Monsieur Bergeron,
Dans votre texte du 6 novembre, vous parlez du manque de culture générale de vos étudiants et de leur manque de vocabulaire. Vous l’associez entre autres à la culture du texto. Or, il n’existe aucune étude sérieuse sur les impacts négatifs du texto sur la langue et le vocabulaire. Si vous en avez une, je la consultaerai avec plaisir. Pour ma part, je me méfie des généralisations anecdotiques comme celle à laquelle vous vous livrez. De même, il serait intéressant de vérifier si les jeunes d’aujourd’hui s’expriment moins bien que leurs parents ou leurs grands-parents. Il est de si bon ton, vous savez, de verser dans la nostalgie (qui n’est plus ce qu’elle était) et de dénigrer les technologies de la communication et de l’information.
Puisque nous parlons des médias, vous écrivez dans un de vos commentaires à la suite de votre texte : « C’est à se demander si l’image ne vient pas prendre sa revanche après avoir été tassée suite à l’invention de Gutenberg. » Euh… L’image tassée par l’imprimerie ? Mais dans quel siècle vivez-vous ? Moi qui croyais qu’on avait inventé la photo, le cinéma et la télévision depuis ce temps. Saviez-vous, sur ce point, que la venue des grands médias télévisés aux États-Unis dans les années 1950 a entraîné une augmentation des tirages des grands journaux ? Méchante revanche de l’image sur l’écrit…
De façon plus précise quant à votre propos, le vocabulaire auquel vous faites référence est tout de même spécialisé et relié davantage à un cours d’Éthique et culture religieuse ou d’Univers social que de français. Cela ne vous empêche pourtant pas de décocher une flèche à certains (quelques ? plusieurs ? tous les ?) enseignants du primaire et du secondaire : « Ils [les étudiants] ne comprennent pas l’importance des mots pour la construction de la pensée. Ce travail devrait être fait au primaire, au secondaire mais à condition d’avoir des professeurs qui ont cette même passion du langage… »
Socrate et Platon
Je vous invite à m’accompagner, Monsieur Bergeron, une ou deux journées, à mon école secondaire, pour voir le travail que nous y effectuons. Nos partons de très loin. Un récent sondage effectué par La Presse la semaine dernière montrait le niveau de culture générale des Québécois. Vous n’avez pu le manquer, j’imagine.
Oui, les jeunes devraient avoir un meilleur vocabulaire. Oui aussi, leurs parents n’en ont pas un meilleur. Oui, il manque de ressources dans nos écoles. Oui, notre ministre de l’Éducation et le gouvernement libéral actuel ne semblent pas très sensibles à l’importance de la langue française, mais vous éludez une bonne partie du problème en ne vous intéressant pas à la société dans laquelle nous évoluons et aux priorités de celle-ci. Les contribuables veulent payer moins d’impôts et de taxes. Socrate, Platon et les autres, ils s’en balancent. Voilà un beau défi pour un professeur de philosophie engagé comme vous.
Enfin, puis-je souligner que votre propos sur les jeunes détonne énormément de tout ce qu’on a dit d’eux lors du fameux « printemps érable » ? Auraient-ils tous soudainement si changé ?
LA RÉPLIQUE › TEXTOS ET QUALITÉ DU FRANÇAIS
Une réflexion passéiste
Le français — la dynamique du déclin
Luc Papineau3 articles
Enseignant, coauteur de l'ouvrage "Le Grand Mensonge de l'éducation" (Lanctôt éditeur, 2006)
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