« Populiste ! » Le terme était sur toutes les lèvres à la conférence du Centre Manning en fin de semaine. L’élection de Donald Trump, le vote sur le Brexit et la montée de l’extrême droite en France, aux Pays-Bas et en Allemagne, tous ces développements propulsent ce courant à l’avant-scène, surtout à droite de l’échiquier politique. Mais la droite n’en a pas l’exclusivité, comme le démontre l’efficacité de la campagne de Bernie Sanders durant les primaires démocrates américaines. Ou le succès de… Justin Trudeau.
Eh bien non, les conservateurs, qu’on associe habituellement au populisme canadien, n’en ont jamais eu l’exclusivité et ne l’ont toujours pas. Et, en regardant aller le premier ministre Trudeau, on peut dire qu’on a affaire à ce qu’on pourrait appeler la version « légère » de la chose.
Le ton était donné dès la campagne électorale, avec la formule de « la classe moyenne et de ceux et celles qui travaillent fort pour la rejoindre », maintenant usée à la corde mais qui a fait ses preuves. La plateforme libérale prenait aussi pour cible, à plusieurs reprises, « les plus riches » et ceux qui « gagnent plus de 200 000 $ par année ». Les dizaines de consultations lancées par le gouvernement Trudeau, l’engagement de revoir les avantages fiscaux qui profitent aux mieux nantis et surtout le travail de terrain récent du premier ministre auprès de l’électorat témoignent bien de cette approche populiste que M. Trudeau aime plutôt appeler « positive ».
Ses appels téléphoniques qui prennent par surprise des gens qui font part de leurs doléances à son bureau et surtout ses récentes séances de questions-réponses avec des citoyens, sans filtre, dans une douzaine de villes du pays vont dans la même direction.
Le courant populiste dominant actuellement mise sur le ressentiment de certaines couches de la population et se fonde sur la notion de déclin pour promouvoir un retour à un passé idéalisé. Ce n’est pas la voie choisie par Justin Trudeau, même s’il dresse au départ un diagnostic semblable aux Trump et compagnie.
Bien que moins tonitruant et alarmant que les autres politiciens populistes, il a quand même saisi l’occasion de son discours devant un auditoire sélect à Hambourg pour crier « au loup » en évoquant les « profits records », la colère populaire et l’anxiété « bien réelle » des citoyens. Il concluait en faisant la leçon à ces élites qui doivent moins prendre et donner davantage.
Et tout ça en rappelant les premières décisions de son gouvernement en faveur des familles à revenu modeste assorties d’une hausse d’impôt « des plus riches », question de « soulager cette inquiétude » et d’« aider les gens à composer avec l’incertitude liée à un monde qui évolue constamment ».
Plusieurs indicateurs laissent croire que le Canada n’est pas immunisé contre ce qui se passe aux États-Unis et ailleurs, et le ton adopté par M. Trudeau n’est probablement pas étranger à ces constats.
Sur l’immigration, un des fers de lance de Trump et de Le Pen, on s’aperçoit que les Canadiens sont plus frileux qu’il n’y paraît pour ce qui est de l’ouverture et de l’empathie. Quelque 40 % d’entre eux pensent que le Canada accueille déjà trop de réfugiés et 50 % estiment que ceux-ci ne font pas assez d’efforts pour s’intégrer, pendant que le quart se dit d’accord avec des restrictions à la Trump aux frontières.
La consultation annuelle menée par le groupe Edelman dans 28 pays, dont le Canada, est aussi révélatrice.
Pour la première fois en 17 ans, ce « baromètre de la confiance » montre que plus de la moitié des Canadiens disent ne pas avoir confiance dans les quatre grandes institutions que sont les gouvernements, les entreprises, les médias et les organisations non gouvernementales. Les médias s’en tirent le plus mal. Une majorité pensent que les changements dans les entreprises se font trop rapidement et que la mondialisation entraîne le pays dans la mauvaise direction. Ça vous rappelle quelque chose ? Quelqu’un ? Les 55 % de répondants canadiens qui concluent que « le système a lâché » se comparent aux 57 % d’Américains qui sont du même avis.
Les libéraux ne raffolent probablement pas de l’étiquette « populiste » perçue péjorativement à cause de ses porte-étendards ailleurs dans le monde, mais ils répondent à ces tendances en misant sur ce populisme modéré, bien campé au centre. Et se démarquent du même coup de leurs adversaires conservateurs aux prises avec les déclarations souvent très tranchées de leurs candidats au leadership.
> Lire la suite de l'article sur Le Devoir
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé