Ce texte a été soumis en commentaire sur l'éditorial de Richard Le Hir en sur-titre. Il est tellement instructif que Vigile a décidé d'en faire un article de Tribune Libre.
« Le meilleur moyen de résoudre l’opposition des deux groupes français et anglais, c’est de noyer la population française sous le flot continu d’une immigration organisée méthodiquement, contrôlée au départ, accueillie à l’arrivée, assurée d’une situation privilégiée dans la colonie. » Lord Durham, Rapport,1839
« Il est clair que l’immigration organisée par le gouvernement du Canada n’a pas été organisée dans le sens des intérêts du Canada français. » Pierre Laporte, Débats, Assemblée législative du Québec,1965
« Les immigrés sont certes un enrichissement ; ils ne sont cependant pas des substituts aux naissances. Au bout du compte, une société n’est plus seulement enrichie par les apports nouveaux ; elle est remplacée par un échantillon des sociétés de la terre. Et l’on ne peut deviner par quelles luttes certains groupes ethniques ou linguistiques domineront les autres. Il est peut-être plus sage de faire ses enfants soi-même. Mais il y faudra une contribution de la société beaucoup plus importante que par le passé. » Jacques Henripin, En matière d’immigration,1998
« Depuis 1990, le taux annuel d’immigration du Canada est le plus élevé au monde, menant à une hausse de la population de 3,9 millions de personnes entre 1990 et 2006. Cette immigration massive a eu des conséquences profondes sur les conditions économiques, démographiques, sociales et politiques du Canada, nuisant au bien-être des Canadiens en général, y compris les immigrants des vagues précédentes ». Herbert Grubel, économiste et senior fellow de l’Institut Fraser et co-auteur du livre intitulé “Canada’s Immigrant Selection Policies : Recent Record, Marginal Changes, and Needed Reforms“, 2013
Dans son texte de propagande en faveur de l’immigration de masse et du multiculturalisme “Canadian“, [http://ssjb.com/quelques-cliches-errones-sur-limmigration/] Jean Dorion ne cite aucune étude sérieuse pour appuyer ses opinions, sinon pour se citer lui-même ! Il aligne les clichés, les vœux pieux, les affirmations non fondées et les demie-vérités afin de mousser son idéologie mondialiste d’une immigration de masse, comme celle qui est en train de détruire l’Europe, et laquelle, à terme, détruira le Canada et sera le fossoyeur du Québec francophone.
Or, le plus grand démographe qu’ait connu le Québec, le professeur Jacques Henripin, fondateur du département de démographie de l’université de Montréal, décédé en 2013, a dénoncé à de nombreuses occasions le genre de croyance béate dans l’immigration de masse dont Dorion se fait le propagandiste. Déjà en 1990, Jacques Henripin dénonçait les documents bidon du ministère des Communautés culturelles et de l’Immigration du gouvernement Libéral d’alors pour justifier sa politique d’immigration massive. Le démographe fustigeait les « vœux pieux et les affirmations non fondées sur les bienfaits de l’immigration concernant le redressement démographique et la prospérité économique ». Cela ne semble guère avoir changé.
Dans ses nombreux mémoires sur la question, et dans ses propres mémoires contenues dans un livre intitulé « Pour une politique de population », publié en 2004, le professeur Henripin s’est publiquement opposé aux « dérobades des antinatalistes [menant] à préconiser le recours à l’immigration étrangère pour remplacer les berceaux vides ». Il précisait que l’« on ne se rend pas compte de l’ampleur que cette stratégie pourrait prendre d’ici 30 ans ». Et bien, la tragédie est arrivée en Europe et elle s’en vient aux grands pas ici. Ce n’est plus qu’une question de temps.
