Ambition et loyauté

Tribune libre - 2007


Dans l’organe gescaïenne montréalaise du dimanche passé sont parus deux
pseudo reportages traitant des recrues néophytes du parti néocon de Stephen
Harper, soit Maxime Bernier et Josée Verner. Ces deux articles, titrés
respectivement «LE BEAUCERON LOYAL» et «L’INCONNUE AMBITIEUSE» ont été
rédigés par deux petits nouveaux scribouilleurs de la grosse presse
épaisse, des néophytes du publi-reportage nommés, respectivement, Hugo
Fontaine et Marie-Ève Blain-Juste.
Ces deux simili reportages ont été imprimés sur 2 pages complètes, soit
les pages de la section Plus, pages 2 et 3. Au haut de chacun de ces
textes, on y voit une énorme photo de chacune de ces deux nouvelles
recrues, qui occupent près de 60% de chacune des pages. Une de ces photos
met en scène Mme Verner lors de sa visite à Kandahar, flanquée d’une
militaire non identifiée. L’autre photo met en scène M. Bernier et M.
Harper devant quelques badauds.
Pour chaque texte, la dernière colonne expose un encadré repérant les cinq
dates sensées être importantes dans la vie de ces nouvelles recrues
ministérielles.
Pour l’encadré en cinq dates de M. Bernier, tout événement significatif
semble s’être produit entre le 26 janvier 2006 et le 14 août 2007. Le
journaliste évoque son élection de 2006 dans la circonscription de Beauce;
sa nomination comme ministre de l’industrie; son implication pour la
démantèlement de la téléphonie locale et sa nomination récente en tant que
ministre des affaires étrangères. Il est né le 18 janvier 1963 dans la
région de la Beauce.
Pour ce qui en est de l’encadré en cinq dates de Mme Verner, les points
marquants de sa vie politique semblent s’être déroulés entre le 28 juin
2004 et le 14 août 2007. En 2004, elle talonne le Bloquiste Bernard Cleary
qui l’emporte avec une faible majorité; le 23 janvier 2006, elle est élue
dans la circonscription de Louis Saint-Laurent; le 14 août 2007, elle est
nommée ministre du patrimoine canadian, de la condition féminine et des
langues officielles. Elle est née le 30 décembre 1959 dans la région de
Gatineau et dans le texte qui précède, on apprend que ses parents sont
venus s’établir à Sainte-Foy en 1974. Il y a une autre date de mentionnée
dans cet encadré qui a retiré particulièrement mon attention.
Le 13 avril 1974 elle rencontre Marc Lacroix par l’entremise d’une amie et
ils se marient quatre ans plus tard. À la 3e colonne du texte de Mme
Blain-Juste, elle précise que Mme Verner a rencontré M. Lacroix à l’âge de
14 ans et qu’il est toujours son mari, sans insister plus sur la
présentation de ce personnage pourtant important dans la vie de Mme
Verner.
Je vais tenter de combler - un tant soit peu - les lacunes de ce vide
«gescaïen» par rapport à M. Marc Lacroix.
Au préalable, je tiens à faire noter que ni Mme Blain-Juste, ni M.
Fontaine ne purent obtenir une entrevue avec les sujets de leurs reportages
respectifs.
Dans les années 1980 et 1990, Marc Lacroix est militant pour le «Mouvement
pour l’enseignement privé» et adjoint exécutif auprès de l’organisateur en
chef de la campagne électorale du PLQ. Il a été directeur de cabinet pour
des ministères de la deuxième ère de Bourassa, soit le cabinet du ministre
de la condition féminine ainsi que celui des communautés culturelles et de
l’immigration. De 1993 à 2003, il est vice-président des services à la
clientèle de la régie des rentes du Québec. Depuis 2003, il a été au
secrétariat du conseil du trésor, étant secrétaire adjoint au bureau pour
le développement électronique. M. Lacroix a aussi des liens avec un
dénommé Gilles Poupart – qui fut un employeur de Mme Verner qui était alors
secrétaire – celui-ci est le frère de Ronald Poupart, éminence grise à
l’organisation du PLQ depuis le début des années 1970.
Comme beaucoup d'auteurs de textes gescaïens qui utilisent la même
technique, Mme Blain-Juste ouvre le sien avec un faux-fuyant futile. Dès
le premier paragraphe, elle fait allusion à des propos du bloquiste
Christian Ouellet, rapportés par «La Voie de l’Est», la décrivant comme
«une belle potiche qui ne fait pas grand-chose». M. Ouellet aurait nié par
