Paul Krugman, Nobel de l'économie 2008, a publié lundi dans le New York Times une chronique-choc critiquant les décisions prises la veille au sommet du G20. Déplorant l'importance accordée à la réduction des déficits publics par les chefs de gouvernement, M. Krugman les a accusés de mener le monde à la troisième dépression des temps modernes: «Si la responsabilité fiscale à long terme est importante, sabrer dans les dépenses publiques au beau milieu d'une récession (...) équivaut à se tirer dans le pied.»
Le même jour, la Banque des règlements internationaux, le forum réunissant les gouverneurs des principales banques centrales du monde, insistait au contraire sur la nécessité pour les gouvernements d'assainir leurs finances. Admettant qu'une telle politique pourrait avoir des effets «préjudiciables» à court terme, la BRI affirme que renoncer à réduire les déficits publics aurait un impact «bien plus néfaste».
Deux camps d'experts placent donc les dirigeants des pays industrialisés devant un dilemme: continuer à stimuler l'économie (donc continuer à s'endetter) ou entreprendre de comprimer les dépenses gouvernementales pour mettre un terme à la spirale de l'endettement. Que faire?
L'approche la plus censée est sans doute de faire les deux en même temps, en agissant de manière intelligente et ciblée. Comme l'a souligné à Toronto le secrétaire général de l'OCDE, Angel Gurria, «le choix entre la reprise et la consolidation est un faux dilemme. Il faut atteindre un nouvel équilibre, où la reprise et l'emploi, d'une part, et l'assainissement des finances publiques, d'autre part, se renforcent mutuellement». De plus, tel qu'en ont convenu les leaders du G20, chaque pays doit adapter cette approche à ses circonstances propres. C'est d'ailleurs ce qui cloche dans la croisade de M. Krugman contre les tenants de l'austérité budgétaire?: elle est trop centrée sur la situation américaine. Malgré leur énorme déficit budgétaire, les États-Unis n'ont toujours pas de difficulté à se financer à des taux avantageux. Les autres pays lourdement endettés ne peuvent compter sur le même traitement privilégié de la part des marchés.
Si les Américains peuvent (peut-être) se permettre le nouveau plan de relance promu par le chroniqueur nobélisé, ce n'est certainement pas le cas des pays européens. D'autant plus qu'une croissance financée par la dette publique n'est jamais saine. Elle camoufle les faiblesses réelles de l'économie et retarde les ajustements nécessaires.
Un fardeau de dette trop lourd fragilise l'économie et se transforme rapidement en spirale infernale. Après avoir étudié les crises financières survenues dans le monde au cours des huit derniers siècles, les économistes Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff concluent qu'elles ont toutes une source commune: l'endettement excessif, soit du secteur privé, soit du secteur public.
Or, depuis le début de la crise, l'endettement des pays industrialisés augmente à un rythme jamais vu depuis la Seconde Guerre mondiale. Si cette tendance n'est pas contrée, les gouvernements se trouveront vite en difficulté, coincés entre le service de la dette et les coûts générés par le vieillissement de la population.
C'est pourquoi les États dont la dette est élevée doivent agir dès maintenant pour en stopper la croissance et se doter d'un plan crédible pour la réduire. Cela ne devrait pas les empêcher d'agir pour stimuler l'économie. Cependant, les mesures choisies devraient favoriser une croissance solide à long terme plutôt que financer des projets politiquement rentables, mais à courte vue.
Cela dit, quelles que soient les politiques adoptées, rien n'est garanti. Si certains volets de l'économie mondiale se portent mieux, la confiance des investisseurs et des consommateurs reste extrêmement fragile. Si cette confiance bascule à nouveau, toute l'économie basculera avec elle.
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