, à Bucarest.
En 1987, Amnistie internationale dressait un sombre tableau des invités du Sommet de Québec. Elle adressait des reproches à une majorité des 41 chefs d'État présents.
L'actuel député indépendant de Portneuf-Jacques-Cartier, à l'époque animateur d'une émission rebaptisée pour l'occasion Radio-Cannibale, s'en donnait à coeur joie sur les ondes. André Arthur avait traité les dirigeants africains invités "d'écoeurants, de charognes et de cannibales qui emprisonnent, assassinent ou mangent leurs ennemis". Un député conservateur du moment, Alex Kindy, a rajouté qu'il était "ridicule" de dépenser autant d'argent pour "une bande de dictateurs".
Des progrès en matière de démocratie ont été faits dans plusieurs pays africains de la Francophonie au cours des 20 dernières années. Il y aura probablement moins d'invités controversés à Québec en 2008 qu'en 1987. Mais il y en aura.
"La démocratie n'est pas quelque chose qui s'implante du jour au lendemain, fait valoir Mme Gagnon-Tremblay. Il ne faut pas laisser tomber ceux qui ont des problèmes, mais les aider."
sboivin@lesoleil.com


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