Pour résumer le sondage La Presse Angus Reed de vendredi, les politiciens, selon les Québécois, sont malhonnêtes, ils sont menteurs, et, en prime, ils sont paresseux! Quatre-vingts pour cent des répondants ne croient pas que les politiciens sont honnêtes, 88% ne croient pas qu'ils disent la vérité, et 51% ne croient pas qu'ils travaillent fort.
Ce sondage, dévastateur et désolant, illustre la désillusion des Québécois à l'égard de leur classe politique. Mais il illustre aussi leur ignorance de la chose politique. Car ce jugement sans appel des citoyens est profondément injuste. Et il ne correspond pas à la réalité.
Je suis souvent amené à critiquer les politiciens, parfois durement. J'ai également l'occasion de les côtoyer. Assez pour voir que le métier de politicien est l'un des plus exigeants et des plus épuisants qui soit, de savoir que la très grande majorité des politiciens sont honnêtes. Je serais moins catégorique en ce qui a trait à leur franchise, prisonniers qu'ils sont de la langue de bois et de la rhétorique partisane. Comment alors expliquer ce jugement si sévère et si injuste?
À un premier niveau, il est assez évident que le parfum de scandale qui entoure actuellement le gouvernement Charest exacerbe le ressentiment et la désillusion. La multiplication d'allégations sur des manquements qui tournent tous autour du favoritisme, encouragé par le financement des partis politiques, a à juste titre indigné les gens.
Mais le mal est plus profond, car cette perte de confiance n'affecte pas que les libéraux québécois, elle n'épargne ni la politique fédérale ni les partis de l'opposition au Québec. Et elle se mesure, année après année, dans les enquêtes de Léger Marketing qui rangent invariablement les politiciens en queue de peloton de ceux à qui l'on fait confiance, pas loin des vendeurs de «chars usagés». Pourquoi? Voici trois pistes d'explication.
D'abord, le fait que le métier de politicien est devenu ingrat. Dans nos sociétés matures et endettées, le temps des grands projets mobilisateurs est, hélas, révolu, sauf quelques rares exceptions, comme la brève lune de miel de Barack Obama. Le rôle des politiciens, s'ils font bien leur travail, consiste essentiellement à dire des choses désagréables et à prendre des décisions impopulaires, comme l'ont noté Lucien Bouchard et Mario Dumont dans un entretien publié samedi dans La Presse. Cela reflète un mal plus profond, un certain échec de nos sociétés qui ne sont pas à la hauteur des rêves que nous pouvions avoir. Déçus et trahis, les citoyens en veulent aux politiciens.
Ensuite, la nature partisane du discours politique, empiré ici par nos traditions parlementaires, explique pourquoi on ne croit pas à la franchise des politiciens. La télédiffusion des débats de l'Assemblée nationale a certainement eu un effet assassin. Les règles non écrites qui obligent les partis de l'opposition à s'indigner et à dénoncer jour après jour, et qui interdisent au gouvernement de douter ou d'admettre des erreurs. Les gens savent que le monde n'est pas noir et blanc, et savent donc que le discours politicien déforme la réalité.
Enfin, la complexification des problèmes que doivent affronter l'État et les politiciens. Dans une période où le débat public, à coups de clips de quelques secondes, est de plus en plus sommaire et simpliste. Ce décalage entre la complexité des enjeux et le traitement qu'on leur réserve accentue la coupure entre les citoyens et leurs politiciens.
Tout cela mène à un cercle vicieux. Le peu de considération des citoyens pour les politiciens rend ce métier ingrat, mal payé, épuisant, encore moins attrayant qu'il ne pouvait l'être, et compromet ainsi l'arrivée de nouveaux venus qui pourraient revitaliser l'activité politique et restaurer la confiance.
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