Pour freiner le Covid-19, le Premier ministre québécois a ordonné le 23 mars la fermeture de tous les commerces et entreprises «non essentiels», ce qui commence à susciter du mécontentement. Pour Adrien Pouliot, chef du Parti conservateur du Québec, François Legault néglige les dommages collatéraux de cet arrêt économique. Entrevue.
Le Premier ministre québécois, François Legault, n’a jamais été aussi populaire que depuis la crise du Covid-19, mais certains groupes commencent à montrer des signes d’impatience en raison de l’arrêt quasi total de l’économie. Le 23 mars, M. Legault a décrété la fermeture de toutes les entreprises et de tous les commerces, sauf ceux déclarés essentiels, comme les épiceries et les pharmacies.
«C’est important, pour se donner toutes les chances de réduire la propagation du virus, de prendre cette décision difficile, mais nécessaire», se justifiait alors le Premier ministre québécois.
Deux semaines plus tard, François Legault a annoncé que son gouvernement prolongeait cette mesure exceptionnelle jusqu’au 4 mai, alors qu’elle devait prendre fin le 13 avril.
L’économie du Québec à l’arrêt
Si les observateurs saluent presque unanimement le travail de François Legault, dont le taux de satisfaction atteignait récemment 94%, certains ont commencé à critiquer durement son gouvernement sur le plan économique. Sur les réseaux sociaux en particulier, des mouvements citoyens ont commencé à prendre forme pour s’opposer au prolongement des mesures de confinement, comme le Mouvement pour la réouverture du Québec. Selon Adrien Pouliot, chef du Parti conservateur du Québec et sympathisant de ce groupe, le gouvernement Legault place la population devant un faux dilemme:
«Ce n’est pas la santé ou l’économie, comme s’il fallait choisir entre les deux. C’est évident que la santé est importante, mais une économie démolie n’aide pas un pays à garder les gens en santé. [...] L’économie n’est pas faite de machines, mais de personnes.
Si l’économie va mal, il y a plus de suicides, de consommation de drogue, d’alcool, de problèmes de santé mentale, etc. Je ne me m’oppose pas aux mesures sanitaires, mais nous avons un peu l’impression que seule l’intelligentsia médicale dirige maintenant ce pays», déplore M. Pouliot à notre micro.
Selon les plus récents chiffres du gouvernement canadien, 87,4% des Québécois évoluant dans le secteur privé travaillent pour une PME. Mais depuis les mesures préventives, plus de la moitié des directions de PME ont dû congédier des employés. De plus, un quart des propriétaires «affirment qu’ils ont déjà été obligés de le faire pour la totalité de leurs effectifs», précisait par communiqué Jasmin Guénette, vice-président des affaires nationales à la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, plus grand regroupement de PME au pays.
Des centaines de PME au bord du précipice
85% des PME québécoises sont actuellement fermées en partie ou complètement, ce qui fait craindre le pire pour l’économie de la Belle Province. Selon diverses projections, au moins un tiers des PME pourraient ne pas survivre à la pandémie de Covid-19.
«Il faudrait d’abord commencer par parler d’économie. [...] faire repartir la chaîne d’approvisionnement ne sera pas facile. Je crains que ce soient des fonctionnaires déconnectés de la réalité du terrain qui élaborent la stratégie de redémarrage. On va entre autres avoir besoin de l’expertise des petits entrepreneurs [...] Le gouvernement Legault a pris plusieurs décisions rapides dans le contexte de l’urgence, mais sans prendre le temps de discuter beaucoup des impacts sur l’économie», poursuit le chef du Parti conservateur du Québec.
Pour tenter de sauver les PME menacées de fermeture définitive, le gouvernement Legault a annoncé qu’il accorderait une aide de 150 millions de dollars canadiens (98,5 millions d’euros) aux PME en difficulté. Des politiciens comme le chef intérimaire du Parti québécois, Pascal Bérubé, proposent quant à eux de restreindre l’accès aux supermarchés pour aider les PME encore ouvertes à survivre. «Il est temps de forcer les grandes surfaces à fermer dès maintenant les sections non prioritaires. Les biens vont demeurer disponibles en ligne; les consommateurs n’en seront donc pas privés. C’est une question de justice et d’équité autant que de santé publique», déclarait-il le 6 avril à QUB Radio.
«Dans le contexte et si ça continue, je pense que les groupes comme le Mouvement pour la réouverture du Québec vont prendre de l’ampleur. [...] Le risque zéro n’existe pas. Il faudra peut-être penser à permettre aux gens qui ont développé une immunité de retourner travailler progressivement», estime Adrien Pouliot.
Entre le 12 mars et le 8 avril, le nombre de personnes infectées est passé de 13 à 10.131 dans la Belle Province. 175 décès dus au Covid-19 y ont été enregistrés.