la suite d’avoir tenu de tels propos, selon Mme Blain-Juste qui ajoute
qu’une supposée polémique aurait été, dès lors, lancée.
Dans le paragraphe suivant, Mme Blain-Juste tente de nous faire découvrir
- sans succès par ailleurs - cette supposée polémique en se penchant sur la
signification du mot potiche pour se demander si Mme Verner aurait été tout
simplement victime de commentaires machos et envieux, sans préciser
lesquels et qui les aurait dit. Belle queue de poisson sans suite. Elle
conclut ce deuxième paragraphe en soulignant que Mme Verner s’est refusée
aux nombreuses demandes d’entrevues de La Presse.
J’ai retiré quelques informations intéressantes du texte sur Mme Verner.
Mme Blain-Juste trace un portrait qui démontre la similarité du cheminement
de Josée Verner avec celui de Mario Dumont. À l’époque, ils étaient tous
deux des militants du PLQ qui furent déçus de l’échec de Meech. Deux
jeunes néocons comme eux, si près du «vrai monde», n’avaient plus leur
place au PLQ et ils pensent tous deux, aujourd’hui, que la manigance de
fédéralisme d’ouverture de Stephen Harper est quelque chose de
significatif. Mme Verner partage également des atomes crochues avec
Lawrence Cannon, un autre néocon du PLQ qui est passé du côté fédéral.
Maintenant, pour revenir au texte de Hugo Fontaine et son sujet, Maxime
Bernier, M. Fontaine ouvre son texte sur le fait que malgré son anglais
moyen, M. Bernier suscite tout de même de l’intérêt des médias canadians.
Il est considéré comme le chouchou de Stephen Harper et il ne fait pas
nécessairement l’unanimité dans son propre parti, ni dans le cabinet de
Stephen Harper.
Pour tenter de nous rendre cette quantité insignifiante qu'est M. Bernier
plus attanchante, M. Fontaine nous explique plus loin que c’est l’économie
qui fait vibrer le très chic M. Bernier, qui avoue être un dogmatique
libertaire. Ayant terminé ses études à l’université anglicisante d’Ottawa,
il a par la suite eu un travail au cabinet de Bernard Landry, du temps
qu’il était aux finances. Il a été gestionnaire de la société immobilière
de Montréal et il a été président de la très torontoise Standard Life de
2003 à 2005.
Ce qui m’embête vraiment de ces deux reportages, c’est qu’on nous présente
deux canadians de service en tentant de les dépeindre comme étant des
personnes ordinaires, soucieuses des préoccupations et des aspirations du
peuple Québécois.
Je suis tout de même un peu réjoui qu'un illuminé comme M. Bernier soit
maintenant ministre des Affaires étrangères du Canada. Un gars qui n'a
aucun capital culturel international comme M. Bernier, un individu qui
maintient des idées loufoques comme celle à savoir que les politiques
environnementalistes de gauche sont responsables de la flambée des prix de
pétrole, ce ministre risque donc d'être encore plus divertissant que Gordon
O'Connor le fut. Ça va dépendre de comment Harper va contrôler sa
marionnette.
Aussi, il faut rappeler que le PC a seulement remporté 10 sièges au Québec
en 2006. Ce parti espère en remporter davantage aux prochaines élections
et ces nouvelles recrues sont perçues comme une bouée de sauvetage
potentielle pour le PC qui traîne dans les sondages. Ils veulent nous
faire avaler, en tant que québécois, le néoconservatisme à la sauce Bush
pour aider Harper à remporter les prochaines élections.
Je suis certain que beaucoup de québécois ne sont pas intéressés de voir
le PC mettre le Québec aux enchères aux plus offrants de Washington. C'est
pourtant ce que des groupes d'électeurs québécois de diverses régions vont
faire en élisant, éventuellement, des aculturés comme ça en plus grand
nombre.
Fier de de faire partie du caucus albertain, qui est l'aile libertarienne
ultra-conservatrice du PC, M. Bernier sera d'autant plus zélé dans sa
loyauté envers son chef Stephen Harper.
Alors Maxime Bernier serait un beauceron loyal?
Je suis tout de même d'accord à savoir que Mme Verner est une inconnue
ambitieuse. Cependant, le texte de Mme Blain-Juste nous est de peu de
secours pour en savoir plus.
Daniel Sénéchal
Montréal
N.B. Texte envoyé à La Presse et Le Devoir
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --


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