Les procès d’intention contre Jacques Parizeau ont toujours été nombreux. À la fin de sa vie, écoeuré de tout cela, Parizeau dit : « Je n’ai mis personne en prison et on m’a traité de fasciste et d’intolérant. C’est ça l’image. Pierre Trudeau a fait mettre 500 personnes en prison et c’est un grand démocrate. Je ne veux plus jouer ce jeu-là ! »
En 1993, dans Voir, un hebdomadaire qu’on avait alors à l’oeil parce qu’il signifiait quelque chose sur le plan culturel, un chroniqueur avait comparé pour le moins grossièrement Jacques Parizeau à Abimael Guzmán, le fondateur maoïste du groupe armé Sentier lumineux au Pérou. L’assimiler ainsi à un terroriste sanguinaire constituait une triste première.
Ce funambulesque ballon voué à la simple provocation avait indigné au plus haut point Pierre Bourgault, qui avait alors profité de l’occasion pour sonner la charge contre l’accumulation de pareilles sottises.
À la télévision, Bourgault s’en était pris sans ménagement à ce chroniqueur qui montrait plus facilement ses humeurs que sa rigueur. Guzmán, rappela Bourgault en martelant son propos, est un terroriste. « Il a tué 20 000 personnes au Pérou sous prétexte de changer les méthodes de gouvernement ! […] On n’associe pas un homme démocrate dans une démocratie à un terroriste international. »
Un an après ses funérailles, quel rapport entre la mort d’autant de gens et la vie de Jacques Parizeau ? À Outremont, là où Parizeau vécut une bonne partie de son existence, l’administration de l’arrondissement a demandé à la Ville de Montréal de rebaptiser le parc Vimy en son honneur.
Un lieu de repos au nom de Jacques-Parizeau, voilà une bonne idée, même si Monsieur n’a jamais été très reposant. Mais en quoi doit-on oblitérer la mémoire de Vimy pour honorer celle de Parizeau ? Plus de 10 000 soldats d’ici sont morts sur cette crête en 1917.
Chez nous, on rase la mémoire et on la reconstruit presque aussi vite grâce à des pensées préfabriquées. On débaptise et on rebaptise à loisir. La conscience du passé est sans cesse piétinée au grand trot des chevaux les plus hennissants du présent.
Le gouvernement québécois a entrepris de désigner officiellement des personnages historiques par des avis légaux. Il publie à cet effet des avis publics dûment payés aux journaux. Georges-Émile Lapalme, l’ancien chef du Parti libéral, est désormais classé tel un bien culturel. Lapalme avait emprunté à son ami André Malraux l’idée de créer un réseau fort de maisons de la culture. Maintenant que son nom est légalement empaillé, en fait-on plus pour la culture ?
Dans ce même élan, on a classé Marie Travers, dite La Bolduc, sans que cela donne l’envie à quiconque de turluter davantage ni surtout de mieux comprendre l’effondrement social de 1929 à la lumière de celui qui se met en place désormais.
Est-ce un signe des temps si ce gouvernement, dans cet élan puéril d’autocélébration, a cru bon désigner aussi à son Registre du patrimoine l’intendant François Bigot ? Il est après tout un homme de notre temps : ce fat régna comme intendant de la Nouvelle France avant d’être accusé et chassé pour grossière corruption.
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