Les scènes de violences survenues, hier en après-midi à l’UQAM, marquent une rupture avec une tradition bien ancrée dans le monde universitaire. Partant du fait que sous ce dôme du savoir et de la connaissance , les différents se règlent par le biais de l’échange et du dialogue. Il est donc dans l’ordre des choses que lorsqu’on acquiert la capacité à raisonner, on veuille l’exercer.
Non, dans le meilleur des mondes, la police n’a pas sa place à l’université.
Bien entendu, le succès de cette méthode repose sur quelques conditions préalables. Lorsque ces dernières sont réunies, s’installe un climat propice à la résolution des conflits dans une certaine civilité. Car en principe, tout ce beau monde se parle. Or, rien de tout ceci ne vaut pour l’UQAM, actuellement.
Sans trop le crier, on sait, au moins depuis l’automne dernier, que le ver est dans l’université. Harcèlement sexuel contre des étudiantes, enseignants victimes d’intimidation, délation, etc. Un climat qui, on le devine, peut très vite s’envenimer. Une belle pagaille en perspective!
Nous y sommes.
À moins qu’une administration veuille bien, un jour, s’attaquer aux problèmes. Non pas en les diabolisant ou en les banalisant et surtout pas en les judiciarisant. Contre les maux, il ne suffit pas de parler. Il faut agir. Le conflit auquel nous assistons est constitué de différentes strates, certaines sont fort anciennes.
À moins qu’un ministre quelque part veuille bien un jour exercer sa responsabilité pour clarifier, par exemple, les modalités d’une grève étudiante. Avouons que ce gouvernement est bien embêté. Car permettre un droit de grève c’est reconnaître le mouvement estudiantin comme étant un partenaire du dialogue social. Ceci est un bien grand mot pour un pouvoir qui fait peu cas des concertations et qui a plongé le Québec dans une politique aberrante d’économies budgétaires réalisées sur le dos de l’éducation.
Les universités sont devenues, par la force des choses, des paquebots difficiles à manœuvrer et ont besoin de capitaines dont les faits d’armes, l’inspiration, les états de service, la vision et les œuvres doivent faire autorité. On en est loin. La question de l’éducation est complétement escamotée par nos décideurs à une époque où les nations de ce monde s’imposent par l’économie du savoir.
Pire encore, des étudiants lancent un mouvement de grève sans même se soucier des enjeux concernant leur propre formation académique.
Pardon ?
Oui, on parle ici d’une grève contre l’austérité d’une façon générale, aussi bien diffuse que confuse. Un mouvement précipité constitué de bric et de broc.
Le rôle premier d’un étudiant n’est-il pas de replacer l’éducation au cœur même des débats de notre société ? Qu’avons-nous retenu de la grève de 2012 ? Sommes-nous condamnés à répéter les mêmes erreurs ?
En 2012, lorsque que tout ceci était fini, nous avions eu des soupirs de soulagement pensant que nous allions retrouver une forme de sérénité pour engager une discussion franche sur des sujets qui fâchent. L’exercice a été entamé. Il doit se poursuivre.
Il revient aux étudiants de faire véritablement vivre la démocratie au sein de leurs instances. Le vote doit se faire à bulletin secret loin de toute pression et dans le respect de chacun. Les cagoulés qui veulent imposer jour après jour la raison du plus fort n’ont pas leur place à l’université.
C’est à l’université que tout peut aujourd’hui recommencer si nous consentions enfin à faire de l’éducation le moyen de la reconquête de la connaissance, de la formation de l’esprit critique, de l’émancipation citoyenne et de la souveraineté populaire.
Je crains que ces grèves finissent par couler ce qu’elles croient défendre. Je crains qu’en plus de la fracture sociale s’ajoutent une fracture générationnelle et une fracture entre ce qui est largement perçu dans l’opinion public comme un bras de fer entre « un bastion inexpugnable de la gauche voire même de l’extrême gauche» et le reste du Québec.
Je crains qu’on recule collectivement et que les étudiants en payent le prix le plus fort. Ceux d’aujourd’hui et ceux de demain aussi.
Quel gâchis!
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1 commentaire
Luc Benoit Répondre
16 avril 2015Bonjour,
Vous réalisez que l'un des objectifs des manifestants est la contestation des politiques d’austérité du gouvernement, mais vous semblez ignorer volontairement la grève sociale et générale. Plusieurs étudiants militent dans l’optique de l’anarchosyndicalisme. Or comme vous le savez, l’anarchie c’est l’ordre moins le pouvoir ou le commandement. L’anarchisme est un mouvement libertaire et rationaliste. Il n’y a donc aucun lien à faire entre l’anarchie et le chaos que redoutent tant nos journalistes.
Il ne faut pas faire d’amalgame avec les socialistes autoritaires et révolutionnaires cherchant traditionnellement à transformer le système par la force. Les socialistes libertaires croient en la démocratie directe. Ils sont sans doute jeunes et utopistes à quelques égards, mais contrairement à vous, ils savent que le profilage politique et policier existe. Si vous en doutez, regardez défiler les membres du syndicat industriel des travailleuses et des travailleurs (IWW) lors d’une manifestation. Vous verrez qu’ils sont toujours encadrés par des policiers. Ce sont pourtant des pacifistes, comparativement aux capitalistes et aux socialistes autoritaires.