Depuis la cuisante défaite que son parti a subie lundi dernier dans Chauveau, François Legault ne cesse de répéter que la repolarisation de l’opinion publique autour de la question nationale l’empêche de faire passer son message. Même au moment de faire son bilan de la session parlementaire, vendredi, les cloches qui sonnaient dans le hall du parlement ont couvert sa voix jusqu’à la rendre presque inaudible.
Durant toute la semaine, le chef de la CAQ a eu l’air d’un boxeur qui n’arrive pas à retrouver ses esprits après avoir encaissé un fulgurant direct. Le cynisme dont il a fait preuve en déclarant qu’une hausse de la taxe scolaire de 33 % n’était pas importante aux yeux des électeurs de Chauveau et que les médias avaient toujours raison témoigne éloquemment de son désabusement.
Quand il a quitté le PQ, en 2009, M. Legault faisait le pari qu’il réussirait à modifier les termes traditionnels du débat politique au Québec, mais il s’est heurté à l’entêtement de l’histoire. Il n’est évidemment pas le premier à avoir succombé à l’illusion de la « troisième voie ». Pierre Marc Johnson l’a explorée avec l’« affirmation nationale ». Mario Dumont a fait de même avec l’« autonomie », dont la CAQ a en quelque sorte hérité en fusionnant avec l’ADQ. Chaque fois, le naturel de la politique québécoise a repris le dessus.
Dans ce contexte, la pertinence de la CAQ devient d’autant plus incertaine que le gouvernement Couillard pige allègrement dans son programme. Le premier ministre n’a pas pu s’empêcher de tourner le fer dans la plaie du chef caquiste, lançant malicieusement : « On défend la même cause, qu’il vienne donc se joindre à nous. »
Si M. Legault s’imagine pouvoir sortir de cet étau quand la poussière de la course à la chefferie au PQ et du retour de Gilles Duceppe sera retombée, il risque une cruelle déconvenue. Les bonnes performances de la CAQ aux élections partielles dans Lévis et Richelieu appartiennent à l’ère pré-Péladeau. L’élection de ce dernier à la tête du PQ garantit que la polarisation persistera au moins jusqu’aux élections de 2018 inclusivement.
Or cette conjoncture « favorise ceux qui ont les idées claires », comme l’a dit M. Couillard, et M. Legault ne se veut ni fédéraliste, ni souverainiste. De toute manière, Raymond Bachand pourrait témoigner du fait qu’un ancien péquiste sera toujours suspect. M. Legault a beau assurer qu’il sera toujours là « après 2018 », son avenir semble bien incertain.
Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, les libéraux ont arboré toute la semaine un sourire presque insolent. Malgré quelques soubresauts provoqués par la grève étudiante, le « printemps chaud » que d’aucuns prédisaient n’a pas eu lieu. L’austérité provoque des grincements, mais pas de révolte.
M. Legault n’a pas tort de dire qu’il suffit à M. Couillard de brandir l’épouvantail référendaire pour se dispenser de rendre compte du retard économique du Québec. Le problème est que l’économie ne se porte finalement pas si mal et que les choses semblent vouloir s’améliorer.
Certes, la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, s’est empêtrée à son tour dans le tchador, mais le gouvernement peut raisonnablement espérer que la population ne voudra pas se laisser entraîner dans une reprise du débat sur le port des signes religieux.
Bien des choses ont changé au Québec et dans le monde depuis l’époque, pourtant si proche, où la charte de la laïcité enflammait les esprits. À l’époque, l’État islamique n’était pas encore apparu sur les écrans radars de l’Occident. Des fanatiques islamistes n’assassinaient pas de soldats en sol canadien et peu de gens se souciaient d’Adil Charkaoui. Ces jours-ci, la population est nettement moins préoccupée par l’identité que par la sécurité.
Dans l’esprit de M. Couillard, le renvoi d’Yves Bolduc était un « ajustement » qui devait s’inscrire dans un remaniement ministériel plus large, mais il n’a pas pu attendre. Il serait maintenant malavisé de ternir l’ensemble du portrait en soulignant la mauvaise performance de certains. Mieux vaut attendre encore quelques semaines et faire du remaniement un élément de relance pour la session d’automne.
Pierre Karl Péladeau a agréablement surpris depuis son élection à la tête du PQ. Le ton demeure un peu vociférant par moments, parfois un peu monotone, mais l’impatience des débuts a fait place à une sérénité de bon aloi, y compris dans ses relations avec la presse.
Au sein du caucus des députés, même ceux qui n’appuyaient pas sa candidature louent aujourd’hui son amabilité et son écoute, en espérant que le changement sera permanent. En revanche, personne ne sait exactement ce qu’il entend faire, sinon un pays.
Le nouveau chef projette-t-il de modifier substantiellement son équipe ou croit-il plutôt que son arrivée constitue un changement suffisant ? Le PQ se cantonnera-t-il dans une critique traditionnelle du gouvernement ou cherchera-t-il à se projeter davantage vers l’avenir ? Et, bien entendu, quelles sont ses intentions en ce qui concerne le référendum ?
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