Scandales - Les vrais patrons

L'affaire du Port de Montréal



La magouille qui fait jaser revient cette semaine au dossier du Port de Montréal, pour une histoire qui remonte à 2007 mais pour laquelle de nouveaux éléments témoignent d'une inacceptable ingérence politique. L'enjeu derrière ces pressions? La transformation de terrains du port en vastes projets immobiliers. Tiens donc, encore l'industrie de la construction au cœur de la controverse...
On y revient toujours, inlassablement: ce monde de la construction où quelques joueurs, qui entachent la réputation de tous les autres, fricotent avec des acteurs politiques, entachant la réputation de l'ensemble des élus et de leur entourage. Que les médias se taisent!, disent certains, qui ripostent à coups de mises en demeure ou qui font savoir leur exaspération, prétendant que tout le monde est mis dans le même sac.
Ce qui est faux: depuis des mois, des années même, ce ne sont que quelques noms qui reviennent. Nous n'en dresserons pas ici la liste — trop d'avocats seraient ainsi ravis de nous donner des nouvelles de leurs clients! —, mais à chaque histoire qui sort, il suffit de remonter à la genèse, à travers les revues de presse, pour qu'on se bute toujours au même cercle de gens.
Les moins connus ne sont pas les moins influents, tout comme la fonction occupée n'est pas synonyme de son importance réelle. On l'a bien entendu cette semaine, dans l'un des enregistrements de 2007 mis en ligne sur YouTube concernant la nomination à venir à la direction du Port de Montréal, et sur lequel le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, a attiré l'attention: on y apprend que Lawrence Cannon, alors ministre fédéral des Transports, n'était qu'un poids plume par rapport au «vrai patron du Québec», Dimitri Soudas, porte-parole du premier ministre Stephen Harper.
Qui sont-ils, ces «vrais patrons» de l'ombre — à Québec, à Montréal, à Laval et dans d'autres municipalités? Dans les firmes de génie, de construction ou chez les promoteurs immobiliers? Tout ce qu'ils font est-il éthique? Légal? On soupçonne que les policiers ont leurs soupçons, mais leurs enquêtes ne débouchent pas.
Pendant ce temps, des bandes de conversations compromettantes circulent, sont rendues publiques. Les médias, soumis aux pressions judiciaires, ne peuvent qu'explorer prudemment chaque histoire, l'une après l'autre, s'empêchant de tisser des liens alors qu'ils les voient fort bien. De toute manière, leurs reportages sont inévitablement suivis de fortes dénégations des principaux concernés, qui savent aussi utiliser toute la richesse de la langue pour se dépêtrer dans leurs contradictions.
Un exemple, un seul: en 2008, M. Soudas niait sous serment, en comité parlementaire, avoir rencontré les membres du conseil d'administration du Port de Montréal pour pousser la candidature de Robert Abdallah (ce que la loi interdit). On a appris cette semaine qu'il les avait bel et bien convoqués à ce sujet dans un restaurant montréalais. Réponse de M. Soudas: il n'a pas menti en 2008 puisque, lors de cette rencontre, il n'a pas parlé que de la candidature de M. Abdallah! Un vrai poème! Ou l'apprentissage, pour nous du public, de la lecture à la soviétique du temps du communisme: toujours décortiquer chaque mot, chaque virgule, pour en décoder le véritable sens.
Que faire? On le sait. Michaël Ignatieff et Gilles Duceppe ont réclamé le renvoi de M. Soudas. Ils n'ont pas tort, mais le sort de Dimitri Soudas ne changera rien à la mécanique qui semble en place. C'est celle-ci qu'il faut décortiquer. Jack Layton parlait, lui, d'une enquête. Ajoutons: publique. Commandée par Québec. Toujours la même: celle que refuse sans rime ni raison le gouvernement Charest.


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