Sera-t-il le dernier ? Un nouveau rebondissement dans l'affaire Baby Loup est venu conforter, mercredi 27 novembre, les tenants d'une laïcité stricte. Le licenciement de Fatima Afif, salariée de la crèche de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines) a été confirmé, mercredi 27 novembre, par la cour d'appel de Paris, qui a estimé qu'il ne portait "pas atteinte à la liberté religieuse" et qu'il n'était pas "discriminatoire". Cette décision va à l'encontre de celui de la Cour de cassation, qui en mars avait annulé le licenciement. Le contentieux qui oppose depuis plus de cinq ans Mme Afif à la directrice de la crèche Natalia Baleato, porte sur la possibilité ou non pour un employeur d'interdire le port de signes religieux, en l'occurrence le voile islamique, dans une structure ne relevant pas du secteur public.
L'avocat de la crèche, Me Richard Malka, a immédiatement a salué "une victoire de la laïcité", estimant que cette "décision de principe" constituait "la meilleure réponse à tous les différentialismes. Elle marquera l'histoire de la laïcité".
"Elle va surtout à contre-courant de la sensibilité actuelle qui est de ne pas légiférer et de pas régler de manière autoritaire les problèmes liés à la religion dans les entreprises privées", commente, "déçu" mais "pas surpris", l'avocat de Mme Afif, Michel Henry.
Sur l'arrêt de rébellion, lire : Crèche Baby Loup : la bataille judiciaire sur le voile continue
Ce nouvel épisode ne constitue toutefois qu'une énième étape de ce conflit devenu emblématique d'un sujet de société, mêlant deux visions irréconciliables de la liberté religieuse et de la place de l'islam dans la société. "Mme Afif a affirmé à plusieurs reprises sa volonté d'aller jusqu'au bout, et elle se pourvoira très probablement en cassation", indique son avocat. "Si l'affaire va en cassation, l'assemblée plénière de la Cour tiendra véritablement dans ses mains le sort de la laïcité", commente pour sa part Me Malka.
"ENTREPRISE DE CONVICTION"
Pour motiver leur décision, les juges de la cour d'appel ont estimé que la crèche pouvait être considérée comme une "entreprise de conviction", et qu'à ce titre elle pouvait instaurer en son sein une "obligation de neutralité". "Entreprise de conviction ? Mais c'est une notion qui n'a pas d'existence en droit !, s'insurge Me Henry. Pour arriver à ses conclusions, la cour a inventé des principes." La cour considère en tout cas que le règlement intérieur de la crèche qui, au nom du principe de laïcité et neutralité religieuse, prévoyait l'interdiction de tout port religieux était licite et "suffisamment précis".
En mars, la Cour de cassation avait en revanche estimé que l'interdiction du voile n'était pas justifiée s'il ne s'accompagnait pas "de prosélytisme, de pression ou de propagande" et, qu'une interdiction générale et absolue n'était pas conforme au principe de liberté religieuse.
La cour d'appel a, elle, suivi les recommandations de l'avocat général François Falletti, qui le 17 octobre, avait estimé que la liberté religieuse était certes un "principe fondamental", mais qu'il n'excluait pas d'y adjoindre, dans "un contexte d'équilibre", certaines "restrictions". Les juges ont également motivé leur décision au nom des "droits de l'enfant", estimant nécessaire de protéger "leur liberté de pensée, de conscience et de religion à construire". Ils prennent toutefois la peine de préciser que "protéger la conscience en éveil des enfants est une exigence qui ne résulte pas de la loi"…
Les juges ont par ailleurs mis en avant que les "missions d'intérêt général" remplies par la crèche étaient "fréquemment assurées par des services publics" et assuré que la neutralité religieuse permettait de "transcender le multiculturalisme des personnes" accueillies dans la crèche.
Cette affaire a suscité des débats sur la nécessité ou non de légiférer pour interdire le port de signes religieux dans les structures privées accueillant les enfants. Certains s'en sont saisi pour envisager d'élargir la neutralité religieuse dans les entreprises privées. Une proposition de loi portée par l'UMP allant en ce sens a été rejetée en juin. Et plusieurs avis, émanant de différents organismes, ont repoussé cette éventualité. En octobre, l'Observatoire de la laïcité, installé par le président de la République, a notamment jugé que le droit actuel suffit à répondre aux situations potentiellement conflictuelles, liées aux revendications religieuses dans le secteur privé.
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