Adoptée récemment, la résolution no 1701 n'envisage pas de solution au dilemme que pose la milice armée du Hezbollah. En fait, on laisse au gouvernement libanais toute latitude en cette matière en feignant d'ignorer que le dénouement de cette question se trouve à Téhéran.
Dans une de ses éditions parues la semaine dernière, le quotidien The Christian Science Monitor rapporte un fait troublant qui met en relief la mince marge de manoeuvre dont dispose le gouvernement libanais. De quoi s'agit-il ? Au début de la présente année, les autorités ont modifié la qualité légale, si on peut dire, du Hezbollah en gommant le label «milice» pour le remplacer par «mouvement de résistance». D'un trait de plume, le cabinet mettait ainsi entre parenthèses l'obligation qui lui était faite de désarmer le Hezbollah. Et ce, non pas par lâcheté, mais bien parce que ce gouvernement n'a pas les moyens d'affronter sur ce terrain les véritables patrons du Hezbollah : les Iraniens.
Pour bien saisir la nature de ce mouvement chiite et la stature qu'il a prise, il faut remonter à l'ayatollah Khomeiny. Dans une étude riche en enseignements que deux politologues libanais, Michel Hajji Georgiou et Michel Touma, de l'Université Saint-Joseph, ont consacrée au Hezbollah, on apprend que «la reconnaissance de l'autorité politique et religieuse absolue et supranationale du Guide suprême, le wali el fakih (actuellement Khameini et avant lui Khomeiny), représente l'une des principales caractéristiques, sinon la principale de la doctrine du Hezbollah».
Or cette notion de guide suprême ainsi que la définition des fonctions qui s'y rattachent ont été conçues, fixées et imposées par Khomeiny. Dans son livre L'Orientation de la révolution islamique, il va jusqu'à soutenir que les pouvoirs du guide doivent être équivalents à ceux de Mahomet, seul prophète à avoir été chef d'État et chef de guerre. Soit dit en passant, il est intéressant de noter que l'ayatollah al-Sistani, chef des chiites irakiens, s'est toujours opposé à la fusion du religieux et de la politique réalisée par Khomeiny. Fidèle à la tradition quiétiste qui a distingué le chiisme pendant des siècles, Sistani a fréquemment maille à partir avec Téhéran, qui lui préfère le jeune Moqtada al-Sadr en raison justement de la polémique que le premier a poursuivie sur ce sujet avec l'actuel guide suprême, Khameini.
Toujours est-il que, partisane des principes articulés par Khomeiny depuis sa création, l'actuelle direction du Hezbollah entretient, il va sans dire, des liens très étroits avec les théocrates iraniens. Ce sont ces derniers qui fournissent les armes, entraînent et financent une organisation qu'ils considèrent dans les faits comme un instrument au seul service de leur ambition première, soit que l'Iran devienne (et soit considéré comme) la superpuissance régionale.
On en doute ? Dans leur étude, les deux universitaires libanais soulignent qu'en «tout état de cause, les écrits du Hezbollah, notamment l'ouvrage de cheikh Kassem [le numéro deux du groupe], précisent sans aucune équivoque possible que les grandes décisions politiques, notamment les options de guerre ou de paix, sont du seul ressort du wali el fakih», ou guide suprême. C'est d'ailleurs à se demander si ce dernier n'est pas un adepte du Livre des ruses, écrit par un stratège arabe il y a des siècles et dans lequel il est stipulé qu'un général gagne une guerre s'il évite le champ de bataille.
Cela précisé, il est évident, du moins pour l'instant, que les membres du Conseil de sécurité se sont défaussés de leur responsabilité, soit épauler le gouvernement libanais afin qu'il hérite de l'intégralité des pouvoirs généralement dévolus. Compte tenu de l'évolution du dossier au cours des derniers jours, on comprend pourquoi le Hezbollah ne cesse pas de clamer victoire.
À ce propos, la position de la France est particulièrement décevante. Après avoir joué la carte de la diplomatie avec un empressement aussi justifié que fébrile, après avoir milité pour la confection d'un contingent robuste, pour reprendre le mot du président Chirac, voilà que ce pays fait le service minimum. Envoyer 200 soldats alors qu'il en faudrait au moins dix fois plus, c'est se moquer du monde, et des Libanais en particulier.
À moins que l'Élysée, très actif dans les négociations ayant trait au nucléaire iranien, ne se soit rendu compte que l'issue au problème que pose un Hezbollah solidement armé passe par une discussion directe avec Téhéran. Problème ? De cela, l'administration Bush ne veut rien entendre. Bref, la situation est totalement bloquée.
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