Le Canada pourrait bien être le seul pays au monde où être bilingue signifie parler le français et l'anglais. Partout ailleurs, être bilingue signifie parler deux langues, français et chinois par exemple, ou espagnol et allemand. Toutes les combinaisons sont permises. Ailleurs. Pas ici.
Assise au conseil des ministres il y a 30 ans, discutant ligne par ligne le contenu de la loi 101, j'ai vraiment pensé que les problèmes de la survie de la langue française en terre d'Amérique allaient être réglés pour toujours. J'ai sincèrement cru que le mouvement de fierté qui accompagnerait l'adoption de cette loi mettrait la langue française à l'abri à tout jamais. Que tous les Québécois pourraient enfin étudier, travailler, vivre, aimer et mourir en français.
Illusion des illusions. Camille Laurin, le père de la loi 101, l'a cru lui aussi. Et d'autres hommes de bonne volonté autour de lui. Trente ans plus tard, si tout le monde admet que les choses dans ce domaine sont moins floues qu'elles l'étaient avant la loi 101, force est de reconnaître également que nous pataugeons toujours.
Que voulons-nous exactement? Quel statut souhaitons-nous pour le français d'abord et l'anglais ensuite? Pauline Marois a raison quand elle souhaite que les jeunes apprennent le français parfaitement puis l'anglais afin de mieux nous positionner sur le plan international. Mais ça ne s'arrête pas là. Il est urgent de former des interprètes en chinois, en espagnol, en russe. Trois ou quatre langues, dans le monde d'aujourd'hui, ça serait un atout formidable pour le rôle que les Québécois entendent jouer sur la planète.
Un geste de souveraineté
Pauline Marois a établi, avec raison, une différence entre le bilinguisme personnel et le bilinguisme d'État. Il est évident qu'elle a raison.
Stéphane Dion a été raillé à travers le Canada parce que son anglais n'est pas parfait. Le Canada lui demande un aussi gros effort qu'à Jean Chrétien, qui «châtiait» les deux langues à tour de bras, ou à Paul Martin qui, lui, en parlait deux en même temps. Pauline Marois n'a pas échappé aux blagues des humoristes et des caricaturistes quand on a su que son anglais laissait à désirer. C'est là, pour moi, que le bât blesse. Si Stéphane Dion veut être bilingue pour diriger le Canada, ce n'est pas le cas de Pauline Marois.
Le français étant la langue officielle du Québec, je préférerais que mes premiers ministres, qu'ils soient péquistes, libéraux ou adéquistes, ne s'expriment qu'en français dans toutes leurs interventions publiques. Impossible, diront certains, qui ne s'étonnent pourtant pas qu'en Italie, les officiels s'expriment en italien, en Allemagne, en allemand, et ailleurs dans la langue officielle du pays qu'ils représentent.
C'est lors d'un voyage en Chine que j'ai compris l'importance de s'adresser au monde dans sa langue officielle. À Shanghaï, un matin, j'ai été reçue par le maire. Notre conversation s'est déroulée grâce à deux interprètes qui, avec discrétion et compétence, nous ont permis d'aborder des sujets fort intéressants. Un lunch était prévu avec le maire afin qu'il puisse aussi rencontrer les personnes qui m'accompagnaient, mais ma surprise fut grande quand, à la fin de la rencontre, je me rendis compte qu'il venait de donner congé aux deux interprètes. J'en conclus qu'hélas, notre rencontre allait s'arrêter là. Puis l'interprète m'expliqua, en français, que le maire allait retrouver notre groupe au restaurant mais qu'elle, elle n'y serait pas. Je pensai que c'était bien dommage, car il n'y aurait plus de communication possible entre nous.
Au restaurant, je me retrouvai à la droite du maire, déçue et me demandant si quelques mots en anglais pourraient aider, quand il me dit dans un français impeccable: «Je suis bien heureux de notre rencontre de ce matin.» Il se mit à rire quand il vit ma surprise. Et il m'expliqua que jamais un représentant officiel de la Chine ne s'exprime dans une autre langue que le chinois quand il est en représentation officielle . Une fois la rencontre officielle terminée, libre à lui de parler le français, qu'il maîtrisait fort bien.
C'est ce jour-là que je me suis dit qu'on devrait faire la même chose au Québec. Exiger de nos représentants qu'ils ne parlent que le français quand ils sont en représentation officielle. C'est sûrement bon pour la confiance en soi et la fierté de ce qu'on est, et ça clarifie les choses quand on parle au nom de son pays. Fini le baragouinage en anglais. Ça vaut non seulement pour Pauline Marois mais aussi pour Jean Charest, Mario Dumont et même Gérald Tremblay, maire d'une ville qui parle français et qui lutte pour continuer.
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Are you bilingue? T'sé j'veux dire!
Exiger de nos représentants qu'ils ne parlent que le français quand ils sont en représentation officielle.
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