Tarification - Un peu de cohérence!

Budget Québec 2010

Après les péages et les tarifs d'électricité, voilà qu'un document de consultation du ministère de l'Environnement propose d'augmenter sensiblement la taxe sur les carburants pour combattre le réchauffement climatique. Aussitôt renié par le premier ministre Charest, le document jette un peu plus de brouillard sur les projets du gouvernement Charest en matière d'augmentation des taxes et tarifs. Quelle idée de lancer autant de ballons politiques sans vue d'ensemble?
Le Québec est entré dans une période difficile marquée par l'augmentation rapide du chômage et par le retour aux déficits budgétaires. Cela ne justifie pas que l'on apeure tout le monde en brandissant le spectre d'une catastrophe appréhendée dans les prochaines semaines! La dette augmentera, c'est certain, comme elle a toujours augmenté depuis 40 ans, et il faut ralentir le rythme dans un contexte de vieillissement de la population en limitant ces augmentations à la partie investissements durables. Cela dit, ce qui dérange, ce n'est pas la dette elle-même, mais les intérêts qui viennent gruger les revenus.
Or, à ce propos, il faut savoir qu'à cause des taux peu élevés, le montant annuel des intérêts payés est stable à un peu plus de 6,5 milliards depuis quelques années malgré l'augmentation de la dette. En pourcentage des recettes budgétaires, le service de la dette a même diminué de façon très importante puisqu'il est passé de 17 % à 10 % depuis 10 ans, et qu'il restera le même pour les deux prochaines années au moins malgré l'augmentation de la dette.
Cette fort bonne nouvelle ne nous soustrait pas à l'obligation de préparer l'avenir puisque les taux d'intérêt remonteront un jour ou l'autre, une fois la croissance revenue. En conséquence, tout le monde convient qu'il faut trouver de nouvelles sources de revenus puisqu'il est presque impossible de réduire les dépenses sans porter atteinte à la qualité des services publics.
La semaine dernière, l'opposition officielle a voulu, sans succès, faire adopter une motion qui aurait forcé le gouvernement à obtenir d'Ottawa qu'il rembourse 8 milliards de comptes en souffrance avant de hausser les taxes et les tarifs. En effet, si le gouvernement Charest faisait preuve d'un peu plus d'acharnement, le Québec récupérerait d'importantes sommes dues, telle la compensation pour l'harmonisation de la TPS et de la TVQ qui vient de rapporter 4,3 milliards à l'Ontario. Que cache cette absence de détermination de M. Charest envers Ottawa?
Cela dit, il faudra bien davantage. C'est pour cette raison que le refus de hausser la TVQ dès janvier prochain surprend. Le ministre des Finances, Raymond Bachand, explique que l'on ne veut pas nuire à la reprise. Voyons! D'abord, une très grande partie des biens taxables consommés au Québec ne sont pas produits ici et, de toute façon, s'il est une hausse qui risque de nuire à l'économie, c'est celle des tarifs d'électricité dont on nous menace depuis une semaine, et non celle de la TVQ. En passant, personne n'a voulu préciser qui serait frappé par une telle hausse des tarifs d'électricité: tous de façon égale, y compris la grande industrie de qui on s'attend à une augmentation de la demande de 30 % d'ici 2017, ou seulement le secteur résidentiel qui ne consomme pourtant que 38 % de la production?
Jeudi dernier, c'était au tour de la ministre de l'Environnement, Line Beauchamp, de présenter un document dans lequel on propose un plan de réduction des gaz à effet de serre qui aurait pour conséquence d'augmenter de 3 ¢ à 12 ¢ les taxes sur l'essence. L'idée a aussitôt été rejetée par le premier ministre, mais ce plan sera bientôt soumis à la consultation publique. Et on n'a rien dit des péages routiers, une autre très bonne idée, mais... mais où est le plan? Comment concilier ce soudain engouement pour les taxes à saveur écolo-équitable sur papier au moment même où l'on est en train de dépenser des milliards empruntés pour construire de nouveaux tronçons d'autoroutes, et d'autres milliards pour satisfaire les exigences monstrueuses des multinationales les plus énergivores de la planète?
À suivre le gouvernement Charest depuis quelques jours, on a l'impression de revivre ses premiers mois de pouvoir, en 2003. Comme si le premier ministre était retourné vivre dans une bulle, inconscient des soubresauts qu'il est en train de créer. Au lieu de présenter un ambitieux programme collectif alliant la protection de l'environnement et des programmes sociaux à une vision cohérente de retour à l'équilibre budgétaire, nous voilà devant une ribambelle de propositions-manifestes issues de groupes de réflexion «lucides» financés par les milieux d'affaires dont les objectifs véritables ne sont pas toujours avoués. À moins d'un sérieux coup de barre, le réveil pourrait être brutal pour le premier ministre.
j-rsansfacon@ledevoir.ca


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