Une Charte des valeurs sans compromis

Le projet de loi déposé jeudi raffermira les dispositions touchant le municipal, la santé et l’éducation

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On ne demande qu'à voir

Le gouvernement Marois opte pour la fermeté. Le ministre des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne, Bernard Drainville, déposera jeudi un projet de loi sur la Charte des valeurs québécoises qui n’offrira aucun compromis par rapport au projet initial.
Au contraire, le projet de loi raffermira les dispositions visant les municipalités, le réseau de la santé et des services sociaux, les cégeps et les universités. «On met nos culottes», a commenté une source gouvernementale.

Au lieu de bénéficier d’un droit de retrait d’une période de cinq ans renouvelable, comme le prévoyait le projet de Charte des valeurs dévoilé à la mi-septembre, les municipalités, les hôpitaux, les cégeps et les universités devront interdire à tous leurs employés de porter des signes religieux ostentatoires après une période de transition de quelques années.

Il n’est pas question d’avoir deux régimes de droit dans le secteur public : tous les fonctionnaires, qu’ils soient en contact avec les citoyens ou non, les enseignants des écoles primaires et secondaires, le personnel des centres de la petite enfance (CPE) et des garderies privées subventionnées, ainsi que les employés des sociétés publiques et parapubliques devront retirer leurs signes religieux ostentatoires avant d’entamer leur journée de travail. Évidemment, cette interdiction vaut aussi pour les agents de l’État qui exercent un pouvoir coercitif, comme les juges, les policiers et les gardiens de prison.

Le gouvernement estime qu’une majorité de Québécois appuie la prohibition du port de signes religieux pour tous les agents de l’État, comme l’ont indiqué les sondages. On note au gouvernement que les Québécois sont favorables en plus grand nombre à cette interdiction qu’ils ne le sont au regard de la Charte des valeurs. Ainsi, dans l’enquête d’opinion de Léger Marketing du 12 octobre dernier, 54 % des répondants (63 % chez les francophones) étaient d’accord avec cette prohibition du port de signes religieux, alors que 46 % (53 % chez les francophones) se disaient favorables à la Charte dans son ensemble. Or, hormis cette disposition, les autres éléments de la Charte, que sont l’inscription de la neutralité religieuse de l’État dans la Charte des droits et libertés, les balises pour encadrer les accommodements religieux et le fait que tout service public devra être reçu à visage découvert, font consensus parmi les partis politiques à l’Assemblée nationale.

Le crucifix exclu du projet de loi

Le gouvernement Marois fait donc fi des commentaires de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ), qui a descendu en flammes le projet de charte des valeurs. Selon l’organisme, c’est sans hésitation que les tribunaux la déclareraient contraire aux Chartes des droits par les tribunaux. Il ignore également les admonestations des anciens premiers ministres Jacques Parizeau et Lucien Bouchard, qui jugent que seuls les agents de l’État détenant un pouvoir de coercition devraient être visés par l’interdiction, comme le recommandait le rapport Bouchard-Taylor. Même traitement pour l’opinion versatile de Bernard Landry qui, aux dernières nouvelles, penchait pour la position défendue par la Coalition avenir Québec.

Le projet de loi laissera de côté l’enjeu délicat du crucifix à l’Assemblée nationale. Il s’agit d’une prérogative des parlementaires, a-t-on rappelé, prérogative qu’un projet de loi ne peut abolir, selon le principe de la séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif. Ce sera donc aux élus de trancher la question par une motion, si jamais ils arrivent à s’entendre entre eux.

Bien que le projet de loi ne contienne aucun assouplissement, Bernard Drainville tentera tout de même d’en arriver à un compromis avec la CAQ dont les vues sont les plus proches de celles du gouvernement. Ainsi, le parti de François Legault préconise que l’interdiction du port de signes religieux ostentatoires ne s’applique qu’aux employés de l’État « en autorité », ce qui comprend, outre les juges, les policiers et les gardiens de prison, les enseignants des écoles primaires et secondaires.

Mais il y a loin de la coupe aux lèvres puisque la position de la CAQ représente déjà un difficile compromis entre les diverses tendances qui cohabitent au sein de cette coalition où se côtoient conservateurs fédéralistes, trudeauistes et anciens péquistes.

Seront laissés de côté le Parti libéral, qui défend le consensus canadien en s’opposant à toute interdiction, et Québec solidaire qui prône une laïcité « ouverte » assortie d’une prohibition limitée à la Bouchard-Taylor du port des signes religieux.


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