Lire religieux - Darwin et Dieu : une mésentente cordiale

Darwin et les créationnistes

Le dominicain et homme de science français Jacques Arnould entretient une véritable fascination pour Darwin, auquel il a consacré plusieurs ouvrages. Le Requiem pour Darwin, qu'il vient de faire paraître à l'occasion du 200e anniversaire de naissance du savant et du 150e anniversaire de la publication de son maître-livre, L'Origine des espèces, est un essai plein de tendresse et d'admiration mesurée pour le père de l'évolutionnisme.
«Je ne vois aucune raison pour que les opinions développées dans ce volume blessent les sentiments religieux de qui que ce soit», écrivait ce dernier dans son célèbre essai. Voeu peut-être pieux, constate Arnould, mais néanmoins sincère.
Darwin, précise-t-il, n'a jamais «fait le moindre effort dans le but d'harmoniser la science et la religion» parce qu'il ne voyait pas l'intérêt de cette démarche. Ce serait, toutefois, selon Arnould, faire erreur que d'en tirer la conclusion que le savant anglais se voulait un adversaire de la religion. Il avait, faut-il le rappeler, étudié la théologie à Cambridge et entretenait d'assez bons rapports avec l'Église unitarienne, considérée comme progressiste à l'époque, avant de devenir agnostique. Arnould retrouve chez lui, tout au long de sa vie, «un réel intérêt et une vraie liberté» à l'égard des institutions et conceptions religieuses.
L'anecdote rapportée par une certaine Lady Hope, en 1915, selon laquelle Darwin, sur son lit de mort, serait «revenu dans le giron du christianisme», relèverait de la légende. Le naturaliste, dans son oeuvre, a multiplié les commentaires à l'appui de son agnosticisme. «Je ne peux regarder l'univers comme le résultat d'un hasard aveugle, écrit-il à un ami en 1870, et pourtant je ne vois aucune preuve d'un dessein bénéfique, ni même d'aucun dessein, dans les détails.» Arnould ajoute que, devant «la souffrance de perdre une enfant [sa fille Annie, en 1851], celle promise éternellement aux incroyants [,] Darwin ne peut plus croire au Dieu bienfaisant, bienveillant du christianisme».
Les mots de sa femme, très croyante, tirent pourtant des larmes émues à cet homme reconnu comme amical et généreux, mais par ailleurs, et en cela bien de son temps, élitiste et convaincu de la suprématie blanche -- même s'il s'oppose à l'esclavage -- et mâle. Au sujet de la finalité de l'évolution, il finira par admettre que «cette question tout entière se situe hors des limites de l'intelligence humaine; mais l'homme est capable de faire son devoir».
Arnould parle donc, en conclusion de ce requiem délicat et réconfortant, «d'une mésentente cordiale» entre Darwin et Dieu, «sur fond de lucidité et de respect». Peut-on espérer que cette attitude serve de modèle pour la suite du débat?
****
louisco@sympatico.ca
Requiem pour Darwin
Jacques Arnould
Salvator
Paris, 2009, 240 pages


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->