Les Lanaudois devraient suivre avec intérêt le dossier des méga-hôpitaux universitaires. Ces projets ne sont pas que montréalais. Tous les Québécois, par leurs taxes et impôts, contribueront à leur financement et sont donc concernés. De plus, comme notre région se trouve à la périphérie des lieux choisis pour ces constructions, nous risquons tous d’avoir un jour à les fréquenter. Aussi, les conditions de réalisation de ces projets nous affecteront à plus d’un titre.
Et l’affaire, c’est le moins qu’on puisse dire, est mal engagée. Comment expliquer, en effet, que le gouvernement du Québec finance également deux projets – l’un francophone, l’autre anglophone -, alors que les anglophones représentent moins de 10% de la population québécoise? Une solution équitable n’aurait-elle pas consisté à financer un seul méga-hôpital universitaire francophone, qui aurait contenu une aile ou un pavillon anglophone, afin de respecter pleinement les droits de notre minorité historique? Cette solution aurait eu le mérite de consolider le caractère français du Québec et de dégager des sommes qui auraient pu servir à améliorer le réseau de santé partout à travers le Québec.
En finançant en parts égales les deux projets, les Québécois francophones jouent le rôle du dindon de la farce dans cette affaire. [Comme le soulignait récemment le chroniqueur Joseph Facal->18999] dans les pages d’un quotidien montréalais actuellement en conflit de travail, « le projet anglophone recevra la moitié de cet argent alors qu’un médecin sur deux formé à McGill quitte le Québec et qu’on y forme quatre fois moins de médecins pratiquant au Québec que du côté francophone ». Cela revient, ajoute Facal, à « subventionner les soins de santé que ces expatriés donneront aux Ontariens ou aux Américains ». Pendant ce temps, à Joliette, il n’y aura pas plus de médecins, même si nous aurons payé.
Un autre élément du dossier fait appréhender la catastrophe. L’obsession des PPP du gouvernement libéral fera en sorte que les Québécois « devront supporter le risque hypothécaire d’un complexe dont ils ne seront que locataires », comme le souligne [Jean-Robert Sansfaçon dans Le Devoir du 9 mars 2009->18500]. Compte tenu de la crise financière, en effet, les consortiums en lice pour l’obtention du contrat de construction et d’entretien du méga-hôpital francophone, le CHUM, sont incapables de se financer et font donc appel au gouvernement.
Le quotidien La Presse, qui avait d’abord appuyé, en page éditoriale, le principe du PPP dans ce dossier, vient même de changer son fusil d’épaule. « Si l’État s’engage dans le financement, écrit [Ariane Krol dans l’édition du 9 mars->18495], il assume une partie du risque qui, en PPP, devrait revenir au privé. La formule perd beaucoup de son attrait. »
André Bourassa, président de l’Ordre des architectes du Québec, dit qu’il faut « sortir du dogme PPP ». Le groupe Médecins québécois pour le régime public affirme lui aussi que la formule du PPP coûtera plus cher et rendra « plus rigide la gestion de l’hôpital ».
Puisque, pendant trente ans, « chaque changement [devra] être négocié avec le partenaire privé », cela aura pour effet de nuire à la qualité des soins en privant les acteurs publics du réseau de leur autonomie. En d’autres termes, nous paierons collectivement le gros prix, nous assumerons les risques financiers, mais nous ne serons pas vraiment chez nous. L’Agence des Partenariats public-privé, appuyée par le gouvernement libéral, rejette cette analyse, mais c’est, rapporte Le Devoir, « en s’appuyant sur une étude qu’elle ne peut dévoiler »!
« Quand vous êtes dans le trou, arrêtez de creuser », lance Joseph Facal. Le vrai courage politique, dans ces conditions, ne consisterait-il pas à mettre le holà à ce qui s’annonce comme une catastrophe, à abandonner le principe des méga-hôpitaux et à investir intelligemment cet argent - 4 milliards! - dans les établissements déjà existants pour les transformer en structures souples, modernes, médicalement hyper efficaces et couvrant tout le territoire québécois?
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Louis Cornellier
Texte paru dans l'hebdo régional L'action, le 18 mars 2009
louisco@sympatico.ca
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