Célébrer la Charte? Non merci!

17 avril 1982 - la Loi sur le Canada (rapatriement)

On a fait du 17 avril la date anniversaire du rapatriement de la Constitution. En fait, ce jour-là de 1982, la reine Élisabeth II est venue poser le dernier geste de l'époque coloniale: signer l'acte de promulgation d'une loi cana dienne adoptée trois semaines plus tôt par le Parlement de Westminster, à Londres. Belle cérémonie - quoique sous un orage terrible qui chiffonna les bas de pantalon des ministres et les belles crinolines de leurs épouses!
Le 17 avril, ce fut la fête de Pierre Elliott Trudeau et de Jean Chrétien. D'André Ouellet aussi. Mais le vrai anniversaire qu'on ne célèbre jamais tant on tente de le faire oublier, est celui du 5 novembre 1981, alors qu'une nouvelle Constitution, assortie d'une formule d'amendement et d'une Charte des droits et libertés, était négociée, dans la nuit, et en l'absence du Québec. Aujourd'hui, les fédéralistes voudraient bien que le Québec «passe à autre chose» puisque, de toute manière, la Charte y est aussi populaire qu'ailleurs.
Passons sur la façon peu élégante avec laquelle elle fut négociée et adoptée, contre la volonté de l'Assemblée nationale du Québec, mais grâce à la complicité d'un premier ministre et d'un ministre de la Justice et de 72 autres députés libéraux fédéraux du Québec. Passons sur les ravages que cette Charte a faits dans la politique linguistique du Québec. Il n'en demeure pas moins que cette Charte était inutile puisque le Québec en avait une - plus complète! - depuis 1976. Mais elle instaurait un régime dont on ressent encore les effets aujourd'hui.
La nouvelle formule d'amendement retirait au Québec tout droit de veto. On dira, à juste titre d'ailleurs, que René Lévesque l'avait troqué en avril 1981, contre un droit de retrait avec compensation financière des futurs amendements constitutionnels, ce qu'il n'a pas obtenu. Et surtout, cette formule qui exige l'unanimité des provinces pour la plupart des amendements est un véritable «cadenas»: des modifications aussi raisonnables que la reconnaissance du caractère distinct de la société québécoise ont été bloquées en 1990 par une province - Terre Neuve - et un député autochtone d'une autre province - le Manitoba.
Le chef de l'Action démocratique, Mario Dumont, qui fait de l'encadrement dans la Constitution du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral le coeur de son projet autonomiste, risque une grosse déception. Jamais il n'aura l'appui des autres provinces, pour ne rien dire de l'appareil fédéral. Bref, cette Charte dont on célèbre les 25 ans aujourd'hui est un cadeau empoisonné.
Voici comment un éminent professeur de droit à la Faculté Osgoode Hall de Toronto, Michael Mandel, interprète les conséquences de l'arrivée au pouvoir du Parti québécois à Québec, en 1976: «Lorsque les Québécois ont mis le PQ au pouvoir, et que leur gouvernement a voulu faire du Québec un État français, Trudeau a su qu'il avait perdu la bataille démocratique. Il n'avait d'autre choix que de recourir à un vieux truc antidémocratique: adopter une charte des droits et se servir de juges qui allaient retirer à ce gouvernement populaire, démocratiquement élu, le pouvoir d'adopter ses propres politiques linguistiques.» Mandel va même plus loin; il accuse le premier ministre d'avoir nommé le juge en chef de la Cour suprême, Bora Laskin, et le juge en chef de la Cour supérieure du Québec, Jules Deschênes, pour arriver à ses fins.
Pierre Trudeau et ses ministres, comme Jean Chrétien, prétendaient que la Charte protégerait les simples citoyens contre les abus de leurs gouvernements, fédéral comme provinciaux. Pour le Québec, cela veut dire qu'il n'y a pas vraiment de droits collectifs - les droits linguistiques, par exemple - et que les lois de l'Assemblée nationale sont soumises à l'examen de neuf juges, dont six de l'extérieur du Québec. La décision de la Cour suprême sur les règles de l'affichage commercial constitue un bel exemple. Quand elle a dit que le gouvernement du Québec ne pouvait réglementer l'affichage commercial, elle donnait aux entreprises le droit de le faire elles-mêmes. La liberté d'une petite minorité de Québécois, très majoritairement anglophones, détenant les commerces et affichant l'anglais en bordure de la rue, a alors prévalu sur la liberté de la masse des Québécois franco phones, représentés par un gouvernement élu, de choisir la langue de la rue!
C'est ce qu'on appelle «le gouvernement des juges». Et qui sont ces neuf sages qui se substituent à tous les Parlements et refont des lois à leur guise? Là-dessus aussi, Michael Mandel a une opinion: «Ce sont des avocats qui appartiennent au bon parti, qui ont su éviter la controverse, qui ne se sont jamais dressés contre l'ordre établi et qui sont promus pour défendre le statu quo. Regardez la Cour suprême: on y trouve les penseurs les plus médiocres de la profession...»
Alors, célébrer la promulgation d'une Charte canadienne des droits et libertés? Non merci!
Stéphane quoi?
Rien ne va plus pour Stéphane Dion. Il me fait penser à Joe Clark à la veille de la campagne électorale de 1979. Les deux se sont fait élire chef de leur parti, à la surprise générale, contre des vieux pros de la politique. Et contre les pouvoirs financiers du pays.
Le Parti conservateur en 1979 et le Parti libéral en 2001 ont décidé de faire contre mauvaise fortune bon coeur. Les libéraux d'aujourd'hui ne croient pas davantage que les conservateurs en 1979 aux chances de leur chef de remporter les élections. Ils attendent le temps propice pour s'en débarrasser, après une élection perdue donc.
Mais attention! Stephen Harper n'est guère plus populaire que Pierre Trudeau en 1979. Des fois que Stéphane Dion créerait la surprise, comme Joe Clark, et qu'il arracherait de justesse un gouvernement minoritaire?
Joe Clark était devenu «Joe Who?», tant on ne le connaissait pas en 1979. Dans le cas de Stéphane Dion en 2007, ce serait plutôt Stéphane quoi? Tant on ne sait pas très bien où il s'en va ni où il veut en venir! Mais l'effet est le même...


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