Le nouveau ministre de l’Immigration Simon Jolin-Barrette est porté sur la réponse de type cassette.
Bien sûr, cette attitude s’explique actuellement. Il arrive en poste. Il joue de prudence.
Lorsqu’il a accordé des entrevues au lendemain de la nomination du Conseil des ministres, il n’avait même pas encore reçu ses énormes « cahiers de breffage ».
Et « il faut donner la chance au coureur », me répétez-vous. D’accord, mais il n’est pas obligé de parler comme un robot !
Langue de bois
D’ailleurs, qui a écrit « la langue de bois rend la vie politique ennuyeuse et contribue au cynisme » ?
M. Jolin-Barrette lui-même ! Dans son livre J’ai confiance, réflexions (sans cynisme) d’un jeune politicien (Québec Amérique), publié en début d’année.
Et il a tout à fait raison.
Qu’est-ce que la langue de bois ? L’auteur français Christian Delporte a déjà proposé cette définition : « Un ensemble de procédés qui, par les artifices déployés, visent à dissimuler la pensée de celui qui y recourt pour mieux influencer et contrôler celle des autres. »
Or, dans une entrevue qu’il m’a accordée sur les ondes de Qub Radio et une autre au Journal de Québec, Simon Jolin-Barrette a semblé illustrer ce type de stratégie. Il a multiplié les phrases toutes faites et les a martelées inlassablement :
– « Je suis très heureux du mandat que le premier ministre m’a confié » ;
– « Je suis honoré que le premier ministre m’ait accordé sa confiance pour des dossiers qui sont importants pour le gouvernement du Québec » ;
– « Nous avons obtenu un mandat très clair de la population ». Etc.
Évidemment, personne n’y échappe en politique. Il arrive que l’on ne veuille pas dire toute la vérité, et on se réfugie dans une formulation solide ; un peu comme, lors d’un conflit, on se planque dans un bunker.
La tentation est encore plus forte lorsqu’on est au gouvernement. Mais il faut le dire : déjà, dans l’opposition, M. Jolin-Barrette avait tendance à jouer la trappe.
Ce type de tactique enseignée dans les cours de relations publiques — trucs que la ministre fédérale Mélanie Joly a utilisés jusqu’à l’absurde — me rappelle une célèbre phrase de George Orwell : « Le véritable ennemi, c’est l’esprit réduit à l’état de gramophone. »
Les modèles
Dès les premières pages de son livre, M. Jolin-Barrette nous explique à quel point Lucien Bouchard est pour lui un modèle, puisque ce n’était pas « un politicien professionnel, et encore moins un politicien ordinaire ».
M. Jolin-Barrette vante l’attitude de l’ancien premier ministre péquiste lors de la crise du verglas de 1998 : « Accompagné de ses principaux ministres, d’André Caillé, le président d’Hydro-Québec au fameux col roulé blanc [...] il avait joué la meilleure des cartes : la résilience. Il livrait les informations pertinentes en ne cachant rien de son inquiétude, mais en ne perdant à aucun moment son sang-froid. »
M. Jolin-Barrette aurait avantage à s’inspirer d’une des plus belles qualités de Lucien Bouchard : une certaine parole franche, ancrée dans les convictions.
C’est d’ailleurs ce que M. Jolin-Barrette note : « Il était moins poussé par le cynisme que par des convictions et des idées fortes. »