Quand Justin Trudeau a été élu chef du Parti libéral du Canada (PLC), bien des gens ont conclu à la victoire de l’image sur le contenu et l’expérience. Le Parti conservateur (PC) s’est empressé d’exploiter le filon avec des publicités négatives. Sans réels résultats.
Presque un an plus tard, le PLC est toujours premier dans les sondages. Les caisses du parti sont regarnies. Le nombre de partisans et de donateurs a grimpé en flèche. Cela ne s’est pas fait tout seul. Justin Trudeau est arrivé avec un nom connu, un don inégalé pour les contacts humains et une équipe aguerrie et bien rodée.
Il avait d’autres cartes que ses prédécesseurs n’ont pas utilisées, mais qu’ils lui ont quand même léguées. C’est sous Stéphane Dion que le parti a créé le premier vrai outil de financement populaire, le Fonds de la victoire auquel les membres pouvaient automatiquement contribuer chaque mois, avec la garantie que la moitié de la somme irait à leur association locale. C’est encore sous le règne de M. Dion que le parti s’est doté d’une liste informatisée de tous les électeurs afin d’identifier ses partisans. Ces efforts ont commencé à vraiment porter leurs fruits sous Bob Rae, ce dernier fouettant le parti pour qu’il exploite à fond ces ressources.
L’effet Trudeau a permis de pousser la machine encore plus loin, mais ne laissant rien au hasard, il s’est entouré de gens capables de la faire rouler et a choisi son ami Stephen Bronfman comme responsable du financement. En 2013, deux ans après la défaite crève-coeur de 2011, le PLC a obtenu l’appui financier de milliers de nouveaux donateurs et a récolté 11,3 millions. C’est encore moins que les 18 millions des conservateurs, mais c’est nettement mieux que les 8,2 millions amassés par le PLC en 2012.
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Un autre choix stratégique a contribué au succès actuel de Justin Trudeau. Il a su utiliser à son avantage ce que le Parti conservateur présente toujours comme ses défauts. Il fait des erreurs ? Il refuse la langue de bois ? Il n’est pas un politicien de carrière ? Il tend l’oreille aux gens, ce qui peut l’amener à changer d’idée ? Oui, et alors ? Le refus de s’excuser pour ce qu’il est a pour effet de désamorcer l’artillerie conservatrice.
Populaire, avenant, il a ainsi pu percer le bruit des attaques pour faire entendre son message truffé de références à une politique faite autrement, positive, optimiste et porteuse d’espoir. M. Trudeau a défendu cette approche tout au long de sa course à la direction du parti et n’en a pas démordu depuis.
Il a du coup occupé un terrain laissé vacant par le décès de Jack Layton. De plus, cela lui a permis de clairement se démarquer de ses adversaires, en particulier du premier ministre Stephen Harper. Plus important encore, il a trouvé un écho auprès de l’électorat, dont il a su lire la lassitude.
Le contexte sert bien le chef libéral. Le gouvernement conservateur est au pouvoir depuis huit ans. L’usure fait son oeuvre. Son ton hargneux et ses méthodes musclées passent de moins en moins bien la rampe. Un désir de changement commence à flotter dans l’air.
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Le chef libéral a aussi démontré qu’il était conscient de ses faiblesses et avait l’humilité nécessaire pour s’entourer de gens capables de combler ses propres lacunes. Cela se vérifie tant au sein de son équipe que du côté de ses conseillers et candidats pressentis, dont plusieurs sont en vedette au congrès de la fin de semaine, à Montréal.
Il sait que sa force est le travail de terrain. Depuis un an, il sillonne le pays sans relâche, visitant des recoins habituellement peu accueillants pour les libéraux. Cela a donné des résultats lors des élections partielles. Il lui manquait moins de 400 voix en novembre dernier pour ravir aux conservateurs leur château fort de Brandon–Souris, et le parti a amélioré son score dans les autres circonscriptions en jeu.
Justin Trudeau est toutefois à la tête d’un parti incapable de se départir de certains vieux réflexes, comme en témoignent les résolutions politiques présentées à ce congrès. Vendredi, un atelier consacré à la « prestation de soins » a adopté sans débat 19 résolutions, dont une grande partie portait sur les soins de santé, les garderies, la petite enfance et ainsi de suite. Personne n’a même pensé rappeler qu’il s’agissait de domaines de compétence provinciale.
Il lui reste aussi à étoffer ses politiques et à leur donner une plus grande cohérence. Il ne peut à la fois promettre de faire plus pour la classe moyenne, les jeunes, les anciens combattants et ainsi de suite et, du même souffle, rejeter toute hausse de taxe ou de tarif. Comment peut-il faire mieux que Stephen Harper avec les mêmes revenus que ce dernier ? Les conservateurs, il faut le rappeler, ont renoncé à des milliards en revenus pour justifier la réduction de la taille de l’État et menotter les prochains gouvernements.
Mais pour l’instant, Justin Trudeau peut dire qu’il a remporté son pari, celui de remettre le PLC en piste, de lui redonner une certaine crédibilité et même de l’amener en position de tête. Son défi maintenant sera d’y rester d’ici 2015 et même d’augmenter son avance.
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