La civilisation occidentale en est une de conquérants. Elle inventa le mythe de la conquête civilisatrice pour masquer que le sang et les flammes arrachent ses nombreuses dominations et que les intérêts matériels les justifient; ce mythe pénètre ensuite l'esprit du conquérant, lui permettant de regarder avec suffisance les conquis : ces bons païens à évangéliser.
Les Romains imposèrent leur civilisation matérielle et culturelle (langue, mode de vie, etc.) aux barbares; les colonisateurs du 16 et 17e, le christianisme; ceux du 19e et du début du 20e siècle, la modernité positiviste.
Cette haute idée de soi peut être imposée à d'autres sociétés occidentales. Les Anglais le firent avec les Irlandais, les Allemands avec les Polonais, les Canadiens avec les Québécois.
La dernière manifestation de ce complexe de supériorité nous vient de la journaliste [Kay qui a signé dans le National Post, le 9 août, un brûlot anti-québécois.->1510]
Selon elle, la sympathie du Québec pour les Libanais dans la guerre qui vient de se terminer viendrait d'un vieux fond d'antisémitisme (ce qui n'est pas typiquement québécois, mais typiquement occidental, Canada y compris).
Seule la saine tutelle du Canada permettrait au Québec d'échapper aux griffes de l'intolérance institutionnalisée à laquelle nous condamne une accession à la souveraineté où l'État serait l'ami des terroristes. La persistance d'une pensée du colonisateur mérite de s'y attarder.
Le (colonisé) est, selon le colonisateur, un éternel mineur politique, il ne sait pas ce qui est bon pour lui, ses élites cherchent à l'égarer, le tromper, le manipuler.
On aime le colonial, seulement s'il est docile, s'il obéit et suit les décisions de la métropole; s'il se révolte ou cherche à adopter une position différente, il faut lui reprocher; s'il veut s'affranchir, il faut le menacer, voire le châtier, comme le ferait un père autoritaire pour un fils mûr qui voudrait goûter à sa liberté, car il ne serait pas capable de vivre seul responsablement.
Un simple débat sur la souveraineté avec un anglophone vous renverra à ce schéma. On vous martèlera la supériorité de l'État canadien multiculturel, sa modernité et ses valeurs de tolérance sur l'hypothétique État québécois souverain rétrograde et ethnocentrique.
On vous accusera peut-être même de racisme ou pire de fascisme ou de nazisme (le colonial se caractérise par ses us et coutumes barbares et surannés). On vous menacera de partition (qui est la voie express qui mène les peuples à la guerre), d'étranglement économique, voire de guerre comme Bob Rae l'a déclaré dernièrement dans un discours emporté (la barbarie du sauvage l'empêche de comprendre les subtilités du langage civilisé de la démocratie, c'est pourquoi il faut donc l'écraser).
En 1841, Lord Durham parlait de l'assimilation des Québécois comme d'un devoir de civilisation de la part de la race supérieure anglo-saxonne. Aujourd'hui, intelligentsia canadienne ne va pas aussi loin, mais parle toujours de sa supériorité.
La femme de Conrad Black déclare en 1997 : "( ) la culture francophone en elle-même n'est pas aussi démocratique que les cultures basées sur les traditions britanniques. ( )" James McPherson dit à l'émission Saturday night en 1998 : "par contraste (Aux Québécois ), les Canadiens anglais adhèrent à des valeurs comme l'égalité des individus et glorifient les libertés civiles( )".
En 1996, le Dr Robert Lecker écrit : "( ) dans sa quête pour la souveraineté, le Parti québécois souscrit à des visées de domination ethnique et linguistique responsables des violations en cours des principes démocratiques et des droits humains."
La lise de pareilles déclarations puant le colonialisme intellectuel, sinon carrément raciste, est longue, elle remonte loin en amont (avec encore plus de violence verbale et physique), et coule en aval jusqu'au torchon de Barbara Kay.
Les Canadiens devraient peut-être faire un examen de conscience avant de chercher à nous donner des leçons d'éthique.
Gabriel Thériault
_ étudiant à la maîtrise en histoire
_ Saint-Léonard-d'Aston
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