Charte des valeurs québécoises - Alors, que fait-on?

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Aller au bout du débat

La polarisation de l’opinion publique québécoise autour de la Charte des valeurs du gouvernement Marois a incité deux anciens premiers ministres à intervenir dans le débat. Jacques Parizeau et Lucien Bouchard ont tous deux appelé au compromis. Il faudra y venir sans aucun doute, à la condition toutefois d’aller au bout de ce débat.


Une frange importante de la population québécoise avait d’emblée jugé inutile ce projet de charte, y voyant tout juste une tactique visant à détourner l’attention d’enjeux prioritaires tels le chômage et le développement économique. C’est le discours que tient encore aujourd’hui le Parti libéral de Philippe Couillard. Si oui, il faut se préoccuper d’économie et des finances publiques, on ne doit pas tenter de réduire le projet de charte à une simple stratégie électoraliste du Parti québécois. Ce qui est encourageant d’ailleurs est que le débat outrepasse les lignes de partis et qu’il soit engagé dans la voie d’une réflexion collective. Le montre bien l’assortiment de textes et d’opinions que nous publions dans notre édition de ce samedi.

L’ancien premier ministre Jacques Parizeau demandait dans son intervention dans Le Journal de Montréal : « Alors que fait-on ? » Reprenons cette question à laquelle la réponse la plus évidente est qu’il faut poursuivre le débat. Le pire des scénarios serait de mettre rapidement le couvercle sur la marmite pour passer à autre chose. Il s’agit d’un débat à l’évidence difficile, qui, comme tout débat de société, demande qu’il se fasse hors de toute précipitation.

Il y a un parallèle évident à faire ici avec cet autre grand débat de société qu’est l’euthanasie. Des points de vue opposés se sont exprimés vivement, qui ont conduit à un consensus sur les soins en fin de vie. La société québécoise a eu le courage de mener ce débat qui soulevait de nombreuses questions morales et juridiques. La démarche suivie a été à ce point porteuse que voilà maintenant les autres provinces prêtes à s’en inspirer.

De la même manière, il faut pour la Charte des valeurs aller au fond des choses. Il serait de fait assez facile aujourd’hui de trouver un consensus construit sur le plus petit dénominateur commun que sont les quatre éléments suivants : 1. reconnaissance juridique de la neutralité de l’État à l’égard des religions ; 2. adoption de règles régissant l’octroi d’accommodements dits raisonnables ; 3. interdiction du port du voile intégral pour recevoir ou donner des services publics ; 4. interdiction du port de signes religieux ostentatoires par des agents de l’État ayant des fonctions coercitives comme les policiers et les juges.

S’en tenir à cela serait occulter le débat du port de signes religieux par les agents « ordinaires » de l’État, tout particulièrement celui sur le port du voile. On est là au coeur du débat. On ne trouvera sans doute pas une réponse dans une acceptation ou une interdiction universelle du port de signes religieux. Au contraire, il faut porter un regard sur la dimension politique que peuvent avoir certains d’entre eux.

Comme le signale dans nos pages ce samedi Nadia Alexan, une professeure retraitée d’origine égyptienne, ce bout de tissu n’a rien d’anodin. Il « véhicule le prosélytisme d’un islam fanatique et totalitaire », écrit-elle. Ce serait se voiler les yeux de croire que le Québec échappe totalement à ce prosélytisme. Ne peut-on se demander si l’interdiction du port du voile ne devrait pas être étendue aux écoles, les enseignants étant des personnes en exercice d’autorité ? Il faut une réponse claire à cette question.

Alors, que fait-on ? Poursuivons notre réflexion, tout ardue qu’elle soit, car tout n’a pas encore été dit. Il revient toutefois au gouvernement Marois de la faciliter en clarifiant ses intentions, y compris à propos de son échéancier électoral. Ce débat n’est surtout pas fait pour une élection.


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