Est-ce que l’AMF a l’intention ou pas d’enquêter sur l’effondrement de 7,2 milliards $ de Bombardier en Bourse, dont la moitié est survenue entre le 1er octobre 2018 (lendemain du trimestre au 30 septembre) et la veille du dévoilement (jeudi 8 novembre) des résultats au 30 septembre, lequel dévoilement a accéléré la chute du titre ?
Réponse du porte-parole de l’AMF, Sylvain Théberge : « Sachez que nos équipes surveillent et analysent tout mouvement sur les marchés ou toute annonce touchant un émetteur assujetti. Cela implique donc que le dossier Bombardier n’échappera pas à ces vérifications. »
C’est un pas dans la bonne direction. Pour nous qui avons investi 3,3 milliards de nos impôts et épargnes dans Bombardier, ça me rassure de voir que l’AMF effectuera des vérifications.
Mais restons réalistes. L’AMF ce n’est pas la SEC (U.S. Securities and Exchange Commission), le « gendarme » de la Bourse américaine, qui est reconnue pour son efficacité dans la lutte contre les délits boursiers de tout acabit. Notre « gendarme » québécois dispose de moyens fort limités à comparer à la SEC.
PROTECTION DIVISÉE
Le Canada est le seul pays industrialisé dont la surveillance du commerce des valeurs mobilières (actions, obligations, produits financiers) n’est pas centralisée au sein d’un régulateur, comme la toute-puissante SEC.
Pourquoi le Canada fait-il bande à part ? Parce que le Québec et l’Alberta refusent d’adhérer au projet fédéral visant à créer un régulateur comme la SEC.
Sommes-nous pour autant moins bien protégés que les Américains contre la fraude boursière, la manipulation des produits financiers, les délits d’initiés, les fuites d’informations privilégiées, la mauvaise gouvernance des hauts dirigeants ? OUI !
Nul doute selon moi que l’efficacité de la SEC avec ses enquêtes et poursuites dépasse et de loin celle de nos commissions des valeurs mobilières provinciales et territoriales, au nombre de 13.
Mais à la décharge du Québec et de l’Alberta, rien ne garantit à l’heure actuelle que la centralisation des valeurs mobilières au sein d’une commission unique dirigée depuis Toronto ferait un meilleur travail. Et desservirait mieux le Québec que l’AMF.
SO, SO, SOLIDARITÉ
Dans un rare élan de solidarité, tous les partis politiques du Québec s’opposent au projet fédéral visant à intégrer les autorités provinciales des valeurs mobilières au sein d’une unique commission pancanadienne.
Ils veulent que le Québec reste maître, par l’entremise de l’AMF, de sa réglementation dans le commerce des valeurs mobilières (actions, obligations et autres produits financiers). Ils estiment que le Québec a les outils nécessaires pour encadrer le secteur financier québécois, tout en protégeant adéquatement les consommateurs des produits et services financiers.
Le projet d’Ottawa est revenu hanter vendredi dernier les deux provinces opposées au projet fédéral, soit le Québec et l’Alberta, alors que la Cour suprême vient de lui donner le feu vert.
La Cour suprême reconnaît cependant que le Québec et l’Alberta ont pleinement le droit de refuser d’adhérer à la commission pancanadienne qui sera mise sur pied un de ces beaux matins.
Le modèle de fonctionnement de la nouvelle commission ouvrira la porte à la coopération avec les provinces récalcitrantes.
Quoi qu’il en soit, hâte de voir ce qu’il adviendra des vérifications de l’AMF dans le dossier de Bombardier.