Voile: faire le pari de l'intégration

Réplique: "Interculturalisme et laïcité"

Laïcité — débat québécois


Sur la question du port du foulard islamique, nous croyons avons manqué à notre devoir de clarté. Cette tribune est une belle occasion de rectifier le tir.
À notre avis, toutes les institutions religieuses tentent depuis fort longtemps de soumettre les femmes à des règles sexistes. Leur corps devient le premier lieu de ce pouvoir misogyne qui voit les femmes comme des occasions de péché. «Cachez ce sein que je ne saurais voir!» De façon générale, on peut affirmer que le voile islamique et plus encore, le tchador (voile et manteau long), relèvent du même sexisme. Admettons tout de même que celles qui portent le voile le font pour des raisons diverses. Beaucoup subissent une pression communautaire traditionaliste; d'autres revendiquent le voile comme un signe d'affirmation identitaire.
Voile et fonction publique
Doit-on permettre à une enseignante, à une infirmière, à une fonctionnaire, d'exercer son métier avec un foulard sur la tête? Malgré nos réserves, notre réponse est oui. Et ce oui est féministe, car il parle d'intégration et de respect. Il y a une femme sous le voile, et nous voulons qu'elle ait sa place dans la société québécoise. Nous voulons qu'elle puisse étudier et pratiquer un métier rémunérateur, car elle y gagne de la liberté, elle s'intègre, elle côtoie des femmes différentes d'elle.
Nous croyons que nous ne pouvons pas nous permettre de nous passer du talent de ces femmes qui éprouvent déjà suffisamment de problèmes à obtenir un emploi à la hauteur de leurs compétences. Entendons-nous bien: il ne s'agit pas ici d'accepter le voile intégral qui ne laisse voir que les yeux -- et encore! -- dans la fonction publique ou parapublique, car ces vêtements empêchent toute forme de communication normale.
Les femmes portant un foulard islamique représentent moins de 0,5 % de la population. Combien seront enseignantes? Quelques dizaines? Et ce serait ça, la menace à notre culture ou aux acquis des femmes québécoises? Le vrai danger, en ce moment, ne vient-il pas du député Ken Epp -- conservateur et chrétien -- qui propose un projet de loi (C-484) ayant manifestement pour but de faire reculer dangereusement les femmes canadiennes en matière d'avortement?
Dialogue
Le pari de Québec solidaire est celui de l'intégration, et non de l'exclusion et du renvoi au ghetto. Nous devons être à l'écoute des femmes, de toutes les femmes, y compris celles qui veulent partager notre devenir tout en continuant de porter des valeurs qui paraissent bien traditionnelles aux Québécoises de la majorité. Cela durera un temps. Faisons-leur confiance.
Comme nous, elles cherchent le chemin de leur émancipation. Dans leurs communautés, des voix s'élèvent déjà pour réclamer l'application d'un islam moderne et non discriminatoire. Poursuivons le dialogue, c'est la seule voie de la construction d'un Québec moderne et ouvert aux différences.
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Françoise David, Porte-parole de Québec solidaire
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Interculturalisme et laïcité
Pierre Desfossés, Norbertville
Lettres au Devoir, vendredi 6 juin 2008

Membre fondateur et militant de Québec solidaire, je m'inscris en faux contre les prises de position des porte-parole Françoise David et Amir Khadir sur le rapport de la commission Bouchard-Taylor. Pourquoi cet empressement à souscrire à des orientations plus que discutables? Les concepts d'interculturalisme et de laïcité ouverte n'ont pas fait l'objet de débats d'orientation dans nos instances. Quand ces débats se feront, j'y participerai en faisant valoir les raisons de mon opposition radicale à ces concepts tels qu'ils sont élaborés dans le rapport. D'ici là, j'aurais apprécié un peu de retenue de la part de mes porte-parole qui, pour l'instant, ne parlent qu'en leur nom personnel.
Je quitte régulièrement ma région des Bois-Francs pour me rendre à Montréal. La présence massive d'immigrants le plus souvent anglicisés et la montée de l'islamisme, comme dans l'arrondissement de Cartierville où les femmes «enfoulardées» sont à tous les coins de rue, me choque profondément. La société québécoise subit les contre-coups sociaux et culturels d'une immigration massive qui n'a pas que des côtés positifs. La crise des accommodements raisonnables ne fait que commencer. Je ne crois pas qu'elle soit en voie de résolution avec ce qu'on nous propose.
Je ne suis pas prêt, contrairement à Françoise David dans son texte Voile: faire le pari de l'intégration (Le Devoir, 2 juin 08), sous prétexte qu'elles sont femmes, sous prétexte qu'il s'agit de religion, à laisser des musulmanes «enfoulardées» faire carrière dans la fonction publique. Je suis pour une authentique laïcité de l'État québécois à tout le moins, à défaut de faire du Québec une société civile vraiment laïque. Nous avons à choisir et ne devons pas tout confondre. Une laïcité ouverte aux signes religieux dans les institutions de l'État, ce n'est plus de la laïcité!
Prêcher cette laïcité ouverte, c'est soutenir l'imposture.
Contrairement à Mme David qui veut tellement intégrer tout le monde et n'importe qui, je penche pour un peu plus de discernement et de fermeté, en souhaitant que cela fasse partir les indésirables qui refusent de s'intégrer à ma société telle quelle est, dans le respect de son histoire et de son élan d'avenir.
Si Québec solidaire décidait de s'orienter sur la voie proposée par ses porte-parole, je lui retirerais mon appui.


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