Et maintenant, l'écoute des conversations...
Comme si ce n'était pas assez d'avoir surveillé les appels des journalistes. Comme si la possibilité de suivre leurs déplacements en temps réel n'était pas suffisante. Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a obtenu un mandat pour écouter les conversations d'au moins deux journalistes de La Presse.
Par où commencer ?
Et quels mots utiliser pour exprimer l'indignation que suscite cette transgression supplémentaire de la liberté de la presse ?
Les journalistes ne sont évidemment pas au-dessus des lois, mais leur travail est censé être protégé par la loi, justement. Il est censé être inviolable, sauf exception. Sauf si la sécurité nationale est menacée, par exemple. Sauf s'ils commettent un crime.
Or voilà. Patrick Lagacé et Vincent Larouche n'étaient absolument pas ciblés par l'enquête Escouade, selon ce que précise le SPVM dans sa demande de mandat. « Nous réitérons au juge que les journalistes ne sont pas visés par les infractions, mais l'interception de certaines de leurs communications privées s'avère utile à l'enquête. »
L'écoute de leurs conversations s'avère simplement « utile »...
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L'intrusion est inacceptable. Et ce, malgré la défense du SPVM.
Ce dernier répond qu'il n'a pas procédé à l'écoute. Il précise que le mandat se limitait aux conversations qui touchent l'enquête en cours. Il ajoute que le tout s'est fait légalement, en respect des critères de la Cour suprême.
Soit. Admettons que le service de police a vraiment tout fait pour demeurer à l'intérieur des limites d'une loi manifestement inadéquate. Difficile dans les circonstances d'exiger la tête du chef Philippe Pichet ou la mise sous tutelle de l'organisation, pour l'instant.
Mais cette histoire de plus prouve néanmoins une chose : il y a quelque chose de pourri au royaume du SPVM.
Et ce quelque chose doit faire l'objet d'un ménage en profondeur.
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L'obtention d'un mandat d'écoute des journalistes est grave. Même chose pour la surveillance à laquelle Patrick Lagacé a été soumis après avoir envoyé une simple question à l'hôtel de ville, en 2014, alors que le SPVM était dirigé par un autre chef, Marc Parent.
Mais aussi sérieuses soient ces deux histoires, elles ne constituent que le point d'orgue d'une longue série de problèmes survenus ces cinq dernières années au service de police, de la trahison de Ian Davidson au vol de la mallette du commandant Vilcéus, en passant par l'affaire Benoît Roberge, les fréquentations de l'enquêteur Philippe Paul, l'enquête sur Costa Labos et les arrestations en série d'enquêteurs du service.
Si les nombreuses fuites dont s'inquiète le SPVM prouvent une chose, ce n'est pas que les journalistes doivent être mis sur écoute : c'est que cette organisation est malade.
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Une enquête sur les enquêtes du SPVM est nécessaire, en plus de l'examen approfondi que mènera la future commission d'enquête.
Cette dernière, on l'espère, s'attardera aux liens qui lient police et politique, au manque d'étanchéité de plus en plus manifeste entre la Ville et le SPVM. Elle examinera aussi le travail des policiers en lien avec les journalistes, avec leurs sources, leur matériel et leurs outils de travail. Elle fera des recommandations.
Mais le SPVM mérite, à lui seul, d'être passé au peigne fin par une enquête particulière. Enquête que doit mener le gouvernement du Québec par souci de transparence et de distance, non pas l'inspecteur général de Montréal, pro bono, à la demande du maire.
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