Robert Dutrisac - Québec — Des garderies privées, dont les propriétaires ont contribué à la caisse du Parti libéral du Québec, ont obtenu le feu vert du gouvernement Charest pour ouvrir de nouvelles places à 7 $ bien qu'elles aient fait l'objet de plaintes sérieuses de la part de parents et d'inspecteurs du ministère.
C'est le cas de la garderie Académie des petits amis-es, de Montréal-Nord, au sujet de laquelle le bureau des plaintes du ministère exprimait une «réserve», selon un document interne du ministère de la Famille dont le député de Gouin et porte-parole de l'opposition officielle en matière de famille, Nicolas Girard, a fait état hier lors de la période de questions à l'Assemblée nationale. Son promoteur, Henry Alix Joseph, a donné 1750 $ au PLQ en 2008.
C'est aussi le cas de la garderie Centre éducatif Grandir ensemble, de Mont-Royal, envers laquelle le bureau des plaintes du ministère se montrait encore plus sévère, signalant une «réserve importante». Son vice-président, Nikos Leoutsarakos, a versé un total de 3240 $ en 2007 et 2008 au PLQ.
Au surplus, les projets de ces deux garderies avaient reçu une mauvaise note de la part des fonctionnaires du ministère chargés de la sélection, soit un D, selon le document interne daté de juillet 2008. Ce document résume les fiches d'évaluation de tous les projets des Centres de la petite enfance (CPE) et des garderies privées qui souhaitaient se partager les 18 000 nouvelles places à 7 $ offertes de 2008-09 à 2010-11. À l'issue du processus de sélection, qui a duré un peu moins de quatre mois, la ministre de la Famille de l'époque, Michelle Courchesne, annonçait en août 2008 l'attribution des places à quelque 300 projets.
Pour une deuxième journée d'affilée, le Parti québécois a tenté de démontrer que certains propriétaires de garderies privées à but lucratif avaient obtenu un permis pour ouvrir de nouvelles places parce qu'ils étaient des donateurs du PLQ. Or, hier, c'est Michelle Courchesne, qui est montée au front pour défendre l'intégrité du processus de sélection dont elle a été la responsable, éclipsant presque l'actuel ministre de la Famille, Tony Tomassi.
À l'Assemblée nationale, Tony Tomassi s'est toutefois engagé à soumettre aux deux associations les évaluations qu'a faites le ministère des quelque 2000 projets présentés afin que ces associations «puissent rendre publique la façon de fonctionner». Selon nos informations, les représentants des associations ne pourront consulter les dossiers qu'au ministère; elles n'obtiendront pas de copies des évaluations.
«Je n'en ai rien à foutre» du livre des donateurs du Parti libéral, s'est exclamée Michelle Courchesne lors d'un point de presse après la période de questions. «Vous me connaissez assez pour savoir que, quand on travaille des dossiers, c'est l'intérêt public qui compte.»
Les donateurs n'ont pas obtenu de faveurs de la part de son ministère. «Comme ministre, je ne tolère pas ça», a-t-elle affirmé. Il serait «absurde» de penser que seules les entreprises qui contribuent au parti au pouvoir peuvent obtenir un soutien de l'État, d'autant plus que «la majorité des entreprises privées soutiennent tous les partis politiques», a-t-elle fait valoir, oubliant un instant que seuls les individus peuvent faire des dons aux partis politiques en vertu de la Loi sur le financement des partis politiques.
La ministre a soutenu que le processus de sélection a fait l'objet d'un consensus de la part de l'Association des CPE du Québec et de l'Association des garderies du Québec. Elle a ajouté que les fonctionnaires de son ministère ont eu à appliquer une grille d'analyse qui tenait compte avant tout des besoins de chacune des régions, puis des places pour les poupons, de la priorité accordée aux milieux défavorisés, des clientèles issues de l'immigration. Les services de garde dans les milieux de travail ou d'études et ceux qui offraient des horaires atypiques étaient aussi favorisés.
Si des projets qui ont reçu un D ont pu recevoir l'aval de la ministre, c'est que dans certaines régions, là où les besoins sont les plus criants, il fallait se montrer moins exigeant. «Il y a des régions où il n'y avait que des cotes D», a signalé Michelle Courchesne. Une note D ne veut pas dire que les services des garderies sont de moins bonne qualité: ce peut être pour des raisons touchant l'avancement du projet, par exemple, a-t-on souligné.
Quant aux garderies privées qui ont obtenu de nouvelles places même si elles faisaient l'objet de plaintes sérieuses, Michelle Courchesne a expliqué au Devoir que ces garderies ont dû s'engager par écrit à apporter des correctifs ou même à corriger la situation avant d'obtenir leur permis. Dans certains cas, un fonctionnaire se rendait sur place pour s'assurer de la conformité des garderies.
Rappelons que Nicolas Girard révélait mardi que dans la région des Laurentides, six garderies privées au sein des desquelles des donateurs libéraux sont présidents, vice-présidents ou administrateurs, ont pu obtenir 319 des 464 places à 7 $ accordées par le ministère, soit une proportion de 70 %. Dans la région de Lanaudière, ce pourcentage est de 40 %, et dans la région de Montréal il est de 30 %.
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