Ceux qui, à droite du spectre politique, voyaient dans la défaite d’octobre 2015 et la fin du « harperisme » une occasion de renouvellement idéologique et politique doivent être déçus de la tournure de la course à la direction du Parti conservateur du Canada (PCC) jusqu’à maintenant. À une semaine du premier débat des candidats présentement en lice, les thèmes mis en avant ont en commun qu’ils nous ramènent tous en arrière, à différents moments de l’histoire récente de la mouvance conservatrice.
Les commentateurs identifiés à la droite misent sur cette course et, en février dernier, un de ses maîtres à penser, Preston Manning, intitulait la conférence annuelle du Centre portant son nom « Recharger la droite ». On est plutôt dans les sentiers battus en ce qui concerne les thèmes et dans les petites pointures du côté des candidats.
Les nombreuses candidatures ont la fâcheuse conséquence d’inciter des personnes auparavant peu connues à tenter d’attirer l’attention à tout prix et rapidement. On pense à court terme pour maintenir sa candidature à flot grâce au financement qu’un thème simple et percutant permet d’obtenir auprès de clientèles ciblées. Résultat : on recycle des enjeux qui datent du régime Harper ou même de l’ère réformiste, une recette éprouvée auprès de la base. Il est vrai que, dans la course à la direction, ce sont les membres qui votent, et pas l’ensemble de l’électorat. On compte au PCC sur l’appui solide d’environ 30 % des électeurs, mais ce sont les 10 % supplémentaires que le parti doit aller chercher à chaque élection qui font pencher la balance entre la défaite, la minorité ou la majorité.
Le problème, c’est qu’en pensant à court terme, et même à très court terme, les candidats réduisent leur propre marge de manoeuvre pour l’étape suivante, celle où il faudra s’adresser à l’ensemble des Canadiens.
Le nom de Steven Blaney, qui a imité l’approche identitaire de Kellie Leitch avec son thème « Assurer la pérennité de l’identité canadienne », nous vient tout de suite à l’esprit. En s’en prenant en plus au niqab dans la sphère publique, il rejoint sa collègue sur un terrain qui intéresse la base mais sur lequel le PCC a glissé en campagne l’an dernier. De son côté, le Saskatchewanais Brad Trost n’a pas digéré l’ouverture du PCC au mariage gai au congrès de mai. Il veut revenir là-dessus, tout comme sur le suicide assisté et l’avortement. De la même province, Andrew Scheer a une expérience de président de la Chambre qui fait de lui une version souriante et moins agressive de Trost, mais avec les mêmes enjeux en tête.
Même Maxime Bernier, qu’on ne peut certes pas associer aux conservateurs sociaux de l’Ouest, fait un appel du pied à cette frange du PCC. Prêt à permettre à un député de lancer un débat sur l’avortement à Ottawa au nom de la liberté, il s’offre en plus comme police d’assurance aux propriétaires d’armes à feu en attribuant aux libéraux l’intention de s’en prendre à eux.
Avec sa politique du laisser-faire et de repli de l’État, M. Bernier remet en circulation des propositions que n’auraient pas reniées son ancien patron ni les réformistes à l’époque. Stephen Harper avait adouci l’image de son parti en mettant tout ça de côté lors de l’unification de la droite. Le député de Beauce est ambitieux : deux taux d’imposition plutôt que cinq, privatisation de Postes Canada et des aéroports, propriété étrangère sans restriction des lignes aériennes et entreprises de télécommunication, abandon de la gestion de l’offre et libéralisation du commerce entre les provinces, avec la Chine et pour le sirop d’érable !
En tête avec 14 % des appuis, M. Bernier devançait Tony Clement, à 9 %, au début d’octobre. Clement s’est depuis désisté en voyant que la notoriété due à ses nombreux portefeuilles ministériels ne se traduisait pas en dollars ou en appuis. Le meneur, avec 49 % des appuis, était en fait un certain « quelqu’un d’autre » que les huit candidats suggérés. On peut voir ça de manière encourageante, comme certains l’ont fait : la course est très ouverte, plusieurs nouveaux visages se font connaître et prennent de l’expérience, etc. Avec une quinzaine de candidats inscrits, déclarés ou en réflexion, aucun doté d’une personnalité d’envergure, on peut rétorquer que la barre n’est pas très haute actuellement.
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