IMMIGRATION | INTÉGRATION

Une situation alarmante

De nombreux immigrants récents ou reçus il y a longtemps refusent la langue et les valeurs du Québec

Crise linguistique au Québec 2012


Officiellement, l’intégration des immigrants est un succès. Mais sur le terrain, des enseignants qui travaillent auprès des néo-québécois tiennent un autre discours. C’est le cas de Tania Longpré, qui est ­professeur depuis cinq ans dans différents centres de francisation de Montréal.
Dans son livre-choc Devenir Québécois : c’est compliqué... mais pas tant que ça (qui paraîtra bientôt chez Stanké), cette enseignante dénonce une situation qu’elle considère alarmante. Même si plusieurs de ses étudiants motivés réussissent à ­apprendre le français et à adopter les ­valeurs québécoises, de trop nombreux récalcitrants semblent ne pas vouloir s’intégrer.
Q- Vous dites qu’on retrouve, dans les classes de francisation, des immigrants qui sont au Québec depuis longtemps, mais qui ne parlent pas un mot de français ?
R- Dans chaque classe, je vois des ­étudiants qui sont là depuis 12, 20 ou 30 ans et qui ne parlent pas la langue. Ils ont ­travaillé dans leur communauté, dans la cuisine d’un restaurant par exemple, où ils parlent dans leur langue avec les autres employés.
Certains parlent anglais. Souvent, ils ont des antennes paraboliques qui leur permettent d’écouter la télévision de leur pays d’origine dans leur langue. Ils n’ont jamais vu la nécessité d’apprendre le français.
Q- Ils peuvent faire leur vie ici de cette manière ?
R- Oui, sans problème. Mais le jour où ils perdent leur emploi, pour avoir droit à l’assurance-chômage, Emploi-Québec exige qu’ils prennent des cours, 30 heures par semaine.
Lorsqu’ils commencent, on doit leur apprendre à dire « oui », « non », à compter, les salutations d’usage, les transactions simples à l’épicerie ou à la banque. Ils ­savent à peu près juste dire « Bonjour madame ». Avec de nouveaux arrivants, c’est normal qu’on commence par la base. Mais pour ceux qui sont ici depuis longtemps, c’est plus difficile à comprendre.
Q- Dans votre livre, vous affirmez qu’il y a, à la base, un problème de sélection des immigrants.
R- En France, on exige que les immigrants aient une connaissance du français. En Allemagne, on exige une connaissance de l’allemand. Pour venir au Québec, on n’exige rien.
Soixante-dix pour cent des immigrants sont choisis par Immigration Québec. Les autres viennent de pays où ils sont choisis par le Canada. J’ai eu cet été une étudiante venue du Bangladesh, qui avait passé son entrevue d’immigration en anglais. Personne ne lui avait dit que le Québec était francophone. Elle a eu toute une surprise quand elle est descendue de l’avion !
Je peux vous dire que quand les journaux affirment que Montréal s’anglicise, ou quand le Canadien engage un entraîneur unilingue anglophone, j’ai plus de difficulté à convaincre mes étudiants qu’au Québec, c’est en français que ça se passe.
Q- Comment faites-vous pour transmettre les valeurs québécoises aux nouveaux arrivants ?
R- Dans le centre où je travaille, on a ­souvent fait venir dans nos classes un ­policier d’origine vietnamienne, un ­modèle de réussite pour nos étudiants, qui explique des principes de base. « Vous ne pouvez pas frapper votre enfant ni ­votre femme, vous ne pouvez pas aller dans un parc à trois heures du matin pour faire un party, vous n’avez pas le droit de vous promener avec une arme ou de conduire une auto sans permis ». Des principes de base qu’au Québec on tient pour acquis.
J’ai même déjà entendu un technicien en travail social expliquer à un homme qu’il n’avait pas le droit d’enfermer sa femme avec un cadenas sur la porte !
Plusieurs immigrants viennent de cultures où on véhicule une certaine haine des homosexuels. Il faut leur apprendre qu’ici ça ne fonctionne pas comme ça.
J’ai souvent dû expliquer à des parents immigrants qu’au Québec on ne tape pas un enfant qui a des mauvais résultats scolaires. Et je me suis fait répondre : " si vous n’avez pas le droit de le frapper, envoyez-le-moi et je vais m’en occuper ". Les profs ont peur d’appeler un parent pour un cas de discipline parce qu’ils ne veulent pas avoir sur la conscience le fait que l’enfant s’est fait battre. C’est ce qui est arrivé à mes collègues qui ont enseigné aux enfants Shafia…
Q- Dans votre livre, vous dénoncez certaines bizarreries du système. Quel est l’exemple qui vous a le plus frappée ?
R- Quand ils arrivent aux rencontres avec les professeurs, les parents ­allophones ont droit à des interprètes, payés par les écoles primaires.
Comme prof, quand j’enseignais aux enfants, je manquais de budget pour des crayons ou des cahiers. Mais par contre, il n’y avait aucun problème à trouver du budget pour des interprètes quand les ­parents ne parlaient pas français.
C’est une situation qu’on vit souvent avec les immigrants hispanophones ­unilingues.
J’ai vu plusieurs de mes collègues ­passer systématiquement à l’anglais ou à l’espagnol, ou même carrément aller suivre des cours d’espagnol pour arriver à parler aux parents. Au lieu que les ­immigrants fassent un pas vers nous, c’est la société d’accueil qui les ­accommode !
Dans d’autres cas, les profs acceptent que l’enfant soit présent à la rencontre avec les parents parce que c’est le seul qui peut traduire. Vous imaginez : on doit dire à un parent que son enfant réussit mal à l’école, mais c’est l’enfant lui-même qui traduit à ses parents ?
J’ai quitté l’enseignement aux enfants dans les classes d’accueil parce que j’en avais assez de me faire traiter de raciste par les parents chaque fois que je donnais une mauvaise note à un enfant.
Pourquoi est-ce que j’aurais choisi spécifiquement d’enseigner aux immigrants si j’étais une personne raciste ?


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