Pour information aux lecteurs de La Vigile, voici copie de courriers que j'ai fait parvenir hier au Monde, à l'Humanité, au Devoir et à France 2. Mon geste sera-t-il suivi de résultats, je n'en sais rien. Mais au moins, serais-je le seul à réagir, la chose que je dénonce ne vous laissera pas tous, je crois, entièrement indifférents ?
Courrier aux lecteurs
Madame, Monsieur le responsable,
je vous fais parvenir la présente en réaction à des propos publics tenus par un historien présenté comme sérieux. Cela était lors de la retransmission de la Commémoration du Débarquement en Normandie, le 6 juin dernier, sur France 2. Je laisse à vos soins le jugement de retranscrire mes propos, en tout ou en partie, dans vos pages. Si vous en jugiez la chose nécessaire, pour en connaître un peu de moi, je vous invite humblement à aller sur le site des Editions Aléas, mon éditeur, chez qui vient de paraître un de mes textes, et dans la rubrique recherche, faire "Yves Côté".
Malgré que des données historiques passablement étayées au Québec et au Canada, Monsieur Olivier Wievorka en est arrivé à en annoncer une conclusion passablement cavalière à mes yeux. S'il n'y avait qu'une erreur théorique, personne sans doute, en commençant par moi, n'aurait sans doute pris le temps d'y répondre. Toutefois, comme le sens de son interprétation personnelle des faits amplifie une rhétorique politique trompeuse et de plus en plus diffusée en France à propos des Québécois, je demande publiquement un éclaircissement de l'affaire. Selon moi, la science historique, puisque portée pour donner de la profondeur aux connaissances de l'actualité, se corrompt à chaque fois qu'elle accrédite une idéologie de domination des uns sur les autres. Ce dont, dans le présent cas de figure, il peut bel et bien s'agir par la direction induite dans la déclaration.
Mais je vais trop vite, prenons d'abord le temps de jeter un regard critique sur une stratégie politique décevante et qui s'exporte de plus en plus hors des frontières du Canada. L'objectif de celle-ci est de discréditer en tout, et de toutes les manières que possibles, les tenants d'une option politique pourtant tout à fait légitime dans son fondement et démocratique dans sa démarche : celle de l'indépendance du Québec. Mais là n'est pas le véritable problème pour la démocratie; depuis longtemps, on le sait, les politiques hésitent rarement à user de tous les moyens, élégants ou pas, pour neutraliser leurs adversaires et plus grand monde ne s'en émeut.
Non, l'ennui c'est que cela faisant, ils vont parfois jusqu'à écorcher à vif les vérités historiques et sociales des peuples qu'ils se targuent de diriger. Et que c'est bien ce à quoi les Québécois sont confrontés depuis des années avec nombre de politiciens qui s'opposent à l'indépendance de leur territoire. En effet, l'idée de ceux-ci prévoit non seulement de ne valoriser le Québec et ses habitants que lorsqu'ils se conforment aux préceptes canadiens, dont celui que le Québec est une province canadienne identique aux neufs autres et qu'elle ne présente pas de particularité linguistique si singulière que cela lui en mérite d'avoir une législation différente, mais en plus, que tout ce qui dépasse ce cadre de définition standardisée doit être méprisé, voir transformé. Incluant donc le sens d'événements connus en matière d'Histoire.
A titre d'exemple, sous leur coupe, le territoire historique occupé sans discontinuité depuis le seizième siècle par des français n'est plus qu'un espace parmi tant d'autres où la majorité qui compte vraiment n'est pas celle des francophones qui l'habitent, mais bien plutôt celle du pays qui l'englobe, anglophone, au Canada. Expliquant ainsi qu'il soit normal pour eux de ne pas percevoir la langue française au Québec comme l'égal de celle anglaise pour le reste du Canada et que les lois qui tentent d'en sauvegarder l'usage, et encore plus celles qui cherchent à la favoriser, ne puissent être par définition qu'inéquitables en termes de droits individuels. Pour les Canadiens qui n'ont aucun souci de préservation de langue puisqu'ils ont celle qui, en plus d'être commune à toute l'Amérique du Nord ne cesse de s'étendre dans le monde entier, comment accepter que ceux de langue française puissent sur leur territoire séculaire et dans le même pays qu'eux, celui du Québec, avoir une forme ou une autre de contrainte sur sa population et ses entreprises pour perpétuer un usage normal de sa langue ?
Rappelons que les francophones d'Amérique ne forment que 2% de sa population totale, Canada et Etats-Unis réunis, et que le Québec y est le seul territoire national où ceux-ci forment encore une majorité. Que cet espace géographique est le seul continental où siège une Assemblée Nationale francophone et qu'elle se trouve élue par une majorité de locuteurs français à 80% dans un pays plus vaste où les parlant français ne sont plus à peine que vingt pour cent de la population...
Et que cela a-t-il à voir avec la déclaration de notre historien errant ?
