Vrai que nous n’en sommes qu’au début de la présente législature, mais le Parti québécois aura besoin de tout ce temps-là pour se rebâtir, ou disparaître...
Les péquistes ont-ils saisi l’ampleur de la rebuffade qu’ils ont subis le 1er octobre dernier?
Plusieurs tendances cohabitent au sein du Parti québécois. Historiquement, quand ce parti a réussi à gouverner fort de majorités parlementaires, c’est qu’il réussissait à ratisser assez large sous sa bannière.
En débordant un peu à droite, un peu à gauche. Des sommités en économie en son sein, mais aussi des authentiques militants de la sociale démocratie. N’oublions pas non plus que le bipartisme post Union nationale et pré ADQ-CAQ-QS a favorisé un système d’alternance politique dont le PQ a bénéficié.
Exit le bipartisme, exit l’esprit de convergence dont a profité le PQ; le mode de scrutin s’accommodant bien mal de la fin du bipartisme, chaque élection devient un référendum sur l’identité de celui qui sera choisi pour remplacer «n’importe qui sauf... ceux qui étaient là avant!»
«On veut du chingemin!»
En 2015, au fédéral, fallait donc chasser Harper! La valeur refuge? Justin Trudeau. Résultat? Le Parti libéral qui gouverne texto comme celui de Harper, multiculturalisme et facéties trudeauiennes en prime.
Selfie?
Revenons-en au Parti québécois. Pour ce que vaut un sondage à quatre ans des prochaines élections, n’en demeure pas moins que le dernier Mainstreet (cette firme sonde dans toutes les provinces en ce moment, lire l'excellent Philippe J. Fournier de QC125 là-dessus) place le PQ dans la marginalité politique.
À 9% en général.
Triste. Et il faut vivre dans le déni le plus complet pour continuer à affirmer –sans broncher – que le navire peut être redressé «à la régulière», en travaillant fort dans les coins, sur le programme, etc.
Bien que la dernière campagne électorale soit encore bien récente, certains constats s’imposent. Et tout refus d’analyser chaque piste ici se traduira par une fuite en avant pour le PQ; laquelle pourrait bien le mener, en 2022, à la concrète marginalité politique ou à la disparition.
Pierre Falardeau a déjà dit qu’une nation qui se meurt, elle meurt longtemps. L’histoire montre toutefois que la fin peut être abrupte pour un parti politique. Et voir le parti de René Lévesque vivoter trop longtemps n’inspire rien de bon.
J’insiste, il est impératif d’ouvrir chaque porte, même celles qui dérangent.
Au cours des derniers mois, j’ai eu la chance de discuter avec plusieurs personnes qui sont au Parti québécois. Après la partielle dans Roberval par exemple.
J’ai vu pas mal de gens au PQ, des militants de toujours, qui ont vu dans la seconde place du PQ dans cette partielle quelque chose comme une victoire morale.
Désolé de péter votre balloune, mais que le PQ fasse 17% à Roberval, même dans une partielle (comme on dit, le candidat a récolté juste assez de voix pour « faire son dépôt! ») c’est rien pour écrire à sa mère.
Petit rappel : entre 1994 et 2014, le PQ a gagné ce comté-là 5 fois sur 6 hormis le court hiatus de 2003 quand le libéral Karl Blackburn l’avait ravie au PQ. En 1994, Benoit Laprise avait gagné Roberval avec 60% des voix. En 2008 et en 2012, le PQ y avait fait 47% chaque fois. 2014 : 33% et 2018, 19%. Partielle : 17%. En 1995, dans Roberval, on a voté à 65% pour le oui.
Que le PQ fasse 17% dans Roberval, désolé, même si le candidat a travaillé fort dans les coins, même s’il a fini deuxième, même si c’était juste une partielle, même si avant, y’avait le PM dans le comté, bin y’a rien, mais rien de réjouissant là-dedans.
En fait, on pourrait se servir du comté de Roberval comme d’un baromètre afin de comprendre à quel point l’étoile du PQ a pâli. Pour comprendre la chute vertigineuse de ce parti. De sa « marque » notamment.
Des comtés comme Terrebonne où le PQ marquait plus de 60% en 1994 pour n’atteindre même plus 30% en 2018, il y en a plusieurs au Québec.
J’en ai discuté, de ça, avec quelques employés ou ex-employés du Parti québécois, pour avoir leur franche opinion là-dessus. Il fut un temps où la «machine électorale» du PQ, redoutable, assurait une base solide de comtés au parti. En 2018, plus rien ne tenait. Une poignée de circonscriptions, tout au plus.
Le PQ a-t-il fait son temps?
Et ici, deux visions s’affrontent et pourraient n’être pas réconciliables.
Il y a ceux pour qui la solution se trouve à l’intérieur du cadre politique qu’est le Parti québécois et il y a ceux qui sont prêts à explorer à l’extérieur du cadre.
Et cette sous-question, tel un éléphant dans la pièce : le PQ est-il réformable? Ce véhicule politique a-t-il fait son temps?
François Legault se fait revirer de bord par le PM canadien de manière cavalière. Les Québécois seront vite placés devant les limites du «Québec fort dans un Canada uni».
Le Québec n’a jamais été aussi négligé (voire méprisé) dans ce pays. Le Canada est loin d’être un pays uni.
Il se pourrait bien qu’au cours des prochains mois, la conjoncture politique change au Québec; que la population se tanne des rebuffades répétées du fédéral, des flèches méprisantes décochées envers le Québec par des politiciens canadiens.
Pour l’heure, bien des «nationalistes» québécois se sont réfugiés à la CAQ (et ça aussi le Mainstreet le montre) mais cette lune de miel là pourrait avoir des limites. Mais de penser que si la CAQ se plante, cela se traduira instantanément par un plein d’appui au PQ actuel est un pari très risqué.
Le PQ doit d’abord se redéfinir, voire, se refonder. Il doit aussi mettre fin à toutes les ambiguïtés qui le minent présentement. Son flirt à gauche s’est révélé désastreux. Tout comme sa tendance à souffler le chaud et le froid en matière de laïcité.
Défendre une «clause grand-père»? Sérieusement?
À tenter de courtiser tout un chacun par des «mesurettes» bien ciblées, le Parti québécois s’est dénaturé complètement. Il a ouvert les portes à sa propre désaffection politique.
Refondation
Il y a déjà au PQ et en dehors des militants indépendantistes qui réfléchissent à cette option. Refonder le parti sans s’attacher nécessairement au nom. Tout mettre dans la balance et voir ce qui en ressortira.
Ne plus s’attacher nécessairement à cette étiquette et faire cheminer cette idée qu’il existe une place dans l’échiquier politique pour la refondation d’un parti résolument indépendantiste post-PQ. Et l’idée est loin de déplaire à bien des militants que j’ai questionnés là-dessus.
Certes, il y aura de la résistance, certains militants sont très attachés à leur véhicule politique. Toutefois, cette locomotive jadis puissante ne tire presque plus. Faudra bien l’admettre.