Avec l’expulsion de Thomas Mulcair, le NPD pourrait bien être rayé de la carte politique du Québec, avancent des politicologues.
«Sans M. Mulcair, les appuis québécois risquent de piquer du nez. Depuis la vague orange, le NPD n’a pas fait ses devoirs au Québec. Et là, il vient de rater l’examen final», lance André Lamoureux, spécialiste de cette formation politique et chargé de cours à l’UQAM.
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Dimanche, le chef du Nouveau Parti démocratique s’est fait montrer la porte par les membres de son parti, qui ont voté à 52 % en faveur d’une course à la direction. Si le parti doit maintenant se restructurer à l’interne, le défi qui l’attend au Québec est encore plus important, croit le politicologue Michel Sarra-Bournet.
«Le NPD n’a pas des racines très profondes au Québec. Ç’a été le parti de deux hommes dans la province: Jack Layton et Thomas Mulcair. Les électeurs votent pour le chef. Si le prochain dirigeant du NPD n’est pas Québécois, ça augurera mal», lance le chargé de cours en politique à l’Université de Montréal.
Une base fragile
De son premier député élu en 2007 (Thomas Mulcair lors d’une élection partielle), le NPD a réussi à rafler 59 sièges dans la Belle Province lors de la vague orange de 2011, avant de dégringoler à 16 lors de la dernière élection.
«Leurs appuis ici sont fragiles, d’autant plus que la marque Trudeau est très forte. Ce qui a permis au NPD de percer au Québec causera peut-être sa déconfiture à la prochaine élection», affirme M. Sarra-Bournet.
Directeur de la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires, Éric Montigny se montre plus optimiste.
«Le NPD a quand même développé une organisation importante au Québec. Tout va reposer sur la prochaine course à la direction. Est-ce qu’il y aura des candidats québécois? Est-ce que l’ouverture envers le Québec sera remise en jeu par les militants?»
Charmer la Belle Province
Les troupes néo-démocrates, affirment les politicologues, devront faire du Québec une de leurs priorités s’ils veulent aspirer un jour au pouvoir ou à redevenir une opposition forte à Ottawa.
«Le parti a perdu pas très loin de la moitié de ses appuis au Québec lors du dernier suffrage. Au plus fort de la course à la chefferie en 2012, le NPD comptait environ 13 000 membres au Québec. Dans ses belles années, le Bloc québécois en comptait plus de 50 000. Il y a du travail à faire», illustre M. Lamoureux.
La dégringolade du chef en 4 points
1) Manque d’engagement envers le Québec
« Dès le début de son mandat, Thomas Mulcair a exprimé sa volonté de mieux enraciner le parti au Québec. Mais on a peu senti une réelle prise en charge des dossiers de la province. Il y a aussi eu une certaine ambivalence sur des dossiers, comme Énergie Est. Il y avait un double discours. À Ottawa, M. Mulcair disait être favorable au projet, sous certaines conditions environnementales, alors que plusieurs néo-démocrates québécois étaient contre. »
– André Lamoureux, chargé de cours au département de sciences politiques de l’UQAM
2) La crise du niqab
« En se disant d’accord avec le port du niqab (lors de cérémonies de citoyenneté), M. Mulcair s’est positionné contre l’opinion de nombreux Québécois. Cela a eu un impact sur ses appuis. Il avait aussi à l’époque sévèrement condamné le projet de Charte de la laïcité du Parti québécois. Il exprimait beaucoup de hargne sur ces enjeux et il a peut-être manqué de doigté. »
– André Lamoureux
3) L’effet Justin Trudeau
« En 2011, Jack Layton incarnait le désir de changement des Québécois. Lors de la dernière élection, c’est Justin Trudeau qui incarnait ce changement. Aussi, le NPD a joué la carte du centre. Cela a permis aux libéraux de doubler le parti de Thomas Mulcair par la gauche. »
– Michel Sarra-Bournet, chargé de cours en sciences politiques, Université de Montréal
4) Une campagne trop conventionnelle
« Le NPD était en avance dans les sondages, au début de la campagne de l’automne dernier. Le parti semblait ne pas vouloir déranger, laisser les choses aller. Or, il a peut-être manqué d’audace. Lors du congrès du parti la fin de semaine dernière, on a senti le retour du balancier, un retour vers la gauche. »
– Éric Montigny, Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires, Université Laval
Ce qu’ils ont dit
«C’est certainement le mandat du caucus du Québec de s’assurer d’être entendu dans le parti dans les prochains mois et les prochaines années pour donner suite à la promesse que Tom (Mulcair) a faite (...) et que Jack (Layton) avait faite en 2011, de laisser une place confortable au Québec.»
– Pierre Nantel, député de Longueuil–Saint-Hubert
«Ce qui est clair, c’est que ça faisait partie du rapport d’analyse sur les causes de notre défaite, l’importance d’avoir dans notre plateforme une offre spécifique pour le Québec. Je pense que ç’a été bien entendu et que ce sera forcément entendu par tous ceux et celles qui souhaiteront devenir candidats dans la course à la chefferie.»
– Robert Aubin, député de Trois-Rivières
«C’est sûr que ce n’est pas une bonne nouvelle, c’est une déception, moi je l’appuyais (...). Ça peut certainement poser un défi et d’avoir un nouveau chef tout simplement, c’est un défi en soi, peu importe dans quelle région du Canada.»
– Pierre-Luc Dusseault, député de Sherbrooke
«On a une bonne députation et notre objectif, en tant que vice-présidente du caucus, c’est de relever les enjeux du Québec, de les mettre sur la table. (...) Je suis confiante pour l’avenir.»
– Karine Trudel, députée de Jonquière
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