Tout. Tout, parce que par la déclaration qu'il a produit, celui-ci endosse, volontairement ou pas je ne suis pas en mesure de le trancher, la rhétorique douteuse de ceux qui s'attachent à discréditer partout, au Canada comme à l'étranger et en France encore plus qu'ailleurs, l'ensemble des Québécois francophones en même temps qu'ils tentent d'étouffer définitivement l'option politique qu'ils ont majoritairement portée en 1995.
Et pour en venir à l'historien Olivier Wievorka, qu'a-t-il donc déclaré devant les téléspectateurs de France et de Navarre ?
Que la participation inférieure en proportion des Canadiens français pendant le deuxième conflit mondial, comparée à celle des Canadiens anglais, était dû au pétainisme qu'ils partageaient majoritairement... Jugement qui, au Québécois que je suis, à la double-nationalité et au choix de résidence en France depuis 1995, apparaît très singulièrement éloigné de la plus stricte réalité historique.
Qu'on me comprenne bien, je n'ai bien sûr rien à redire sur le droit de quiconque à tenir des propos politiques; ce faisant, ne me condamnerais-je pas moi-même au silence ? Mais qu'un savant se permette de ne pas tenir compte de faits globaux connus, en rétrécissant des explications à un particularisme n'ayant touché qu'une petite minorité d'individus pour en faire un postulat, cela, par définition, ne peut être qu'aussi outrageant pour la vérité qu'interrogatif pour tout observateur sérieux.
Dans quelles circonstances a-t-il affirmé cela ? Etait-il questionné sur la part des uns et des autres Canadiens pendant le dernier conflit mondial ? Son assertion faisait-elle suite à un reportage présenté ? Serait-elle venue d'une découverte récente, issue des travaux de notre docte personnage ?
Non. Si vous n'avez pas suivi vous-mêmes l'émission de la Commémoration, voici son contexte. Le 6 juin dernier, très peu avant que les Cérémonies officielles ne débutent, en avant-propos d'accompagnement pour les images qui nous étaient présentées, Madame Marie Drucker, l'animatrice, faisait en sorte, et de manière on ne peut plus professionnelle, que ses invités, experts en divers domaines, livrent un certain nombre d'informations protocolaires et historiques. Jusque-là, rien de plus normal je crois. Mais alors que celle-ci offrait à ses spécialistes l'occasion de parler de l'implication des troupes canadiennes en Normandie, l'historien lança subitement sa troublante assertion. Il le fit de manière d'ailleurs si tranchante et forte que, du silence de Madame Drucker qui suivit immédiatement, il m'apparut reconnaître chez l'animatrice une surprise aussi totale que déconcertante. Comme si, de cette annonce, étaient balayées sans vergogne les propres connaissances de la dame sur le sujet ?
Néanmoins, réagissant rapidement, la pression du reportage en direct n'en oblige pas moins à la continuité des choses, elle tenta de modérer les propos imprévus de son invité. Comme pour contrebalancer la gravité de ses paroles, elle s'avança alors à mentionner que les hommes d'au moins un régiment canadien français avaient laissé en terre normande de très nombreuses preuves de leur courage: le Régiment de La Chaudière*. Toutefois rien n'y fit et le savant réaffirma encore une fois, le plus sereinement du monde, l'idée fausse en question, elle-même largement diffusée au Canada par qui vous avez rencontré ci-dessus de manière première (pour mieux le faire, sur internet, faire "scandale des commandites" et "option-canada"... vous verrez comment vous progresserez rapidement en connaissances !).
Y aurait-il donc un lien entre cette personne et un groupe partisan canadien qui entretient sa propagande ?
Je ne peux le dire. D'ailleurs, quant à moi, il en revient maintenant entièrement à cette personne d'expliquer ses conclusions en étalant sous nos yeux son savoir. Le mieux, s'il m'est permis de le proposer, n'étant-il pas que publiquement il confronte ses propos à ceux d'historiens largement reconnus pour leurs compétences en matière d'Histoire du Canada et du Québec ? Comme, par exemple, dans ce qui pourrait produire un article étoffé où son point de vue serait éclairé de ceux d'autorités scientifiques connus, inscrites et annoncées comme telles par un organe d'information papier indépendant... ou par l'antenne France 2 elle-même ?
Néanmoins, en conclusion, si pour une vision plus appropriée des événements en question il serait selon moi important qu'une telle chose publique advienne, une donnée bien plus importante et générale prime sur cet aspect.
Laquelle ?
Celle-là que la France et ses habitants ne peuvent rester léthargique devant le portrait que les uns, au Canada, tracent habilement des autres, ceux majoritaires au Québec, afin de leur soutirer de dessous les pieds un droit pourtant acquis et tout aussi démocratique que jusque-là reconnu à eux : celui qu'à l'exemple de tous les autres peuples du monde, il leur est entièrement légitime de déterminer eux-mêmes, librement, leur destin politique.
Et pourquoi donc ?
