Dans mon dernier bloc, je considérais comme préjudiciable à leur intégration sur le marché du travail les Néo-Québécois qui décident de faire leur cégep en anglais, les profs de Vanier ou de Dawson n'étant pas trop portés à leur faire apprécier la culture des pure laine. Il reste que quand je tombe sur la prose de gens comme Barbara Kay, je finis par penser que rien n'est perdu si tant est qu'il ne faudrait pas beaucoup d'enseignants de son type pour qu'un nombre important d'étudiants en viennent à s'ennuyer de leurs profs francos du secondaire.
Google nous révèle que Barbara Key «taught English literature and composition for many years at Concordia University and the Quebec Cegep system». Pour bien voir ce que pouvait lancer la prof en venin contre les méchants gauchistes et les ignares Frenchies, voici quelques extraits les plus corrosifs de ses textes récemment parus ans le National Post (NP). Ex-collaboratrice de l'ex-Cité Libre, notre ex-prof est aujourd'hui chroniqueuse au très pro-Bush quotidien de Toronto.
NP-20 juillet: Kay se dit tristement étonnée d'apprendre que, lors d'une ligne ouverte à la Première chaîne de Radio-Canada où il était question des attentats de Londres, une majorité d'intervenants a affirmé que ce terrorisme était «justifiable» parce que directement lié à «l'impérialisme» de la politique étrangère de George W. Bush et du support de Tony Blair à la guerre en Irak. La dame ne fait pas dans la dentelle. Il est peu plausible que, ce jour-là, une majorité d'intervenants ait justifié les actes terroristes comme devenant le seul moyen de changer le cours de l'histoire. On était sûrement plutôt d'avis que la politique anglo-américaine au Proche-Orient avait toutes les chances de créer le terreau favorable à l'accroissement du terrorisme.
Ne s'intéressant que peu à ce qui s'écrit et se dit chez les indigènes, dame Barbara Kay a un informateur en la personne de Jean-François Rioux. De ce politologue de Laval, Google nous apprend qu'entre 1987 et 1990 il a fait partie de l'armée étasunienne, qu'il est maintenant titulaire d'une chaire de recherche du Canada en sécurité internationale et que, de ses compatriotes, il considère qu'ils sont majoritairement encore imbus d'un sentiment anti-guerre semblable à celui qui, il y a un siècle, animait Henri Bourassa, au temps de la guerre des Boers. La différence étant que, dans leur esprit, les Etats-Unis ont remplacé la Grande-Bretagne comme puissance impériale à détester. Rien en cela pour nous faire apprécier de Barbara Kay.
Rien non plus pour modifier son sentiment voulant que le Québec n'ait pas encore coupé le cordon ombilical avec l'ancienne mère patrie. À ses yeux, une «French connection» existe entre journaux québécois et français. Or, ceux-ci sont largement subventionnés par un État qui ne détestait pas tant Saddam... et leurs rédacteurs sont tous regroupés dans des syndicats d'obédience communiste. Tout cela fait que Français et Québécois sont mal informés et en viennent à détester les Étasuniens. Et à cautionner «l'islamo-fascisme.»
Barbara est professeure dans l'âme. Sa chronique du 10 août nous permet de constater le biais impérialiste qu'elle pouvait intégrer dans ses cours de cégep. Le roman de Joseph Conrad, The Secret Agent, lui sert ici de prétexte: “For many wishful thinkers, seductive rationalizations centred on Iraq and Israel, neo-colonialism or global inequality explain such hatred and the locally terrorism it's spaned.”
Le roman, publié en 1907, est presque la copie conforme d'un incident qui s'est déroulé à Londres le 15 février 1894. Dans le parc adjacent au célèbre Greenwich Observatory, on y a découvert un homme qui avait été littéralement déchiqueté par la bombe qu'il portait sur lui et qu'il destinait au prestigieux édifice. Dans The Secret Agent, le porteur de la bombe est le beau-frère mentalement retardé d'un agent double, recevant ordres et cachets de Scotland Yard et de l'ambassade russe.
Barbara Kay ne manque pas de faire le parallèle entre cette bombe destinée à ce lieu de progrès de l'humanité où se tenait une conférence internationale pour statuer sur les fuseaux horaires et le symbolisme inhérent à la destruction des tours de New York en 2001. Elle fait également un parallèle entre les personnages des anarchistes Ossipon et «the Professor» de The Secret Agent et les anarchistes, gauchistes, pacifistes, altermondialistes et djihadistes d'aujourd'hui, tous rassemblés dans le même panier, des gens dont, de l'avis de Kay, les analyses freudiennes démontreraient qu'ils ont tous des problèmes personnels mal réglés, ce qui les poussent à de l'activisme anti-occidental, que son mode soit violent ou non.
Je ne connais pas assez l'œuvre de Conrad pour me prononcer ici, mais je sais que Barbara Kay se trompe à vouloir rendre le terrorisme de pétards mouillés ou secs de tous les Ossipon de ce monde (1) comme un grave détournement du progrès de l'humanité. The Secret Agent, c'est cinq ans après la fin de la guerre des Boers, où on fait usage d'une invention récente, le fil barbelé qui permet l'installation des premiers camps de concentration qui seront très utiles au général Kitchener. Il y enfermera vieillards, femmes et enfants avec grand espoir de démoraliser les troupes adverses. Si ça ce n'est pas du terrorisme...
The Secret Agent paraît sept ans avant le Grand carnage, « la guerre civile européenne» qui a avant tout été engendrée dans un monde où régnait un capitalisme sauvage semblable à celui d'aujourd'hui, et par la concurrence entre empires coloniaux cherchant chacun à prendre la plus grande part dans l'exploitation des ressources de l'Afrique-Asie. Les carnages de 14-18 devaient être le prélude des autres grandes catastrophes qu'a connues tout le vingtième siècle.
Barbara Kay déraille. Depuis la sortie de The Secret Agent, les terrorismes d'État ont fait des centaines de millions de morts. Des chiffres énormes par rapport à ce que nos médias appellent «les actions terroristes», des actions qui, pour la plupart, sont la conséquence plus ou moins lointaine de ces dits terrorismes d'État. En Tchétchénie, comme en Irak, en Israël et dans les Territoires occupés. Plus ça change, plus c'est pareil.
(1) Leader anarchiste dans The Secret Agent. Pour en savoir plus, cliquer «Ossipon» sur Google.
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