Dans les couloirs du Forum mondial de la langue française qui réunit toute la semaine à Québec plus de 1200 francophones du monde entier, une proposition revient en permanence : que la Francophonie se dote d’une déclaration en faveur du multilinguisme. L’ancien ministre de l’Éducation du Mali, Adama Samassékou, en a fait la proposition formelle, lundi en séance plénière, appelant à une « Déclaration de Québec en faveur du multilinguisme » comme la Francophonie a adopté il y a plusieurs années la Déclaration de Bamako définissant les critères de respect des droits de l’homme dans la Francophonie.
Les pays membres seraient alors tenus de respecter l’esprit de ce multilinguisme. Pour l’ancien ministre, il s’agit de s’opposer à l’unilinguisme anglais dans les relations internationales et de faire reconnaître les droits des autres grandes langues internationales, comme le français ou l’espagnol. Mais il s’agit aussi de « reconnaître que le multilinguisme est la réalité dans de nombreux pays, notamment en Afrique », dit-il.
L’adoption d’une telle déclaration est un impératif, estime le recteur de l’académie de Montpellier, Christian Philip. « Le monde du XXIe siècle sera, et est déjà, en grande partie multipolaire. Il sera donc multilingue. L’anglais demeurera important, mais on voit déjà que son monopole est contesté par les langues des pays émergents, comme le chinois ou l’espagnol. » Hier, le président de Michelin Amérique du Nord, Pete Selleck, a rappelé que, selon une étude de l’agence Bloomberg, le français demeurait la troisième langue en importance pour faire des affaires dans le monde. « Il faut prendre garde de ne pas mettre le français de côté trop rapidement », dit-il.
« Ceux qui pensent que le monde sera unilingue anglais se trompent », affirme Christian Philip. Le recteur s’élève aussi contre ces pays qui « introduisent l’anglais dès le primaire » et qui « créent des cursus uniquement en anglais à l’université ». Comme c’est d’ailleurs le cas au Québec.
Le recteur de l’Agence universitaire de la Francophonie, Bernard Cerquiglini, défend cette idée depuis longtemps. Selon lui, il faut absolument briser le monopole de l’anglais dans l’étude des langues secondes. « Avec l’imposition de l’anglais, nous avons assisté à un appauvrissement des sciences partout dans le monde. L’allemand a déjà été la langue de la physique et le français celle des mathématiques. Jamais dans l’histoire, la science n’a eu une seule langue. Mais le multilinguisme sera possible si on offre aux chercheurs tous les services de traduction nécessaires. »
Selon lui, tous les pays membres de la Francophonie devraient favoriser l’étude d’au moins deux langues secondes, comme le font déjà de nombreux pays européens. « Il ne s’agit évidemment pas de nier le droit de chacun d’utiliser sa langue maternelle dans toutes les sphères de la société, mais d’éviter ce dialogue permanent avec l’anglais dès lors qu’on communique à l’étranger », dit-il.
Lundi, le premier ministre du Québec, Jean Charest, s’est prononcé ouvertement en faveur de l’adoption d’une « politique de promotion du multilinguisme » lors du prochain sommet des pays francophones qui se tiendra à Kinshasa en octobre. La question a soulevé des interrogations parmi les participants qui savent que Jean Charest est le premier ministre qui a introduit l’enseignement de l’anglais en première année du primaire et qui veut mettre en place un programme d’immersion en anglais en sixième année.
Pour se conformer aux principes du multilinguisme, le Québec devrait plutôt s’assurer que les jeunes Québécois apprennent d’autres langues secondes, comme l’espagnol. Car « le multilinguisme, c’est la fin du monopole d’une seule langue seconde », dit Bernard Cerquiglini.
Après l’adoption d’une déclaration contraignante par la Francophonie, Adama Samassékou propose que celle-ci réclame que l’UNESCO se dote d’une convention sur la diversité linguistique qui compléterait celle sur la diversité culturelle adoptée il y a quelques années. « Il faut que Québec porte ce message, dit-il. Québec n’est-elle pas la ville de la résistance ? »
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Départ-surprise d’Abdou Diouf
C’est la mort dans l’âme que le secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) a annoncé hier qu’il devait quitter précipitamment le Forum mondial de la langue française qui se tient à Québec jusqu’à vendredi.
Selon le communiqué de l’OIF, Abdou Diouf a dû rentrer à Paris à cause d’une « impérieuse nécessité » et pour des « raisons personnelles ». Le secrétaire général devait participer aujourd’hui à une rencontre avec de jeunes francophones.
Abdou Diouf avait maintes fois déclaré qu’il se ferait une joie de musarder dans les ateliers pendant toute la durée du Forum. L’administrateur et numéro 2 de la Francophonie, Clément Duhaime, sera présent pendant toute la durée de l’événement.
Québec accueille le Forum mondial de la langue française
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