Mais parce que si personne ne le fait au pays-même des Droits de l'Homme et qui plus est, pour un petit peuple issu de sa propre nation et culture, je ne donne plus longtemps à la liberté pour perdre ce qui lui reste de valeur réelle pour le reste de l'humanité.
* La Chaudière est une rivière qui coule depuis les Appalaches jusqu'au Saint-Laurent, s'y déversant à la hauteur de Québec sur sa rive sud, après avoir baignée la bien connue région de la Beauce.
Je vous remercie pour la réception de ce texte.
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Et maintenant, Québec quoi ?
Yves Côté
Image Yves Côté habite le sud-ouest de la France depuis 1995. Québécois de nationalités canadienne et française, il a suivi avec intérêt le fil des événements récents du quatrième centenaire de la Ville de Québec ; en particulier ceux qui se sont déroulés en France. Dans un rappel des choses souvent décapant, aidé de sources médiatiques, il nous livre aujourd’hui ce qu’il retient d’une année aux allures trompeusement festives.
Depuis l’été 1967, alors que se déroulait l’Exposition Universelle de Montréal sous le thème de Terre Des Hommes, comme jamais auparavant une phrase se mit à marquer l’esprit des Français presque autant que celui des Québécois. Après deux siècles de distance choisie de la part de la France, un pont était jeté au-dessus de l’Atlantique en direction de ces derniers. Si cela ne fut pas sans remous, sans nuance non plus avec le temps, l’initiative française eut pour avantage de faire s’ouvrir les portes nord-américaines comme jamais aux citoyens et entreprises de ce pays.
En un automne à l’Été des Indiens tardif, une déclaration faite à Québec lors du Sommet de la Francophonie est venue rompre, de manière officielle et sans doute irréparable, les liens de complicité qu’entretenaient concrètement la France et le Québec. Pour s’amadouer un Canada anglais paraissant à l’abris des tumultes économiques, ce fut en absence de tout débat politique chez lui à ce sujet, comme s’il voulait le faire en catimini de son peuple, ses propres électeurs inclus, que Nicolas Sarkozy s’est déterminé à agir au nom de son pays. En octobre dernier, après que quelques amis lui aient préparé le terrain là-bas et avant que quelques autres tentent de lui en assurer les arrières, il essaya de tuer l’espoir d’indépendance qui reste chez la majorité des cousins français du Québec.
Ceux-là même qui représentent quatre-vingts pour cent des habitants de la toujours “Belle Province” et que le président qualifia lui-même de “frères”.
Et a-t-il réussi son coup ?
À en croire notre auteur, malgré le silence qui règne en France à ce sujet, on peut se permettre d’en douter.
Transmission en France de la Commémoration du Débarquement de Normandie.
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2 commentaires
Archives de Vigile Répondre
24 juin 2009En tant que juif d’origine polonaise polonais d’origine Monsieur Wieviorka devrait plutôt s’intéresser à l’antisémitisme canadien anglais.
Monsieur Olivier Wieviorka, historien de la deuxième guerre mondiale, n’a que faire et dire des William Lyon Mackenzie King, le plus antisémite des Premiers Ministres du Canada, de Goldwin Smith son professeur à l’Université de Toronto, autre antisémite de première importance au Canada anglais. Et que dire des «Swastika Clubs» qui pullulaient dans la ville reine (Toronto)et de la «Swastika Association of Canada» «coast to coast my friend!»
L’affaire du parc «Christie Pits» à Toronto, Ontario, où dit-on, près de 9 000 personnes se prirent aux cheveux pour ne pas avoir de Juifs dans leur organisation. Simple méprise dira le juge: «on the ground that the provocation of Jews was intended as a joke!»
Que dire encore des centres de villégiature ontariens où «No Jews or dogs allowed», des Sir Arthur Currie (une salle de gymnase de McGill ne porte-t-il pas encore son nom!!!), des Herman Neufrel, William Whittaker, Howard Simpkin et son mouvement «Canadian Union of Fascists», etc.
Allez Monsieur Wieviorka, si vous êtes honnête comme historien, allez jusqu’au bout concernant le Canada des années de guerre. Vous ne savez rien, ou pire encore, vous fermez les yeux sur les agissements et les poussées de haine antisémites des anglo-canadiens durant la deuxième guerre mondiale.
Michel Guay Répondre
22 juin 2009Dans tous les pays du monde les ambassades canadians font un travail de sape contre la nation Québecoise notre langue française , contre notre histoire et notre économie Québecoise .
Ayant visités pour ma poste restante des dizaine d'ambassades du Canada dans autant de pays du monde j'ai eu à affronter l'unilinguisme anglais , des journaux Québecois dépouillés des informations indépendantistes et un arrogance allant jusqu'au racisme anti Québec
Je leur promettais de combattre toute ma vie pour la fondation d'ambassades Québecoises dans tous les pays du monde avec des Alliances Québecoises . Des ambassades c'est très rentables