Puisque Jagmeet Singh ressort de la dernière campagne comme le danseur numéro un, il faudra le juger comme le font les maîtres dans la plus célèbre compétition de danse du Québec. Dans un gouvernement minoritaire, le chef du NPD aura vite son moment Révolution. Un moment politique charnière où tous les yeux seront rivés sur lui.
Se pourrait-il que le danseur émérite se retrouve alors dans une posture peu flatteuse, du genre patineur débutant affalé sur la patinoire ? Il y a un risque...
Plusieurs néo-démocrates se réjouissent de détenir la balance du pouvoir. À première vue, il s’agit d’une occasion d’imposer certaines de ses idées. Le gouvernement libéral aura besoin du soutien du NPD pour faire adopter ses budgets, par exemple. Dans le passé, Jack Layton avait tordu le bras de Paul Martin et poussé plusieurs mesures néo-démocrates.
ÉCOUTEZ le commentaire de Mario Dumont à l'émission Dutrizac, sur QUB radio:
Détenir la balance du pouvoir représente néanmoins un couteau à double tranchant. Le pouvoir détenu vient de la crainte du gouvernement d’être renversé. Si le gouvernement perd un vote de confiance, on repart en élection.
Qui coince qui ?
Sachant que les coffres du NPD sont vides et l’organisation en piteux état dans plusieurs parties du pays, qui aura peur ? Qui croira vraiment que le NPD ainsi affaibli serait prêt à forcer une élection en prenant le risque d’être tout simplement démoli ?
Dans le cas où le NPD est forcé de voter avec le gouvernement à tout prix pour éviter une élection fatale, c’est plutôt Justin Trudeau qui détient le gros bout du bâton. Les stratèges libéraux auront alors des options attrayantes.
Les libéraux pourraient décider de faire avaler des couleuvres au NPD. Les forcer à voter pour le pipeline, les forcer à voter pour des baisses d’impôt qui ne correspondent pas à leur pensée politique. Les militants hautement idéalistes du NPD seront déçus.
Les libéraux pourraient aussi utiliser une période de collaboration avec le NPD pour drainer ses appuis. Prouver aux électeurs de centre gauche que le NPD est inutile et que le Parti libéral constitue la voie gagnante. Justin Trudeau l’a déjà fait avec succès en fin de campagne en les invitant à le rejoindre pour barrer le chemin aux conservateurs.
Singh fin stratège ?
Détenir la balance du pouvoir relève de la haute voltige stratégique. Il faut obtenir des gains à court terme, se montrer responsable, tout en se gardant des angles d’attaque pour l’élection à venir. Dans un gouvernement minoritaire, il faut danser le tango avec un parti qui redeviendra l’ennemi électoral.
Jagmeet Singh ne semble pas un fort tacticien. Il maîtrise difficilement les contenus. Il est chaleureux et sympathique, mais il ne nous a pas démontré avoir la finesse pour gagner une joute aussi complexe face aux libéraux.
Ses discours simplistes sur les gros bonnets, les grandes corporations et les méchants lobbys lui ont permis de survivre aux débats. C’est quand même du niveau du discours facile de jeunes de 4e secondaire qu’on lance dans une joute oratoire politique. Il faudra mieux.