La base militante du Parti québécois s'agite et commence à critiquer directement le chef André Boisclair. Hier, l'ancien premier ministre Bernard Landry et les deux principaux animateurs du club politique SPQ libre ont chacun de leur côté pointé en direction de M. Boisclair pour expliquer en partie la déconfiture péquiste de lundi. Selon M. Landry, la défaite du PQ doit ainsi être partiellement attribuée à son successeur, qui «n'a pas su faire le lien avec la population». Ce commentaire a été fait au cours d'une entrevue accordée à Radio-France International (RFI), qui doit la diffuser samedi matin.
Un journaliste de la radio de Radio-Canada a toutefois pu assister à l'enregistrement, qui se déroulait dans un studio de la société d'État.
Parmi une multitude de thèmes abordés en 20 minutes, notamment la question des accommodements raisonnables, où le PQ a manqué le bateau selon M. Landry, celui-ci a fermement réfuté l'idée voulant que le projet souverainiste soit en chute libre au Québec.
Les médias étrangers ont fait de ce thème le sujet principal de la plupart des articles consacrés aux résultats des élections.
Participant à l'émission L'Invité de la semaine, où les rédactions de RFI et du magazine L'Express «reçoivent une personnalité qui a marqué l'actualité internationale», Bernard Landry a indiqué qu'une réflexion profonde s'imposait pour le PQ et son leader à la suite des élections de lundi. Le PQ y a enregistré son pire résultat depuis 1970.
Mais pour M. Landry, ce recul n'indique pas l'effritement du mouvement souverainiste. Selon lui, au contraire, le Québec compte toujours autant de souverainistes. Le problème, c'est qu'ils ne votent pas nécessairement pour le PQ. Or, si ce parti avait atteint son objectif de rassembler tout le mouvement sous sa bannière, il serait aujourd'hui «au moins» l'opposition officielle, a-t-il dit.
«Il y a peut-être plus de souverainistes qui ont voté que jamais dans l'histoire du Québec, il y en a dans tous les partis», pense M. Landry, qui a ciblé nommément Québec solidaire, le Parti vert et l'Action démocratique du Québec. «C'est paradoxal, mais il y a peut-être plus de députés souverainistes [à l'Assemblée nationale maintenant] qu'il n'y en a eu depuis longtemps», estime l'ancien homme politique, pour qui l'idée d'indépendance est tout sauf un concept «ringard». Il a ajouté qu'il «y aura un jour un nouveau référendum parce que c'est la seule voie d'accès à l'indépendance. Et, un jour, le Québec sera indépendant».
Mais cela se fera-t-il avec André Boisclair aux commandes? Joint à sa résidence de Verchères en fin d'après-midi hier, M. Landry a refusé d'évaluer plus précisément le travail de M. Boisclair, pas plus que d'interpréter le vote de lundi. «Je passe plusieurs heures par jour à analyser les chiffres et les composantes, et je ferai des commentaires quand je serai prêt», a-t-il fait savoir. Il semble que l'entrevue avec RFI était planifiée depuis longtemps et ne devait pas porter précisément sur les élections.
SPQ critique
Moins nuancé que M. Landry, le club politique Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre (SPQ libre) a pour sa part publié hier sur son site Internet (www.spqlibre.org) une lettre très critique à l'endroit du chef André Boisclair. Intitulée [«Le SPQ libre ne jette pas l'éponge»->5668], cette missive reproche à M. Boisclair de vouloir abandonner l'idée de souveraineté du Québec et d'être trop à droite.
La proposition de mettre le référendum et la souveraineté sous le boisseau et de faire virer le PQ à droite rappelle selon eux une opération similaire, faite après les élections de 2003: «On croirait revivre un mauvais scénario. Au lendemain de la défaite de 2003, un groupe de députés comprenant André Boisclair et Joseph Faycal [sic] prenait prétexte des gains de l'ADQ pour suggérer au Parti québécois un "recentrage" vers la droite.»
S'il n'y avait pas eu le congrès péquiste de juin 2005, où a été adopté un programme social-démocrate, le PQ aurait pris une tendance de type New Labor en Angleterre, soutiennent les membres de SPQ libre signataires de cette lettre, Marc Laviolette et Pierre Dubuc. M. Laviolette était candidat dans Soulanges, où il est arrivé troisième (M. Boisclair est allé lui donner un coup de main la veille du vote). Quant à M. Dubuc, il a perdu l'investiture de Groulx et a recueilli 1,22 % des voix dans la course à la direction du parti.
MM. Laviolette et Dubuc croient qu'André Boisclair, pendant la course à la direction, avait l'ambition de proposer une plateforme «blairiste», mais «pour s'assurer de la victoire, il lui a fallu appuyer le programme mal-aimé du congrès de 2005». À preuve, après son élection, il a promis de «soulager le capital» et a dit refuser de «fédérer les insatisfaits». «Les Québécois l'ont pris au mot», ironisent-ils. «Plutôt que de prendre appui sur les organisations syndicales, André Boisclair s'engage à "mettre fin au copinage entre le Parti québécois et les chefs syndicaux" et trouve conseil auprès de l'Institut économique de Montréal», écrivent MM. Laviolette et Dubuc.
Maintenant que les élections sont terminées et compte tenu du score obtenu, le SPQ libre craint que M. Boisclair veuille revenir au projet du «nouveau PQ» évoqué après 2003 par MM. Facal et Boisclair. «De toute évidence, il attribue aujourd'hui le cuisant échec du 26 mars non pas à sa performance - qu'il juge éclatante! - mais à son parti, qui l'a empêché d'imposer ses vues, particulièrement dans la région de Québec», écrivent MM. Laviolette et Dubuc. Selon eux, M. Boisclair a aussi contribué à «épurer le nationalisme québécois par l'élagage de toute référence ethnique, culturelle et parfois même linguistique». Cela a rendu M. Boisclair «incapable, aux yeux de la population, d'incarner cette identité nationale». Les deux membres de SPQ libre reprochent par ailleurs à M. Boisclair de n'avoir presque jamais fait la «promotion de la culture et de la langue françaises». Selon eux aussi, si une majorité d'électeurs a refusé d'embarquer dans le «voyage pour la souveraineté» proposé par le PQ, c'est que «ce voyage a été perçu comme mal organisé, son guide jugé incompétent et son itinéraire confus».
Joint à Montréal, M. Dubuc a rejeté l'idée de se joindre aux militants de Québec solidaire. Au contraire, il veut demeurer au PQ, un vrai parti de masse. Quant à QS, «il n'a pas eu un très bon résultat. Et il a fait perdre environ huit comtés au PQ et a aidé à la réélection de Charest. L'ironie du sort, c'est qu'aujourd'hui, [les «solidaires»] se plaignent que le Parti vert ait divisé les votes dans Mercier. Comme quoi on divise toujours le vote d'un autre!»
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé