Le rapport Bouchard-Taylor est à la fois un appel à l'intégration dans la douceur et une explication des tensions qui ont récemment entouré l'immigration. Bien que ce rapport ne soit pas un manifeste idéologique, il nous indique la voie vers une meilleure société.
Si le rapport place une bonne partie du fardeau sur la majorité, c'est parce que l'intégration est difficile et parce que les pressions imposées sur les immigrants sont beaucoup plus draconiennes que celles que vivent les gens établis depuis longtemps. Les commissaires comprennent que le Québec n'est pas raciste et que les expressions de méfiance ont comme source la peur et non la haine.
Cela dit, quelques rappels à l'ordre sont devenus incontournables.
D'emblée, il fallait dissiper le mythe voulant que les immigrants soient des «invités» et qu'ils doivent s'adapter en conséquence. Sauf pour la triste histoire d'importation d'esclaves, la philosophie de l'immigration en Amérique était toujours de promouvoir l'égalité immédiate et totale.
Une hiérarchie basée sur l'ancienneté, qui favoriserait les autochtones et ensuite les francophones et les anglophones faisant des nouveaux arrivés des éternels derniers, n'existe pas.
Or, en l'absence de cette hiérarchie, on ne peut imposer un comportement typiquement «canadien» ou «québécois» aux immigrants. L'État influence l'intégration par la sélection des immigrants. À partir de leur arrivée, ils deviennent des citoyens comme les autres.
C'est pour souligner cette égalité que les commissaires nous suggèrent une nouvelle nomenclature qui élimine le «nous» et les «autres» de notre langage.
L'AVENIR DU FRANÇAIS
Beaucoup d'intervenants étaient préoccupés par l'avenir du français. Les commissaires admettent le sérieux de leurs craintes. Néanmoins, ils rappellent l'importance de l'apprentissage de l'anglais et du rôle positif que joue l'anglais au Québec.
Certes, la prédominance du français doit être assurée, mais l'unilinguisme farouche et opiniâtre n'a pas pour effet de stimuler la francisation des immigrants, mais plutôt de créer une population moins cultivée et épanouie.
Le débat sur les «accommodements» nécessite une nouvelle approche. Les commissaires soulignent que toutes les demandes d'accommodement n'ont pas été exaucées mais seulement celles qui étaient raisonnables.
Dans ces cas, l'ouverture et l'acceptation ont accéléré l'intégration et ne l'ont certainement pas inhibée. En effet, la présence des immigrants dans les institutions publiques favorise l'égalité économique et diminue la méfiance des deux côtés.
L'ESPRIT DU RAPPORT
Finalement, les commissaires critiquent certains irritants tels que la nonreconnaissance des diplômes de l'étranger et l'islamophobie grandissante depuis «9/11».
Si le rapport paraît dur envers la majorité, il ne laisse pas les minorités indemnes. Les commissaires favorisent l'intégration et ceci est toujours déchirant pour les immigrants forcés de transformer complètement leur univers.
Tout en reconnaissant aux minorités le droit de préserver leur culture, les commissaires s'opposent aux institutions séparées et à la ségrégation dans toutes ses formes. Il est triste de noter que dans les dernières semaines, des voix se sont levées en faveur des écoles publiques juives ou italiennes. Un tel projet est incompatible avec l'esprit du rapport.
Il est à espérer que les trois partis politiques trouveront la sagesse de n'écouter ni ceux qui voudront larguer le rapport au nom d'un nationalisme identitaire, ni ceux qui voudront s'en servir pour créer une société multiculturelle et fracturée.
Au contraire, les politiciens devraient conclure que ce rapport étoffé et modéré met fin à la controverse.
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