En 2011, il publiait un livre intitulé « Ma tribu, un portrait sans totem ni tabou » dans lequel il réfutait plusieurs des arguments bureaucratiques concernant les effets du vieillissement sur la main-d’œuvre. Il soulignait, en particulier, le caractère plutôt lent des effets du vieillissement de la population et affirmait qu’il était « peu probable que les entrepreneurs québécois soient brusquement saisis par une pénurie soudaine d’employés », surtout avec les hauts taux de chômage que nous connaissons et la situation de libre échange qui prévaut présentement. Henripin déplorait le caractère exagéré des arguments démographiques servant à justifier une forte immigration.
Le regretté Rosaire Morin résumait bien aussi le dilemme du Québec face l’immigration de masse : « Un peuple qui n’est pas maître de son destin doit limiter le recrutement d’immigrants à sa capacité d’intégration. C’est à cette condition que la diversité culturelle peut être enrichissante. Autrement, nos racines et notre identité sont en danger. »
Comme on le voit, cette vision de l’immigration de masse est à des lieues de l’approche béate de Jean Dorion, insensible à la situation particulière du Québec, colonie intérieure du Canada anglais.
Entre un Dorion propagandiste sans esprit scientifique et un scientiste de la trempe de Jacques Henripin ou un patriote comme Rosaire Morin, je choisis d’emblée Henripin et Morin.
Fait cocasse, Dorion ose s’affubler du titre de « patriote » Un autre terme serait peut-être plus approprié.
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8 commentaires
Archives de Vigile Répondre
3 avril 2016Je doute que les Canadiens-Anglais désirent tant cette immigration. Le phénomène est généralisé aux pays occidentaux.
C'est pourquoi Donald Trump est porté par un mouvement de masse réactionnaire. Et qu'il se fait haïr par l'establishment d'une communauté avec laquelle il a de nombreux liens d'affaires et aussi de parenté.
https://www.youtube.com/watch?v=XpnYpQaHAuc
Robert J. Lachance Répondre
2 avril 2016Pour compléter mon commentaire ici du 1er avril à 18h45, le tableau joint mis en graphique. C'est sans compter la migration interprovinciale et internationale.
Carole Jean Répondre
2 avril 2016J’aimerais completer la phrase suivante dans mon commentaire à M. Lachance:
« Pourrait-on avoir aujourd’hui un débat intelligent au Québec sur les questions de natalité et d’immigration, sans se faire lancer à la tête les accusations condescendantes d’intolérance, de xénophobie et de racisme ? Ce terrorisme intellectuel doit cesser. »
Carole Jean Répondre
2 avril 2016@ Robert J. Lachance
Merci pour votre commentaire et félicitations pour votre lien sur le site Web.
Mon petit texte, lequel se voulait un simple commentaire, visait à faire ressortir la pensée de deux personnages québécois importants du XXème siècle, soit le démographe Jacques Henripin (1926-2013) et le grand patriote qu’a été Rosaire Morin (1923-1999).
Le professeur Henripin, dans ses écrits, n’était pas opposé à toute immigration, mais il souhaitait que le gouvernement du Québec préconise une politique nataliste aggressive, avant de s’en remettre à une immigration de masse, pour maintenir ou accroître la population du Québec. Il était bien sûr bien conscient qu’il faut que les femmes, au cours de leur vie, aient en moyenne 2,1 enfants pour qu’une population se maintienne sans immigration.
Il était aussi respectueux de la liberté individuelle, comme il l’écrivait dans son livre ‘Pour une politique de population’, publié en 2004, « Disons clairement qu'il ne s'agit pas, comme certains loustics l'ont prétendu, de forcer quiconque à avoir des enfants non désirés. [Voir dans une politique nataliste] un accroc au respect de la liberté relève de la malhonnêteté. » Pourrait-on avoir aujourd’hui un débat intelligent au Québec sur les questions de natalité et d’immigration ?
Rosaire Morin, longtemps directeur de la revue ‘L’Action nationale’ a aussi beaucoup étudié l’évolution démographique du peuple francophone. Il fut très préoccupé par l’assimilation des Canadiens français du Québec et du reste du Canada, et par les dégâts causés par la politique fédérale d’immigration massive.
