Charte des valeurs: porte ouverte aux compromis

«Est-ce qu’il est possible de bonifier le projet? Bien sûr», affirme le ministre Lisée

55eef85bd313bd5e9d04aa66e87d7a33

Le caméléon

Tant le gouvernement Marois que deux partis d’opposition, la Coalition avenir Québec et Québec solidaire, ont évoqué mardi la nécessité de faire des compromis afin que soit adoptée la Charte des valeurs québécoises.
À Montréal, le ministre responsable de la région de Montréal, Jean-François Lisée, a signifié l’ouverture du gouvernement Marois à l’égard de possibles modifications au projet présenté la semaine dernière par le ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne, Bernard Drainville. « Est-ce qu’il est possible de bonifier le projet ? Bien sûr. Ça n’existe pas, un projet qu’on soumet à la discussion publique et qui n’est pas amélioré par la discussion publique », a dit Jean-François Lisée au cours d’une rencontre avec des journalistes, mardi, à son bureau de Montréal.

« On est en mode écoute, à Montréal en particulier. La parole est aux Québécois, et à tous les Québécois », a ajouté le ministre, qui rentrait d’une mission économique en Afrique menée à titre de ministre des Relations internationales, de la Francophonie et du Commerce extérieur.

Jean-François Lisée a signalé avoir parlé mardi matin à son collègue Bernard Drainville. Les deux hommes ont constaté que « sur l’essentiel, le consensus est en train de se faire ». Tous les partis à l’Assemblée nationale s’entendent ainsi sur l’objectif de proposer des balises aux accommodements religieux, pour faciliter la prise de décisions des gestionnaires des secteurs public et privé.

Jean-François Lisée a dit aussi croire qu’un accord demeure possible sur le bannissement des signes religieux ostentatoires. Il reste à déterminer quelles catégories de représentants de l’État seraient soumises à l’interdiction du port de signes religieux, selon lui. Il a notamment cité le débat entourant les enseignants, les médecins et les fonctionnaires qui délivrent des permis au public.

La CAQ

À Québec, le chef de la CAQ, François Legault, a profité de la rentrée parlementaire pour proposer à Pauline Marois d’adopter rapidement - d’ici quelques semaines - un projet de loi instaurant la Charte des valeurs québécoises. « Je veux tendre la main à la première ministre, a déclaré François Legault à l’Assemblée nationale. Contrairement aux libéraux de Philippe Couillard, nous, on pense qu’il y a un problème et que les Québécois perçoivent une inquiétude légitime par rapport à leur identité. » La CAQ est d’accord avec plusieurs positions du gouvernement, notamment d’établir des balises pour encadrer les accommodements religieux, et elle propose d’interdire le port des signes religieux pour les employés de l’État en position d’autorité : les juges, les procureurs, les policiers et les gardiens de prison, à l’instar de Québec solidaire, mais aussi les enseignants des écoles publiques. « On ne peut pas se permettre une crise sociale pendant des mois et des mois », estime le chef caquiste, qui juge que le projet de loi doit être adopté sans les consultations publiques d’usage en commission parlementaire.

Au cours d’un point de presse mardi, Françoise David, de Québec solidaire, a elle aussi lancé un appel au compromis. « On ne va quand même pas continuer pendant des mois à camper chacun sur des positions, et surtout, aux deux extrêmes, les positions les plus rigides, celle du PQ d’un côté, celle du PLQ de l’autre. Il va falloir que la classe politique se sente responsable de trouver des compromis honorables pour tout le monde. »

Toutefois, tant François Legault que Françoise David ont présenté la position de leur parti respectif comme étant l’expression même du compromis souhaité. Tous deux tiennent à la position de leur parti sur les signes religieux.

Jean-François Lisée a prévenu que le gouvernement Marois restera inflexible sur le principe de la neutralité religieuse de l’État. « Le plancher, c’est le mouvement que l’on fait vers une plus grande neutralité de l’État. […] C’est là où on veut aller. »

Cette volonté de sortir la religion de l’espace public s’inscrit dans l’histoire récente du Québec. Les communautés religieuses ont abandonné leurs uniformes, puis le gouvernement a déconfessionnalisé les écoles et créé des commissions scolaires linguistiques dans les années 90. « La raison pour laquelle la question des signes religieux est si importante, c’est que ça fait partie de l’histoire récente du Québec », a souligné le ministre.

La question du droit de retrait accordé à des municipalités ou à des hôpitaux, par exemple, démontre toutefois la flexibilité du gouvernement, a-t-il fait valoir. Cette clause a été offerte pour répondre aux besoins de municipalités comme Côte-Saint-Luc ou d’un hôpital comme le Jewish, qui servent une importante minorité juive, a expliqué le ministre. « La question du droit de retrait, cette question de transition, c’est celle sur laquelle, en particulier, on est à l’écoute des citoyens », a-t-il dit.
***
Appel au calme

Le ministre Jean-François Lisée a lancé un appel au calme, mardi, après la diffusion d’une vidéo montrant un homme qui invective une femme voilée dans un autobus de la Société de transport de Montréal. Le passager dit à la femme d’enlever son foulard ou de retourner dans son pays. Le débat sur la Charte des valeurs québécoises « doit avoir lieu dans le respect de tous nos concitoyens. J’ajoute, en particulier, de nos citoyens qui portent des signes religieux. J’appelle tous les Québécois à être sensibles au fait que ces concitoyens-là sont au centre du débat », a déclaré le ministre Lisée, qui est responsable de la Métropole. Cet incident, rapporté par le Huffington Post, est survenu le 28 août, avant le dépôt de la Charte. Mais des éléments du projet péquiste avaient fait l’objet de fuites dans les médias. D’autres incidents du même genre sont survenus récemment au Québec. Une mosquée de Saguenay a été aspergée de sang de cochon. Une musulmane de Québec qui porte le hidjab a été insultée dans un centre commercial. Une autre dit avoir perdu son emploi à cause de son voile islamique.
***
Le crâne de panthère au placard
Kotto préfère laisser son crâne de panthère dans le placard fin de mieux s’intégrer à la société québécoise, Maka Kotto a renoncé à porter son crâne de panthère sur la poitrine, laissant au placard son totem familial et ornement ethnico-religieux d’Afrique noire. Le ministre québécois de la Culture, d’origine camerounaise, a fait cette confidence, mardi à l’Assemblée nationale, pour illustrer ses efforts d’intégration dans le Québec contemporain. M. Kotto a pris part aux discussions sur les orientations de la Charte et a indiqué que le gouvernement pourrait apporter des changements au projet une fois qu’il aura entendu les commentaires des citoyens. Reste que « l’idée d’avoir des balises et des règles du jeu vient éclairer la relation avec l’autre. C’est l’avantage pour ceux qui viennent d’ailleurs, en l’occurrence moi-même. Je pourrais me promener avec mon crâne de panthère sur la poitrine, c’est mon totem familial, mais je ne le fais pas parce que j’adhère à ce qui est convenu d’adopter comme valeurs dans la société d’accueil », a-t-il déclaré.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->