Le grand patron de la Caisse de dépôt et placement du Québec, Michael Sabia, a eu beaucoup de mal à dire hier en conférence de presse de qui relevait le grand patron de la filiale Otéra, Alfonso Graceffa, qui s’est retiré le temps d’une enquête sur de possibles problèmes éthiques.
Notre Bureau d’enquête a révélé dans les dernières semaines que M. Graceffa a été bénéficiaire, via des compagnies à numéro, de 11 prêts d’une filiale d’Otéra, alors qu’il occupait les fonctions de PDG de cette filiale de la Caisse qui fait du prêt hypothécaire.
Un partenaire d’affaires de M. Graceffa dans plusieurs entreprises a aussi bénéficié en 2017 d’un important prêt de 44 millions $ d’Otéra pour la construction d’une résidence pour aînés à Saint-Jean-sur-Richelieu.
Le code d’éthique d’Otéra stipule pourtant qu’un employé peut être nommé dirigeant ou administrateur d’une autre compagnie, seulement « à condition que [...] la société en question ne soit pas un partenaire, un client ou un fournisseur de biens d’Otéra ».
Double emploi
À une question hier d’un journaliste de La Presse, qui demandait « de qui relève le patron d’Otéra ? », Michael Sabia a d’abord répondu : « La société Otéra est une filiale de la Caisse. Il y a un conseil d’administration [chez Otéra] et le président d’Otéra relève de son conseil d’administration. »
Or, peu de temps avant sa suspension, M. Graceffa occupait les postes à la fois de président du conseil d’administration et de PDG d’Otéra.
Interrogé par d’autres journalistes désirant savoir qui supervisait les activités d’Otéra au sein de la Caisse, Daniel Fournier, le grand patron d’Ivanhoé Cambridge, a expliqué qu’Otéra était un « hybride » rattaché autant aux activités de revenu fixe de la Caisse qu’à celles d’une autre filiale immobilière de la Caisse, Ivanhoé Cambridge.
Changements à prévoir
« On est tous impliqués, moi inclus. C’est une raison pour laquelle on a hâte de voir les résultats du rapport », a-t-il commenté.
Visiblement sur la défensive quant à la question de la gouvernance chez Otéra, la direction de la Caisse a dit plusieurs fois que des changements étaient à prévoir dans la foulée de l’enquête commandée à l’avocat externe Stéphane Eljarrat.
« L’intégrité de cette institution, c’est non négociable. Point à la ligne », a martelé M. Sabia. Il a dit que l’investigation était très large et qu’elle pourrait mener à des changements au sein des processus de plusieurs entités de la Caisse, y compris Ivanhoé Cambridge. Il a reconnu que la Caisse devait s’améliorer.
« S’il faut corriger des choses, évidemment, nous allons prendre toutes les mesures nécessaires », a dit le grand patron de la Caisse.
Le porte-parole d’Ivanhoé Cambridge, Sébastien Théberge, nous a plus tard fait savoir que Claude Bergeron, chef de la direction des risques et des relations avec les déposants de la Caisse, remplaçait pour l’instant M. Graceffa à la tête du conseil d’administration d’Otéra.