Personne n’est à l’abri de la fraude, pas même la police. La Sûreté du Québec (SQ) a ouvert une enquête concernant de possibles fausses factures en lien avec la construction du nouveau centre d’enquêtes de la police de Montréal.
La SQ soupçonne que des travaux d’électricité auraient été facturés plus d’une fois aux contribuables montréalais, a appris notre Bureau d’enquête.
Les policiers croient que le sous-traitant Côté Électrique aurait émis de fausses factures, avec la complicité de l’entrepreneur général responsable du chantier, Construction Socam.
Les deux entreprises ont été perquisitionnées en novembre dernier, et deux factures douteuses ont été découvertes.
On ignore l’ampleur de la fraude alléguée, mais le coût des travaux électriques de l’édifice a presque triplé par rapport à la soumission de 1,3 M$ remise à l’origine par Socam.
Au total, la construction du nouveau centre d’opération du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), sur l’ancien terrain de la pétrolière Shell, à Montréal-Est, coûte près de 23 M$.
C’est dans cet immeuble de la rue Sherbrooke que doivent déménager prochainement les enquêteurs des crimes majeurs et des crimes économiques du SPVM.
« Ça prend des grosses couilles pour frauder la police », souligne une source policière.
Aucune accusation n’a été déposée à ce jour.
« Matraquer les entrepreneurs »
Jointe au téléphone, la vice-présidente de Côté Électrique n’a pas souhaité faire de commentaire. « On n’a rien à dire là-dessus. On suit le cours des événements », a répondu Camille St-Jacques.
Le président de Construction Socam, François Chevrier, de son côté, soutient n’avoir « rien à se reprocher ». « Nous, on est le messager. On a pris (le prix de Côté Électrique) et on l’a envoyé à la Ville comme on l’a reçu », dit-il.
M. Chevrier avance que les autorités reprochent aux entrepreneurs d’avoir « altéré » le prix de travaux qui « n’ont même pas été approuvés ». « Je ne veux pas défendre Côté Électrique, mais il y a une différence entre une fausse facture et une soumission », juge-t-il.
Le président de Construction Socam croit que la plainte déposée à la SQ est une « nouvelle façon de la Ville de matraquer les entrepreneurs ».
L’entrepreneur parle d’un chantier « problématique ». Il évoque des « plans mal faits » et de nombreux imprévus coûteux.
« Il y avait un changement de 500 000 $ pour lequel la Ville ne nous payait pas, dit-il. On a dit : “ça va faire, on veut être payés”, et on a arrêté les travaux. Comme par hasard après une couple de jours, on reçoit ça [la perquisition] dans la face. »
Les travaux continuent
Selon nos informations, c’est le SPVM qui aurait alerté la Ville des possibles malversations, cet automne, après s’être aperçu que les coûts étaient « outrageusement élevés » pour certains travaux.
Le chantier s’est tout de même poursuivi, car le SPVM doit absolument déménager des effectifs dans ses nouveaux locaux à l’automne 2019.
Pour l’instant, les enquêteurs des crimes majeurs se trouvent au centre commercial Place Versailles, mais un rapport du vérificateur général de la Ville, en 2012, a dévoilé que cet endroit n’était pas assez sécuritaire pour les informations qui y sont traitées.
Le bail avec le centre commercial vient à échéance cette année et le prolonger d’un an coûterait près de 1,2 M$ à la Ville de Montréal.
Plus de 30 % en extras
La Ville de Montréal vient d’approuver une deuxième augmentation des coûts du nouveau pôle multifonctionnel de la police, malgré l’enquête en cours.
En juin, une dépense additionnelle de plus de 2 M$ avait déjà été autorisée. Les documents de la Ville mentionnaient plusieurs travaux électriques plus chers que prévu, des « problèmes de coordination » et des erreurs dans les plans.
Pas plus tard que jeudi dernier, le conseil d’agglomération a validé un nouveau dépassement de coûts de 500 000 $, pour porter le montant du contrat de Socam à 19,5 M$.
La facture des imprévus s’élève maintenant à 4,7 M$ soit 32 % du montant du contrat initial.
Les coûts de construction du nouveau centre d’enquête n’ont cessé d’augmenter depuis son annonce en 2014. Après avoir acheté le terrain et la bâtisse à Shell pour 8,3 M$, la Ville avait emprunté 11,5 M$ supplémentaires pour rénover l’édifice.
Avec les dépassements autorisés et un budget de 3,5 M$ pour des travaux connexes, le coût total du projet de construction est maintenant de 23 M$.