par Duchesne, André
L'idée de Stéphane Dion de créer un plan Marshall pour l'Afghanistan est accueillie avec retenue par l'ambassadeur de ce pays au Canada. Omar Samad invite plutôt le nouveau chef libéral à visiter son pays afin de peaufiner sa réflexion.
" J'espère que M. Dion aura l'occasion de visiter le pays et de rencontrer des Afghans, des hommes et des femmes afghans qui pourront lui dire ce qu'ils pensent ou souhaitent ", a indiqué hier l'ambassadeur en marge d'une allocution faite devant l'Institut de recherche en politiques publiques de Montréal.
Plus tôt, en répondant à une question de la salle, il avait dit que toutes les interventions au sujet de son pays doivent être faite sur une évaluation bien documentée et pas uniquement en fonction d'une " perspective politique locale ".
Le projet du chef libéral, exposée à l'occasion de la récente course au leadership, repose davantage sur des préceptes économiques que militaires. M. Dion ne se sent pas lié au vote pris par la Chambre des Communes pour prolonger le mandat du Canada jusqu'en janvier 2009. M. Samad trouve des points positifs à ce plan mais rappelle constamment que tout est lié à la question de la sécurité de la population.
Selon l'ambassadeur, la préoccupation première du peuple afghan à l'heure actuelle repose sur ces questions de sécurité.
" On avance, dit-il à propos de la lutte contre les talibans et autres regroupements terroristes. C'est sûr qu'on avance, mais avec difficultés et beaucoup de sacrifices. "
Il donne en exemple l'offensive menée par les forces de l'OTAN en septembre contre les insurgés dans la région de Panjwayi à l'ouest de Kandahar. Fer de lance de l'attaque, les Canadiens ont perdu plusieurs soldats dans ce qui est considéré comme une victoire. Sans celle-ci, toute la province de Kandahar serait retombée aux mains des talibans, dit-il.
" C'était une mission stratégique et critique, affirme M. Samad. Mais on sait aussi que de l'autre côté de la frontière, des milliers de nouveaux terroristes ont été entraînés, ajoute-t-il. On sait que des centaines de kamikazes sont prêts à entrer en Afghanistan. "
En somme, les opérations militaires sont loin d'être terminées. " Le plan Mar-shall, qui est une très bonne idée, peut être appliqué en Afghanistan, mais à plusieurs conditions, dit M. Samad. Et une des conditions parmi les plus nécessaires est la sécurité. "
Mis sur pied au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le plan Mar-shall consistait à fournir aux pays européens une aide économique substantielle à leur reconstruction. Cette aide, essentiellement américaine, était émaillée de plusieurs conditions dont l'achat de produits américains et la fondation d'une économie tournée vers le libéralisme.
Frontière pakistanaise
La question évoquée par M. Samad au sujet de la reformation des forces talibanes dans le nord du Pakistan, près de la frontière afghane, préoccupe de plus en plus les intéressés.
Hier par exemple, le quotidien The New York Times affirmait que les militants islamistes rassemblés dans cette région étaient si actifs que des diplomates et agents secrets de plusieurs pays qualifiaient l'endroit de mini état taliban.
En septembre dernier, ces militants avaient signé un accord avec le gouvernement pakistanais à l'effet de cesser leurs mouvements transfrontaliers contre une garantie de paix. Mais une fois l'accord signé, ils auraient fait fi de leurs engagements. " La région agit comme un aimant pour les combattants étrangers ", affirme le quotidien.
Omar Samad dit que son gouvernement, aider par ses partenaires internationaux, tente de convaincre le gouvernement pakistanais de favoriser l'émergence des jirga (assemblées traditionnelles tribales) afin de régler le problème. À l'image du président Hamid Karzaï, on sent qu'il a de sérieuses réserves face aux efforts du gouvernement pakistanais.
Aide canadienne
Dans son intervention, l'ambassadeur Samad a répété à plusieurs reprises combien l'aide canadienne à l'Afghanistan est précieuse.
" Le Canada, jusqu'à maintenant, cinq ans après son engagement en Afghanistan, a été un des pays les plus remarquables, dit-il. Ce que les Canadiens, hommes et femmes, militaires ou civils, ont fait en Afghanistan, est très apprécié par les Afghans. On espère qu'ils continuent leur aide. "
C'est aux Canadiens de décider quelle sorte d'aide ils veulent apporter reconnaît l'ambassadeur. Une façon de dire qu'il est bien au fait de cette question qui divise les Canadiens entre un engagement militaire musclé et un autre davantage tourné vers le développement. Mais, s'empresse-t-il d'ajouter, l'Afghanistan fait toujours face à des problèmes de sécurité, de terrorisme.
L'aide humanitaire doit continuer, et même augmenter, dit-il, estimant que l'Afghanistan aura besoin de celle-ci pour une décennie. Il croit cependant qu'il faudra régler une fois pour toutes les questions de sécurité dans un temps plus court.
Un plan Marshall pour l'Afghanistan
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