Voici ce qu’il écrivait dans son livre ‘L’Immigration au Canada’, publié en 1966 :
« En 1755, les Français représentaient une population de 56 000. En 1760, le Canada compte 60 000 Français et 10 000 Anglais,
En 1791, nous constituons 93 % de la population canadienne, mais quatre-vingts ans plus tard (1871), nous sommes devenus 31.07 pour cent. L’Île-du-Prince-Édouard qui, en 1871, comptait 32 833 Canadiens français sur une population de 94 000, n’en compte plus en 1961 que 17 418 sur 104 000. Nous avons été « noyés ».
Et il poursuivait :
« Les chiffres démontrent la progression de l’assimilation des Canadiens français. En 1921, 3.5 % des Canadiens français avaient adopté l’anglais comme langue maternelle. En 1961, la proportion s’élève à 9.2 %. 68,339 Canadiens français du Québec ne parlent plus le français et 34.3 % des Canadiens français établis en dehors du Québec ne parlent plus français…. »
Il faut que les Québécois qui prêchent pour une immigration massive à tous azimuts sachent que depuis le rapport impérial de Lord Durham de 1839, cela a été précisément la politique poursuivie par le gouvernement d’Ottawa pour noyer (“swamp”) la population française au Canada.
Robert J. Lachance Répondre
1 avril 2016Comme Jean Bouthillette, j’apprécie que ce texte mis en commentaire ailleurs ici ait été porté comme article à Tribune libre. Je peux ainsi en commenter le contenu plus longuement et « Éviter les réponses à un autre commentaire » plutôt qu'au texte.
Merci Mme Jean pour les citations et pour votre lien à l’article de Jean Dorion dans Le Patriote, pour Journal Le Patriote et non en affublement du titre de patriote, ce me semble. J’ai trouvé son article très instructif. Me reste à vérifier où s’y trouve de la propagande.
De Jacques Henripin, j’ai lu Naître ou ne pas être, 1989, Souvenirs et réflexions d’un ronchon, 1998. et Ma tribu, un portrait sans totem ni tabou, 2011. Jacques Henripin n’était pas qu’un scientiste mais aussi un polémiste haut en couleur, un compatriote à l’héritage et cheminement différent de celui de Jacques Parizeau, né à la même époque. Les deux ont complété des études avancées en Europe, c’est dire.
En 2006, 2 ans avant le 400e de la Ville de Québec, j’avais utilisé un de ses tableaux pour estimer quelle serait l’évolution de la population de la Vieille Capitale sans ajout ou soustraction migratoire selon divers indices synthétiques de fécondité.
En 2008, Québec comptait 535 mille personnes. L’indice de fécondité y était à 1,3. À ce niveau de dégénération, de décennie en décennie, sans migration, la population allait chuté à 136 mille en un siècle, graduellement, comme l’indique la colonne 1,3 du tableau joint. Il y avait lieu d’envisager pire, la première colonne montre qu’à un taux précédent de 1,2, la chute aurait atteint un creux de 109 mille.
L’indice synthétique de fécondité au Québec a repris du poil de la bête depuis 2006. Il plafonne depuis plusieurs années à 1,7. Selon le tableau, à 1,8, sans migration, Québec compterait 316 mille personnes à son 500e. À 1,7, Québec habiterait moins de 300 mille personnes cette année-là.
Pour un simple maintien de population, il faut qu’au cours de leur vie les femmes aient en moyenne 2,1 enfants. Dans l’état où se trouve actuellement la parentalité, sommes nous mûrs pour des communautés de régénération. À titre d’exemple utopique, Walden Two de B.F. Skinner. J’ai [résumé par chapitre->https://waldensuite.wordpress.com].
Carole Jean Répondre
30 mars 2016@ Chrystian Lauzon
Merci pour votre commentaire.
En effet, le Québec aurait besoin d’une réelle politique d’immigration, laquelle reflèterait à la fois sa capacité d’intégration et ses besoins ciblés de main-d’oeuvre.
