Les investisseurs qui ne sont que brièvement de passage dans l’actionnariat d’une entreprise ne devraient peut-être pas bénéficier d’un droit de vote aux assemblées, a évoqué hier le président de la Caisse de dépôt et placement du Québec.
« Je vais dire quelque chose de controversé. Personnellement, je ne suis pas convaincu qu’un investisseur touriste qui passe deux mois ou deux trimestres mérite d’avoir le droit de vote sur l’avenir de la compagnie », a dit Michael Sabia lors d’un panel à la Conférence de Montréal. « Je pense que les investisseurs à long terme, qui sont des citoyens des entreprises, eux, ils méritent de pouvoir s’exprimer. Je ne pense pas que le capital migratoire devrait pouvoir le faire. »
« Il y a des enjeux associés à ça, je suis d’accord. Mais je crois que c’est un débat qui doit se faire », a ajouté M. Sabia, qui dirige la Caisse depuis 2009. L’établissement gère un actif net de plus de 200 milliards pour une trentaine de déposants comprenant la Régie des rentes, les employés du secteur public, la SAAQ et la CSST.
M. Sabia a fait cette réflexion dans le cadre d’un panel réunissant aussi la chef de la direction d’Allianz Global Investors, Elizabeth Corley, et le directeur général de Silver Lake Partners, Glenn Hutchins. La discussion sur scène a porté sur le rôle des investisseurs à long terme et la gestion du risque, sur un avenir fait de rendements plus faibles et sur les missions des grands gestionnaires. À ce sujet, M. Hutchins a dit qu’un investisseur qui veut à la fois obtenir des rendements et le faire en voulant s’acquitter d’une mission sociale sera incapable de faire les deux très bien.
Position connue
Les propos du président de la Caisse rappellent une position prise il y a quelques années par l’Institut sur la gouvernance des organisations publiques et privées (IGOPP), dirigé par Yvan Allaire, professeur à HEC Montréal, et un ancien numéro deux de la Caisse de dépôt, Michel Nadeau.
En gros, l’IGOPP propose une période de détention minimale avant qu’un actionnaire puisse pouvoir commencer à s’exprimer, par exemple un an.
« La période moyenne de détention des actions est maintenant estimée à environ sept mois et demi », a écrit en 2008 M. Allaire avec un collègue de HEC Montréal, Stéphane Rousseau. « Les activités de ces investisseurs « transitoires » soulèvent deux préoccupations. D’abord, par leurs pressions, ils poussent les gestionnaires à prendre des décisions dans une optique à court terme. Ensuite, ces investisseurs peuvent influer sur les prises de contrôle dans la perspective de créer une valeur à court terme pour leur seul profit et à n’importe quel prix. »
Cet enjeu de la détention et du droit de vote survient notamment dans les cas où un conseil d’administration reçoit une offre d’achat hostile de la part d’un prédateur et qu’il la soumet aux actionnaires, dont un certain pourcentage n’ont peut-être pas la même préoccupation à long terme par rapport au rendement immédiat de l’entreprise dans laquelle ils ont investi.
Invité à avancer sur le terrain des salaires, M. Sabia a dit que les régimes de rémunération de performance à la Caisse s’articulent autour de moyennes mobiles de quatre ans. « Une année en particulier, ce n’est pas sur cela que ça repose. Ç’aurait pu être cinq ans. Mais au-delà de cinq ans, ça devient complexe au chapitre de la gestion des ressources humaines. »
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