Un témoignage personnel sur le débat qui fait rage, ici et dans tout le Canada, sur la nécessité de nouer une forme de dialogue avec le Hezbollah.
Quand, au début des années 80, j'ai interviewé le premier ministre d'Israël, Yithzaq Shamir, pour le réseau TVA, j'ai souligné la qualité de son français et rappelé aux téléspectateurs que, condamné à mort par la Grande-Bretagne, M. Shamir s'était réfugié en France. Il avait été successivement membre de l'Irgun puis du groupe Stern, deux organisations jugées terroristes dans les années 40, avant de présider des négociations de paix avec l'Égypte d'Anwar Sadat puis de diriger le gouvernement d'Israël.
L'ennemi d'Israël était alors une autre organisation terroriste, l'Organisation de libération de la Palestine, branche armée du Fatah, un parti politique «respectable». Yasser Arafat contrôlait l'un et l'autre. Je demandai donc à Yithzaq Shamir : « De même que vous, ancien «terroriste», dirigez maintenant un gouvernement reconnu et êtes reçu à Ottawa avec tous les honneurs dus à votre rang, ne pensez-vous pas qu'un jour Yasser Arafat sera lui aussi reçu avec tous les honneurs à la Maison blanche ? »
Bien sûr M. Shamir rejeta cette hypothèse. L'irgun israélienne, rappelait-il, se battait contre des soldats britanniques. L'OLP pose des bombes dans des autobus scolaires.
Le 13 septembre 1993, Arafat foulait le tapis rouge de la Maison blanche - alors occupée par Bill Clinton - et serrait la main du successeur de Shamir, Yitzhaq Rabin.
J'ai connu, à Ottawa encore, le long débat qui a précédé la reconnaissance de l'OLP par le gouvernement du Canada. Je fréquentais alors le représentant de l'OLP, Abdullah Abdullah qui est devenu membre du Parlement palestinien, de même que le consul d'Israël à Ottawa, Uri Savir, qui lui est devenu l'un des deux principaux négociateurs des Accords d'Oslo sous le gouvernement de Shimon Perez.
À l'époque, les fonctionnaires canadiens n'avaient pas le droit d'avoir des contacts avec le représentant de l'OLP. En fait, j'ai souvent assisté à des rencontres «fortuites» de diplomates canadiens avec Abdullah, à l'occasion de réceptions organisées par l'un ou l'autre des ambassadeurs de la Ligue arabe. Mais la ligne officielle était qu'il ne fallait pas, même indirectement, reconnaître l'existence de l'OLP, organisation terroriste.
Puis Joe Clark, ministre des Affaires étrangères, autorisa les contacts entre fonctionnaires canadiens et représentants de l'OLP. L'ambassade du Canada à Tel Aviv commença à créer de petits programmes d'assistance aux Palestiniens dans les territoires occupés. Puis L'OLP fut officiellement reconnue et Jean Chrétien rendit même visite à Yasser Arafat, le 10 avril 2000.
Tout cela pour vous dire qu'il ne faut jamais jurer de rien. Et les trois députés qui, après une visite des villages ravagés du Liban, ont déclaré sous le coup de l'émotion qu'il faudrait à tout le moins dialoguer avec le Hezbollah, ont tout à fait raison.
Au risque de me faire deux fois plus d'ennemis, les Libanais et les Israéliens, je crois profondément qu'un jour, le chef du Hezbollah, au pouvoir à Beyrouth, recevra la visite officielle d'un premier ministre du Canada...
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