Jocelyne Richer - Le ministre de la Famille, Tony Tomassi, a refusé mercredi de dire si sa compagnie, Genco, a obtenu des contrats de son ministère pour construire ou rénover des garderies subventionnées.
Sur le gril pendant plus d'une heure, lors de l'étude des crédits de son ministère, le ministre Tomassi a dit qu'il n'avait pas cette information.
Sans relâche, à maintes reprises, le député péquiste de Gouin, Nicolas Girard, est revenu à la charge pour lui poser mot pour mot la même question: «Est-ce que le Groupe Genco ou une entreprise apparentée qui appartient à la famille du ministre a réalisé des travaux de construction ou de rénovation de garderies?»
Malgré l'insistance des questions de l'opposition, M. Tomassi est resté de marbre.
«Le ministère ne collige pas cette information parce qu'elle est d'intérêt privé», a-t-il dit et répété aussi souvent que nécessaire.
Il n'a jamais soutenu que Genco n'était pas lié au secteur des garderies.
De son côté, le député Girard n'a jamais affirmé que c'était le cas non plus.
Quand il est devenu membre du conseil des ministres, M. Tomassi a dû constituer une fiducie sans droit de regard, pour prendre ses distances de l'entreprise familiale.
Le registre des entreprises indique que la famille Tomassi possède trois entreprises: le Groupe Genco, dirigé par son père, Donato; Genco Construction, présidé par son frère Dino; et le Groupe Immobiliare-Genco, dont le principal actionnaire est Tony, le président, Donato, et le vice-président, Dino.
Le vent de scandale potentiel qui soufflait dans la salle où on examinait les crédits du ministère de la Famille, mercredi, a visiblement fortement contrarié les députés libéraux qui entouraient le ministre Tomassi et n'ont pas tardé à venir à sa rescousse.
Le whip en chef du gouvernement, Pierre Moreau, a exhorté le député de Gouin à cesser de «lancer de la bouette».
Il s'est aussi interrogé sur la pertinence des questions, dans le contexte de l'étude des crédits du ministère.
De passage en Outaouais, le premier ministre Jean Charest a quant à lui renouvelé sa confiance au ministre Tomassi.
Durant l'étude des crédits, le député Girard a aussi demandé au ministre s'il était vrai que sa directrice de cabinet, l'ex-députée Sarah Perreault, avait procédé personnellement à la sélection finale des places, lors de l'appel d'offres de 2008.
Il n'a pas obtenu de réponse.
Les questions soulevées par le député péquiste surviennent quelques jours après l'annonce, par le ministre, d'une série de correctifs à l'encadrement des services de garde, une opération visant justement à mettre un terme à toute une série d'allégations de favoritisme.
Mais la controverse, au lieu de cesser, n'a fait que s'amplifier.
Mercredi matin, M. Tomassi a dû tenter de se défendre, une fois de plus, en Chambre, à la suite de nouvelles allégations de copinage impliquant un entrepreneur en construction, qui est un de ses amis et contributeur au Parti libéral du Québec (PLQ), Joe Borsellino, propriétaire de Garnier Construction.
Le contrat visait une garderie dirigée par Josephine et Loredana Primiani, qui siégeaient en 2006 à l'exécutif de l'association libérale de Lafontaine, la circonscription du ministre Tomassi.
Comme si cela ne suffisait pas, le vérificateur général, Renaud Lachance, a mis son grain de sel, pour dire qu'il allait effectuer des vérifications préliminaires pour voir s'il fallait fouiller davantage dans les façons de faire du ministère.
En conférence de presse sur un autre sujet, M. Lachance a dit qu'il avait expédié une lettre au ministre Tomassi au cours des dernières semaines, pour le prévenir qu'il avait l'intention d'aller voir ce qui se passait dans la gestion des services de garde.
«La première raison, c'est que c'est un ministère au budget important, plus de deux milliards $, et ça fait plus de 10 ans qu'on n'a pas conduit de vérification dans leur ministère», a-t-il dit.
M. Lachance a dit que son intervention n'était pas reliée à la série d'allégations des derniers mois.
Quoi qu'il en soit, depuis des mois, l'opposition péquiste réclame une enquête en bonne et due forme du vérificateur général sur de possibles liens entre l'attribution de places et le financement du PLQ.
De plus, aux demandes répétées de démission de l'opposition péquiste s'est ajoutée la veille celle de l'Association des garderies privées (AGPQ).
«On a politisé le réseau», a dénoncé mercredi le président de l'AGPQ, Sylvain Lévesque, en jugeant que le ministre avait perdu toute crédibilité.
Sans aller aussi loin, l'autre grand regroupement de services de garde, l'Association québécoise des Centres de la petite enfance (AQCPE) constate que quelque chose «ne tourne pas correctement» entre le ministre et le miilieu.
En entretien téléphonique, mercredi, le directeur général de l'association, Jean Robitaille, s'est réjoui de voir le vérificateur général mettre son nez dans les relations entre le ministère et le réseau des services de garde.
Selon lui, il faudrait faire toute la lumière sur le financement des garderies à but lucratif, parfois dirigées par des gens plus intéressés par le profit que le bien-être des enfants.
Lundi dernier, cédant aux pressions, le ministre annonçait qu'à l'avenir il ne se mêlerait plus du choix des promoteurs, au moment d'attribuer de nouvelles places, afin de dépolitiser le dossier.
Le choix sera fait en régions, par des comités.
Il a de plus resserré les règles de revente de permis de garderies privées, pour éviter la surenchère.
Tomassi refuse de dire si sa compagnie a construit des garderies
«Le ministère ne collige pas cette information parce qu'elle est d'intérêt privé», a-t-il dit et répété aussi souvent que nécessaire.
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