Donald Trump fait des émules au Canada. C’est au tour du chef du Parti conservateur, Andrew Scheer, de reconnaître Jérusalem comme étant la capitale d’Israël. Il ne s’avance pas sur le déménagement éventuel de l’ambassade canadienne, mais les autres partis politiques fédéraux dénoncent néanmoins une prise de position qu’ils jugent dangereuse.
« Les conservateurs du Canada dirigés par Andrew Scheer reconnaîtront Jérusalem en tant que capitale d’Israël lorsque nous formerons le gouvernement en 2019 », clame une déclaration publiée seulement en anglais sur le site Internet du parti et visant à recruter des partisans. Signe que la courte déclaration est destinée à une consommation outre-frontières, il est mentionné à trois reprises qu’elle émane des « conservateurs du Canada ».
« Israël est un des alliés les plus solides du Canada et un havre de pluralisme et de principes démocratiques dans cette partie turbulente du monde. Les conservateurs du Canada reconnaissent l’évidence, à savoir que comme n’importe quelle nation souveraine, Israël a le droit de déterminer où se trouve sa capitale. »
Lorsque le président américain, Donald Trump, a annoncé en décembre son intention de déménager l’ambassade américaine à Jérusalem, son homologue palestinien, Mahmoud Abbas, l’a mis en garde contre les risques que cela poserait à la sécurité et à la stabilité de la région. Jusqu’à présent, les manifestations ont été contenues. Depuis, les États-Unis ont annoncé que le déménagement se fera d’ici mai.
En 1980, quand Israël a voulu normaliser l’annexion de Jérusalem-Est de 1967, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 478 exhortant les pays membres à ne pas établir de représentation diplomatique à Jérusalem et à déménager celles qui y étaient déjà. Si aucun pays n’y a aujourd’hui d’ambassade, neuf y ont des consulats, soit la France, la Belgique, la Grande-Bretagne, la Grèce, l’Italie, l’Espagne, la Suède, la Turquie et les États-Unis. Le Vatican y est aussi. Dans la foulée de l’annonce américaine, le Guatemala a indiqué qu’il déménagera lui aussi son ambassade. Israël soutient être en pourparlers avec « plus de 10 pays » pour obtenir un déménagement similaire.
Pour Rex Brynen, professeur à McGill spécialisé dans le Moyen-Orient, la prise de position d’Andrew Scheer « ne vise pas à favoriser la paix, mais à s’assurer l’appui de segments de l’électorat au Canada ». « De quelle Jérusalem parle-t-il ? Est-il prêt à reconnaître que Jérusalem-Est devrait être la capitale d’un État palestinien ? » Selon lui, quelqu’un qui aurait vraiment à coeur le processus de paix aurait des réponses très nuancées à ces questions plutôt que « des platitudes incendiaires ».
M. Scheer n’était pas à la Chambre des communes lundi et n’a donc pas précisé sa pensée. Le porte-parole en matière d’affaires étrangères, Erin O’Toole, a indiqué que la position de son parti « n’exclut pas la possibilité que Jérusalem-Est devienne un jour la capitale d’un éventuel État palestinien dans le cadre d’une solution à deux États ». M. O’Toole estime qu’il s’agit de « reconnaître l’évidence » puisque la Knesset et la Cour suprême du pays sont basées à Jérusalem.
La néodémocrate Hélène Laverdière démolit cette affirmation. « Jérusalem-Est est encore considérée comme un territoire occupé », rappelle-t-elle. « Alors non, ce n’est pas la reconnaissance d’un fait. » Elle voit dans cette prise de position la preuve « du pauvre jugement des conservateurs en matière d’affaires étrangères ».
La critique est la même du côté du Bloc québécois. « C’est une décision dangereuse, provocatrice et qui met en péril des démarches de paix dans cette région qui sont déjà difficiles », a déploré la chef, Martine Ouellet.