Plus de 200 importateurs, facilitateurs et tueurs à gages liés aux puissants cartels de la drogue se baladent en toute liberté au Québec. Plusieurs sont entrés avec de faux passeports mexicains depuis l’assouplissement des règles à la frontière décrété par le gouvernement Trudeau, en 2016, révèle notre Bureau d’enquête dans un grand reportage diffusé sur Club illico.
Romualdo Lopez-Herrera a atterri à l’aéroport Pearson de Toronto en avril 2018. L’homme de 41 ans, connu au Mexique comme un dangereux membre des cartels de la drogue, a réussi à entrer au pays sans problème.
Même s’il est soupçonné d’être un sicario, c’est-à-dire un tueur à gages, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et les corps de police québécois ont perdu sa trace.
Six mois suivant son entrée au pays, le 9 septembre dernier, Lopez-Herrera, dont le vrai nom est Noé Hulloa Sevilla, a été arrêté pour une affaire d’extorsion par la police de Québec. Mais le criminel, qui est en réalité membre du violent gang de prisonniers appelé Los Paisanos, est aujourd’hui introuvable.
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Selon nos informations, le cas de Lopez-Herrera n’est pas unique. Plusieurs sources bien informées nous ont confirmé que 400 criminels sont récemment entrés au Canada pour y trafiquer la drogue des cartels. La moitié aurait choisi le Québec comme terre d’accueil.
«C’est très grave qu’il y ait des gens qui s’infiltrent chez nous, à Québec, à Montréal ou à Toronto, et qu’on ne soit pas capables de les retrouver. Pensez-vous que la population peut accepter ça?» demande le député fédéral conservateur de Charlesbourg–Haute-Saint-Charles, Pierre Paul-Hus.
Pas de visas
Selon les chiffres confirmés par l’ASFC, la levée de l’obligation pour les voyageurs mexicains de présenter un visa à la frontière canadienne le 1er décembre 2016 aurait eu une influence considérable sur l’augmentation du nombre de narcotrafiquants qui ont réussi à entrer au pays.
L’ASFC affirme que les saisies de drogues provenant du Mexique avaient déjà bondi de 80 % un an après l’entrée en vigueur de cette décision, et les interdictions de territoires de 500 %.
Les douaniers canadiens avaient d’ailleurs prévu que cette politique du gouvernement Trudeau aurait des conséquences dévastatrices.
«La levée de l’obligation facilitera les déplacements au Canada pour renforcer les chaînes de contrebande des cartels ou en établir de nouvelles», indique un rapport d’étape de l’Agence des services frontaliers consulté grâce à une demande d’accès à l’information.
Pas les seuls
Les membres des cartels mexicains sont loin d’être les seuls à profiter de cette nouveauté. Parmi ces gens liés à une violence inouïe se trouvent aussi des suspects originaires du Pérou et de la Colombie, entre autres.
Ils se sont pour la plupart procuré de faux passeports mexicains, un document facile à contrefaire compte tenu de la corruption qui ronge les différents paliers gouvernementaux de ce pays.
«Après cette décision du gouvernement libéral, on a vu une recrudescence de faux passeports mexicains. On peut s’en procurer un pour à peu près 1000 $», affirme Jean-Pierre Fortin, président du syndicat national des douanes et de l’immigration.
- Jean-Pierre Fortin était de passage à QUB radio pour en parler :
Le cabinet du ministre canadien de la Sécurité publique, Ralph Goodale, nous a renvoyés à l’ASFC, qui a stipulé par courriel prendre ses responsabilités très au sérieux en ce qui concerne la protection de la frontière et la sécurité nationale.
«Afin de ne pas compromettre ses efforts opérationnels, l’ASFC ne peut parler que de son rôle», a-t-on précisé.
La police a perdu leur trace
400 personnes qui sont entrées au Canada et qui sont soupçonnées d’être liées aux cartels de la drogue mexicains sont aujourd’hui introuvables. Certaines sont activement recherchées par la police.
► Carlos Joel Borrego Mendoza
Originaire du Pérou, il est soupçonné de travailler pour le cartel péruvien. Il a un dossier criminel au Brésil pour des crimes graves. Il est entré ici avec un faux passeport mexicain. Il est introuvable.
► Fredi Gil Rodriguez
De nationalité colombienne, il est soupçonné de travailler avec les cartels mexicains comme tueur à gages. Il a été extradé aux États-Unis au début des années 2000 et condamné pour trafic de drogues, puis renvoyé en Colombie. Il a finalement réussi à entrer au Canada l’an dernier avec un faux passeport mexicain. Il est introuvable.
► Romualdo Lopez-Herrera
Cet homme est soupçonné d’être un sicario (tueur à gages) au service des cartels mexicains et se nomme en réalité Noé Hulloa Sevilla.
Il est membre d’un gang de prisonniers, Los Paisanos. Il est entré ici avec un faux passeport mexicain, et il est maintenant introuvable.
► Femme de 26 ans
Elle est arrivée au pays avec un faux passeport mexicain.
► Homme de 36 ans
Il est entré au pays avec un faux passeport mexicain
Des liens avec le meurtre au Sheraton ?
Le meurtre du mafieux Salvatore Scoppa, abattu devant famille et amis à l’hôtel Sheraton de Laval le 4 mai pourrait cacher une dette impayée aux cartels péruviens.
Une transaction de près de 100 kg de drogue qui aurait mal tourné au Pérou, en 2016, pourrait avoir incité des narcotrafiquants à mettre la tête du mafieux à prix.
À ce moment, notre Bureau d’enquête avait d’ailleurs révélé que Scoppa était revenu de ce voyage blessé au bras et portant plusieurs ecchymoses.
Contrat de meurtre
Une des théories qui circule actuellement dans les milieux policiers avance que le clan sicilien, avec qui Sal Scoppa était en froid, aurait pu se charger du contrat de meurtre passé par les Péruviens pour ainsi l’abattre.
« Cette théorie aurait l’avantage pour les Siciliens de régler leur guerre de clan avec Scoppa tout en réglant le problème des cartels du Pérou », affirme une source policière qui a requis l’anonymat.
L’exécution publique dont a été victime Salvatore Scoppa devant des centaines de personnes a suffi pour que la police de Laval déclare ouvertement la guerre au crime organisé.
À découvrir... le balado Narcos PQ
À travers des entrevues exclusives avec de vrais narcotrafiquants, Narcos PQ esquisse un portrait inédit de cette industrie criminelle. Barons, mules et producteurs nous racontent leurs troublantes histoires et font état de la situation du Québec comme plaque tournante de stupéfiants.