Pour l’instant, devant l’improvisation évidente du gouvernement Couillard dans cette matière comme dans d’autres, je m’attendrais à ce que le chef de l'Opposition officielle, Pierre Karl Péladeau, propose que le gouvernement ramène le seuil d’immigration totale de 50 000 à 30 000.
Une telle position de sa part montrerait qu’il est conscient du caractère fragile de la primauté du français au Québec, et de sa position vulnérable en Amérique du nord, en plus de réparer partiellement sa bévue d’avoir insultée la chef du principal parti politique en France, Madame Marine Le Pen, lors de son voyage officiel récent au Québec.
Face à la politique d’immigration de masse du gouvernement fédéral, laquelle s’est intensifiée après la défaite référendaire de 1980, et cela en conformité avec le Rapport Durham de 1839, le gouvernement du Québec doit mettre de côté la bien-pensance béate et défendre les intérêts fondamentaux légitimes du Québec.
Chrystian Lauzon Répondre
30 mars 2016Mme Jean,
Votre article lourd de sens historico-démographique à portée néocolonialiste d’auto-infiltration m’a inspiré ce commentaire sur la refonte réelle d’un indépendantisme-Cause, non plus de carriérisme néolibéral réactionnaire infiltré, incrusté au point d’un multiculturalisme à prétention mensongèrement patriotique. La sortie post-événement Marine Le Pen de Jean Dorion est patente (à gosses desmaraisques) de monstration, de manipulation fédéraliste de masse, de la plus vulgaire évidente récupération de dommage collatéraux appréhendés par le Décideur-Prédateur d'en Haut. Preuve évidente aussi que la Société St-Jean-Baptiste contrevient pantoise, stérilisée et bras baissés, voire liés, à sa mission d’origine. En s’abaissant ainsi, cet organisme devient clownesque, qu’objet accessoire du cirque libéral pancanadian de service anglophilisant comme islomaphilisant.
Une réelle politique d’immigration émanant des exigences de la Cause, oblige à définir doctrine d’État et constitution du Québec. À qui DOIT, avec droits et statuts propres, profiter l’État du Québec? Si c’est au peuple et en priorité le peuple qu’il doit servir en tant que nation Québécois-Française, une politique d’immigration face à l’invasion massive servant l’assimilation génocidaire de l’Anglo-fédéralisme, doit présenter des mesures coercitives d’urgence nécessairement.
Penser l’immigration, c’est penser la langue, penser la langue, c’est penser la nation québécoise-française en mode de survie, d’extinction génocidaire en fait. L’immigration ainsi devient : remise en question dans ses fondements en vue de sa fonction présente et à venir.
La Cause, prise au sérieux d’une doctrine et d’une constitution du Québec explicités aurait conduit à exposer Nos réserves propres de la part du PQ comme de PKP en chef d’État authentique parlant à l’international aux côtés d’une Marine Le Pen alliée, non pas traitée en « ennemi », d’autant en vue de celle, naturelle alliance, d’une France présidée enfin pour vraie.
Fuir, révéla que sur ce dossier comme beaucoup d’autres, il demeure, ce PQ-PKP, dans l’errance à flotter en surface, même géostratégiquement.
Car avec et devant Marine Le Pen, du peuple en sa souveraineté ontologico-existentielle jusqu'à sa défense armée, tous les sujets d’un pays du Québec pouvaient se traiter sur le mode du « faire de fait » un pays, non pas du brouillon, du cafouillage, du grenouillage et scribouillage.
L'Événement créait du pré-électoralisme en puissance comme un pré-État-nation d'alliance de par le Monde. À la distinction hautement diplomatique, le sirupeux du terroir drabe fut subi d'un Commandeur de l'ombre.
S'allier pour vrai, le Vrai, n'est aucunement fusionner! PKP, le marié divorcé, n'était-il pas bien muni pour faire la différence avec un grand "D" de Délivrance, contre un gros Tas-ta, comme dans Trou du c..., de fédéralistes néo-libéraux?
Archives de Vigile Répondre
29 mars 2016Félicitations à l'équipe de Vigile d'avoir fait ressortir ce texte, fondamental, de madame Jean.